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Albator, Astro Boy, Mickey, Batman : les frontières abolies

Par Vincent SAVI le 29 mars 2019                      Lien  
La nouvelle est tombée pendant le festival Magic de Monaco : Didier et Lyse Tarquin vont travailler sur l'univers créé par Leiji Matsumoto où évolue le célèbre corsaire Albator, tandis que Jean-David Morvan revisitera totalement Astro Boy dans une toute nouvelle histoire. Auparavant, Disney avait confié son univers aux auteurs de Glénat... Les grandes écoles de la BD ont-elles encore des frontières?

Dans la bande dessinée américaine, depuis le procès qui opposa Rudolh Dirks et son éditeur William Randolph Hearst à propos des Katzenjammer Kids, les personnages appartiennent à leurs éditeurs. En France, jusqu’il y a quelques années, c’est l’auteur qui était le propriétaire de ses personnages. Alors que Tintin appartient à Hergé et ses ayants droits, Batman, Captain America ou Daredevil appartiennent à leurs éditeurs qui en confient la réalisation à divers artistes qui se passent le relais de leurs aventures, chacun livrant sa vision des personnages.

Même s’ils ont pu être dessinés par d’autres talents, Astérix reste attaché à Uderzo et Goscinny, comme Sambre le sera toujours à Yslaire ou Titeuf à Zep. Tandis que l’on ne peut résumer Daredevil à un auteur : on parlera du personnage selon Frank Miller, Brian Michael Bendis, John Romita Jr. Stan Lee, Ann Nocenti et bien d’autres.

Albator, Astro Boy, Mickey, Batman : les frontières abolies
Une première planche de Tarquin.
© Michel Lafon / Shibuya Productions

Cependant, avec le temps, cette dichotomie apparaît aujourd’hui comme dépassée. Il existe en effet outre-Atlantique une culture du Creator-Owned où les séries et les personnages appartiennent aux auteurs, l’éditeur Image Comics en est l’un de ses représentants emblématiques. A contrario, en Europe, cela fait maintenant bien des années que les auteurs se succèdent sur Blake & Mortimer où s’approprient des personnages comme Spirou et le Marsupilami, devenus les marques-propriétaires d’un grand groupe d’édition.

Jean van Hamme passe lui aussi le relais sur la plupart de ses grandes créations et a même supervisé des spin-off à XIII et Thorgal, une pratique que les éditeurs américains connaissent très bien. L’année dernière Grzegorz Rosinski a laissé les crayons de Thorgal à Fred Vignaux, et cela fait des années que la destinée d’Astérix n’est plus entre les mains de ses créateurs d’origine .Ce n’est d’ailleurs probablement qu’une question de temps avant que Tintin ne vive de nouvelles aventures...

Des personnages comme Batman, Mickey ou Lucky Luke sont devenus des icônes, des symboles que la popculture s’est appropriés. Ils ont brisé les frontières du 9e Art pour devenir des films, des séries animées, des jeux vidéo, des timbres, des statuettes... Le marché de la bande dessinée tend à se structurer autour d’univers de parcs d’attraction.

© Michel Lafon / Shibuya Productions

Ce qui se comprend. Un personnage vend, un auteur vend : réunir la puissance de ces deux marques (Mickey ou Disney) garantit forcément une attraction commerciale et le roulement des auteurs en assure une longévité avec à la clé des recettes-records !

Voilà maintenant 80 ans que Batman vit des aventures tous les mois sous de multiples signatures, c’est la fameuse Continuity US ! On imagine que convaincre un artiste de travailler avec un tel personnage ne constitue pas un problème, tant il reste admiré.

Le fait que cette pratique se généralise entre le Japon et l’Europe consacre en quelque sorte la victoire du modèle américain, et ce n’est pas les dernières métamorphoses d’Alix qui viendront nous contredire.

Les signes avant-coureurs n’avaient pas manqué : on se souvient de la collaboration entre Stan Lee et Moebius sur Silver Surfer : Parabole, de l’intervention d’Enrico Marini sur l’univers de Batman ou la collaboration entre Glénat et Disney sur Mickey.

Les collaborations internationales ne datent pas d’hier, mais gardaient un caractère exceptionnel.
© Marvel Comics / © Dargaud / © DC Comics / © Glénat / © Disney

Aujourd’hui, c’est au tour de Didier & Lyse Tarquin d’investir l’univers d’Albator tandis que Jean-David Morvan envisage de rebooter l’univers d’Astro Boy, d’éminentes icônes japonaises. Vivons nous "l’ère Meiji du manga" ?

Alors que le phénomène des Global Manga commence à s’installer en France (cf. le succès de Radiant ) du fait d’une nouvelle génération d’auteurs et d’éditeurs exposés intensément aux manganimes, suivie par une autre sevrée aux comics hollywoodiens, les frontières s’effacent de plus en plus entre les grandes nations de la bande mondiale. Le mur de Trump n’y pourra rien !

Bientôt les Fantastic Four commenteront le Talmud sous le crayon de Joann Sfar, Astérix embarquera dans une fusée Nagma en direction de la Tôkyô de Rumiko Takahashi, et Superdupont sera confié à Frank Miller...

Vous souriez ? Qui aujourd’hui peut affirmer que c’est impossible ?

Le Astro Boy de Morvan, Parel et Martinez !
© Michel Lafon / Shibuya Productions

Ce n’est pas encore au programme, et intéressons-nous pour l’instant à ce qui nous attend prochainement. Prévu au format Franco-Belge classique, l’album de Didier et Lyse Tarquin avec Albator devrait arriver dans quelques mois, grâce à une collaboration de Michel Lafon et des de Shibuya Productions, une société monégasque produisant des films d’animation et des jeux vidéo.

En ce qui concerne Astro Boy : Année Zéro, l’ouvrage devrait arriver tout prochainement et pourrait donner lieu à des suites. Jean-David Morvan sera accompagné des dessinateurs Gérald Parel - qui avait déjà dessiné Iron Man : Season One - et Guillaume Martinez. On y suivrait la résurrection du jeune robot dans le corps d’un adolescent qui ignorerait sa condition.

Des rumeurs parlent aussi d’une reprise de Cobra, nous restons aux aguets...

© Michel Lafon / Shibuya Productions

(par Vincent SAVI)

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11 Messages :
  • reprise, reprise, reprise.
    ça manque sérieusement d’imagination
    les héros d’hier sont les héros de demain ?.
    par contre pas de reprise franco belge du coté américain ou japonais
    ça ne marche que dans un sens ?

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    • Répondu par Fred le 29 mars 2019 à  20:25 :

      Burp a fait son rot...

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    • Répondu par mmarvinbear le 30 mars 2019 à  10:32 :

      Si les reprises ne sont pas uniquement confinées à la BD (regardez les remakes et reboots qui pullulent sur les écrans...), c’est une bonne indication du poids de la notoriété des héros dans le monde. Et malgré toute l’affection que l’on peut avoir pour nos héros et séries FB préférées, elles ne font pas le poids face aux héros japonais et américains. Normal donc que les auteurs étrangers ne se bousculent pas pour reprendre Lanfeust ou Achille Talon.

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      • Répondu le 30 mars 2019 à  12:55 :

        oui ben vous faites le même constat pour le FB : " elles ne font pas le poids face aux héros japonais et américains."
        Ces deux monstres industriels ont des moyens 1000 fois supérieurs à la FB et produisent de nouveaux héros tous les jours.
        Citez moi une série FB actuelle qui va perdurer.
        Je dit simplement qu’il faut que le FB se réveille.
        On en reparle dans dix ans.

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        • Répondu par mmarvinbear le 31 mars 2019 à  01:17 :

          Les moyens ne sont pas les seuls en cause, il y a aussi la culture.

          Les USA et le Japon sont deux nations ou l’image n’est pas, comme ici en France, dénigrée et mise au second plan dans la critique et la culture générale.

          Scott McCloud l’a bien noté dans son " Art invisible" : ici, les livres dessinés sont considérés comme étant un produit d’appel pour intéresser les jeunes à la lecture, en retirant les dessins de plus en plus au fil de la croissance de l’enfant pour arriver à des livres "sérieux", sans dessin.

          Comment, après cela, faire comprendre aux parents que dessiner peut être un "vrai" métier et qu’on peut en vivre ?

          Comment aussi lutter contre les mangas quand les Weekly Jump et consorts tirent à des millions d’exemplaires par semaines ou par mois avec 3 ou 400 pages par livraison quand ici Spirou plafonne à moins de 100 000 exemplaires de 48 pages chacun ?

          Comment se faire une place parmi les comics books qui offrent parfois plus de 60 ans de continuité et dont les personnages sont donc connus de générations en générations alors qu’ici, les jeunes ne connaissent plus Bicot, les Pieds nickelés ou Benoit Brisefer ?

          La BD Franco-Belge fait figure de petit artisan sympathique, talentueux et profond mais dont les héros et les histoires se perdent d’une génération à l’autre et sans pouvoir conquérir un nouveau lectorat en dehors de l’Europe.

          Comme Astérix, elle peut résister, mais confinée sur un confetti de territoire pendant que le reste du pays connait plus Batman et Assassination Classroom qu’autre chose.

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        • Répondu par Schtroumpf à lunettes le 31 mars 2019 à  09:08 :

          Les Schtroumpfs ont la notoriété internationale nécessaire pour de tels échanges, je pense. Deux films hollywoodiens leur ont été consacrés cette décennie. De plus, ils sont petits et mignons, ce qui en fait de bons candidats pour une forme de Pokémisation/HelloKittysation.

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        • Répondu par BDphiltre le 1er avril 2019 à  19:17 :

          Undertaker, Dad, les nombrils, les vieux fourneaux, etc... si cela ne suffit pas...

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  • Voilà un message qui, s’il avait été publié le 1er avril et signé de Didier Pasamonik, aurait pu être apparenté aux petits plats à base de poissons que nous mitonne chaque année le rédac’chef.
    Il faut croire qu’en ces temps incertains, le vieux constat que la réalité dépasse la fiction perdure.

    Répondre à ce message

  • Ce sont certainement de bonnes nouvelles mais deux questions se posent :

    1) en francophonie, Albator et Astro boy sont connus depuis une trentaine d’années (même plus, merci Dorothée). Leurs reprises, comme celle de Cobra, sont influencées en partie par une certaine nostalgie : on connait déjà ces héros. Quels sont leurs renomées ailleurs ?

    2) les albums créés par des auteurs Franco-Belges seront-ils traduits et mis en vente aux USA et au Japon ? Permettant de ce fait au lectorat de ces pays de découvrir de nouveaux auteurs et -espéront le- de créer une demande de leurs productions antérieure...

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    • Répondu par Professeur Poiscaille le 1er avril 2019 à  11:05 :

      1) Albator et Astro sont également des franchises patrimoniales connues et respectées au Japon et dans une moindre mesure aux États-Unis (où ils ont d’ailleurs jadis été adaptés sous forme de comic books à la légalité douteuse). Rien de comparable à des mastodontes comme Dragon Ball ou Naruto, mais ils ont un cercle d’amateurs, et Astro a même eu droit à son film hollywoodien en 3D (avec Nicolas Cage au casting, je crois). S’il y a une franchise japonaise dont le rayonnement est essentiellement francophone (et italophone également), c’est Goldorak. Ce qui explique, par exemple, que la news suivante concoctée par nos voisins transalpins ne puisse être qu’un savoureux poisson de saison :
      https://www.gonagaiworld.com/netflix-annuncia-il-ritorno-di-goldrake-in-una-nuova-serie-animata/

      2) C’est là toute la question. Et à quand des traductions japonaises des albums d’Albator par Moliterni et le studio Five Stars, ou du Goldorak que dessinait Jorge Domenech dans Télé-Junior ? Je pense que dans tous les cas, y compris pour les créations plus récentes, il ne faudrait pas s’attendre à des tirages dignes du Jump, mais plus confidentiels. Les comics de super-héros, depuis quelques années, commencent à pénétrer le marché japonais après des décennies de tentatives ratées. Ils surfent sur le succès des films, certes, mais adoptent également une stratégie de "beaux livres", avec leurs pages couleurs et leur grand format. Un marché où ils ne sont pas tout à fait en concurrence avec le manga.

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