Alix et Enak répondent à l’énigmatique invitation d’un vieil ami, le général Galva, un fidèle de César. À l’heure où celui-ci va fêter un heureux événement, le mariage d’une de ses filles, les souvenirs de sa propre destinée se rappellent à lui, le poussant à boire sans répit.
Peu après, Alix est d’ailleurs mystérieusement agressé dans les jardins de la villa de Galva. Le jeune gaulois ne pourra pas repousser le sort plus longtemps, car un meurtre atroce et incompréhensible est commis en pleine célébration du mariage. Ce secret serait-il en lien avec les prêtresses du temple de Vesta, à qui César a confié un mystérieux document avant de partir en guerre vers l’Hispanie ? Et son neveu Octave se faisant porter pâle comme Lydia semble l’affirmer, est-il partie prenante dans cette sombre machination qui s’est mise en place... ?
Près de quinze ans après le dernier album ’complet’ de Jacques Martin, Ô Alexandrie, voici qu’un auteur ose s’attaquer seul au scénario et au dessin d’Alix. Cet exploit se double d’un point de départ particulièrement bien choisi et dans la lignée de la série : une source authentique, le testament de César confié aux Vestales, sur lequel une trame romanesque vient se greffer.
Malheureusement, la médaille a son revers ! Alors que d’excellents albums comme la Griffe noire dans sa première partie ou le Tombeau étrusque étaient des merveilles de suspense et d’action, le soufflé retombe rapidement dans ce nouvel opus. À commencer avec l’alcoolisme de Galva qui donne une atmosphère plus malsaine que lourde, puis les attaques dont Alix fait l’objet et pour lesquels il ne réagit pas directement.
Plus qu’une tragédie lors de laquelle les protagonistes évoluent souvent en lieu clos, c’est alors un polar qui nous est livré, dans lequel Alix joue le rôle du détective : parfois charmé par une belle intouchable, parfois assistant à un meurtre sordide et découvrant des indices lors d’une autopsie, parfois trahi et tombant dans un piège qu’il n’a pas su voir venir, parfois écumant les bars sordides à la recherche d’indices, parfois interrogeant son vieil ami militaire à la retraite qui se noie au fond d’une bouteille.
Dans son ensemble, cette transposition de genres n’est pas dénuée de sens, car elle permet de nous intéresser aux Vestales, ainsi qu’aux licteurs et au système judiciaire de l’époque, mais les personnages semblent s’ébattre dans un monde qui ne leur est pas propre : entre Galva qui sort une famille complète de son chapeau, et Alix réagissant en dépit du bon sens, on s’égare plus qu’on participe à l’intrigue.
Sans être malhabile, le dessin de Venanzi souffre de quelques approximations : de personnages souvent raides, dans des positions figées sans impression de mouvement, des bouches régulièrement ouvertes et dont les traits ne correspondent alors plus vraiment aux expressions portées par le dialogue. Mis-à-part quelques cases d’Ostie, de temples et de lieux publics, l’album manque de plans larges, qui auraient permis de mieux mettre en avant le fabuleux décor qu’est Rome, tout en permettant par après d’accentuer l’étouffement volontaire des personnages.
Qu’on prenne le verre à moitié plein ou à moitié vide, le constat ne change pas beaucoup : on est bien loin de la fameuse pièce de Shakespeare, et même si ce n’était pas le but premier, on demeure mitigé après sa lecture, sentant le potentiel de l’auteur, tout en regrettant ses approximations.
On en vient alors à mettre en cause les diverses équipes d’édition qui tournent autour de ces projets. Depuis leurs mise-en-place, rares auront été les titres de qualité. Pourtant, peut-être qu’en prenant le temps de mieux suivre les auteurs, le rendu final s’en retrouverait sans doute bonifié ? Mais en décidant de sortir absolument un album de chaque série par an, tout en multipliant les équipes, en pressant les auteurs, quitte à bouleverser profondément le planning de parution, on en oublie de relire le scénario complet ou de regarder attentivement les planches. Le dernier Lefranc et cet Alix sont des preuves patentes de cet empressement.
Ce qui est certain, c’est que le personnage secondaire qui décède dans ce Testament de César ne méritait pas un enterrement aussi terne.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion