Depuis quelques temps, les jeunes filles disparaissent dans la ville, sans que Cornelius Carbo, le propréteur romain en charge de la province ne s’en inquiète outre mesure.
Son attention est davantage concentrée sur la personnalité de Délia, « Reine des Amazones », qui a constitué hors de la ville, dans un bastion fortifié une matriarchie composée de jeunes femmes qui lui sont entièrement dévouées. Et la « reine » Délia ne cache pas son ambition : face au peuple dont elle cherche le soutien, elle défie Alix lui-même dans une course de chars qui a lieu dans l’hippodrome de la ville en l’honneur de Poséidon en présence du magistrat romain.
Bon, notre héros la vainc de très peu et est acclamé face au peuple avec sa couronne de lauriers. Ouf ! L’honneur masculin est sauf ! Mais dans l’ombre, une intrigue se noue dont les ressorts ne manqueront pas de surprendre le lecteur.
Valérie Mangin s’appuie, comme Jacques Martin, sur les grands mythes de l’antiquité pour mettre en situation le héros gallo-romain dans les interstices de l’histoire. Elle convoque ici le 9e des travaux d’Hercule, celui où le héros est sommé par Héra de s’emparer de la ceinture de la reine des Amazones, Hippolytè (ou Mélanippè selon les versions), insigne de sa royauté conférée par le dieu Arès en personne. Ici, c’est un groupe d’ados dont fait partie Enak qui tente de s’emparer de la ceinture...
Les textes anciens situent en effet en Asie Mineure, au Sud de la Mer noire, sur les bords du Thermodon, près de la ville de Thémiscyra, la présence d’une peuplade de femmes-guerrières qui portaient le nom d’Amazones. Associée au mythe d’Hercule, leur présence dans cette histoire met en exergue une réalité du monde antique : une femme ne pouvait prétendre au statut de reine que par son union avec un roi (c’est pourquoi Cléopâtre épouse ses frères Ptolémée XIII et Ptolémée XIV avant de convoler avec le général romain Marc Antoine) ou par l’entremise d’une régence (le fils qu’elle a eu avec César étant mineur).
Cette histoire d’Alix qui brasse plusieurs mythes n’a donc rien d’historique, mais elle a la vertu d’éveiller la curiosité du lecteur pour l’histoire, tout en l’interrogeant sur les modèles patriarcaux qui se perpétuent depuis la nuit des temps.
Le dessin ultra-fidèle au modèle martinien de Chrys Millien, jusque dans ses raideurs-même, et surtout les sublimes couleurs de Jean-Jacques Chagnaud, perpétuent avec qualité une série marquante de la bande dessinée franco-belge.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Alix T. 41 – La Reine des Amazones – par Valérie Mangin et Chrys Millien, d’après Jacques Martin – Ed. Casterman
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