Ah qu’il est ardu de succéder au vieux maître, Jacques Martin ! Cela fait plusieurs années que ce dernier forme une équipe de jeunes dessinateurs destinés à reprendre ses séries. La plupart d’entre eux ont eu à faire leurs premières armes sur la collection Les voyages d’Alix. Le plus doué, Christophe Simon a déjà pu illustrer un épisode de Lefranc et un d’Orion. La série phare de Martin, Alix, était confiée à Rafael Morales. Le graphisme de celui-ci, tout en raideur, n’a jamais réellement convaincu les amateurs malgré la méticulosité qu’il apportait aux décors. En 2005, Morales est débarqué et une nouvelle équipe est mise en place avec comme objectifs, une plus grande régularité dans le rythme de parution et un retour au style graphique de Martin période La griffe noire. Ce team est composé au dessin de Christophe Simon et Cédric Hervan et au scénario de François Maingoval, ce dernier travaillant sur des idées de Martin. A charge pour eux de relancer Alix vers les voies d’un succès qui avait tendance à s’étioler.
Le résultat de leur travail est donc ce 25ème album et est, comment dire ? désastreux. Les deux dessinateurs n’ont visiblement pas travaillé de concert, chacun se réservant une moitié d’épisode. La différence de style est flagrante et offre une rupture de ton inadmissible dans une histoire complète. Le début de l’histoire renoue graphiquement avec le style de Morales (pourquoi l’évincer alors ?), accumulant les mêmes défauts. Et puis, à la moitié de l’album, le style change, les personnages sont mieux campés, les cases s’aèrent et malheureusement les planches aussi, la densité des pages s’amenuise : six à sept cases pour une page d’Alix, c’est du jamais vu ! Christophe Simon renoue avec le dessin de Martin de la grande époque et on en vient à rêver à un livre entier dessiné, sans contrainte de temps, par ce jeune auteur qui tient ses promesses !
Le scénario de cet album est, quant à lui, affligeant de platitude. Les retrouvailles d’Alix avec ses racines sont étouffées dans l’oeuf. Les dialogues sont de plus en plus théâtraux. La trame est simplissime, loin des formidables ouvrages du maître tels Le Dernier Spartiate ou Le Prince du Nil qui offraient des intrigues puissantes, construites avec rigueur et avec un souffle antique qui permirent à Martin de devenir la référence que l’on connaît. Maingoval accumule les maladresses et ridiculise Enak, un personnage certes pas facile à animer sans tomber dans la caricature. Comme de bien entendu, il tue le personnage féminin ; il n’est pas bon être une femme dans les oeuvres de Jacques Martin ! Le bad guy de service est interprété par l’inévitable Arbacès qui a autant perdu de sa superbe que de sa faculté de nuisance. Il serait peut-être temps de supprimer la récurrence de l’ennemi de service.
On pourrait aussi mentionner la laideur de la mise en couleurs, loin, bien loin, de la chatoyance des anciens albums.
Ce 25ème album qui devait relancer la série, annoncé comme un événement, est donc un naufrage dont seul peut être sauvé le graphisme prometteur de Christophe Simon. La série Alix est aujourd’hui un classique en péril !
(par Erik Kempinaire)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion