Alpha rêve d’Europe, qu’il imagine très belle mais un peu froide, ce en quoi il n’a pas tort. Sa belle-sœur y habite, elle a un salon de coiffure pas loin de la Gare du Nord, il ne sait pas où exactement. Il n’a pas de quoi se payer le Paris-Abidjan pour la rejoindre -encore faudrait-il qu’il ait un visa, ce qui est impossible- et n’a plus de crédits téléphoniques pour l’appeler. Elle, d’ailleurs, ne l’appelle pas... Mais il décide d’y aller.
Dans un long monologue intérieur, Alpha va raconter le périple qui le mène de son pays, où son avenir est bouché, vers un avenir plus au nord. Chemin d’un exil parcouru de mirages, de cartes postales de la Tour Eiffel, de petits jobs de circonstances, de personnages empathiques et lumineux, mais aussi de trafiquants d’humains, de policiers et de soldats corrompus... Un voyage de 18 mois, littéralement une traversée du désert, entre espoir et désespoir, une aventure, une vraie, pas celle de ces héros qui prennent la pose pour le cinéma.
Ce livre poignant, on le doit à une romancière suisso-gabonaise au parcours brillant : Bessora, née à Bruxelles, diplômée d’une école de commerce, ayant fait une carrière dans la finance internationale depuis Genève, un doctorat en anthropologie en poche, et des romans qui remportent quelques prix : Prix Fénéon, Grand Prix littéraire d’Afrique noire...
Le coup de pinceau de Barroux accompagne ce rêve informe. Son approche elliptique faite de paysages distants et de gros plans offre, comme chez Loustal, une vision distanciée et en même temps proche de son sujet. Cette distance, empreinte d’esthétisme, est nécessaire pour conter ces moments terribles et ses portraits sont à la fois simples et justes. Le duo fonctionne à merveille.
C’est un livre fort, unique, documenté qui en dit plus long que la nécrologie compassée du 20 heures.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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