La vie de Ekaterina, une mère de famille, qui tente de survivre en vendant des DVD dans le métro de Moscou, va basculer le jour où elle apprend que son fils Volodia est détenu par des rebelles tchétchènes.
Devant la douleur et l’absence d’informations sur les circonstances exactes de la disparition de son fils, la vieille femme décide alors d’aller le rechercher. Le terrible chef tchétchène Bassaïev acceptant, parait-il de libérer les soldats prisonniers si leurs mères viennent les chercher.
Commence alors pour cette "Mère Courage" un périple qui va la conduire, en compagnie de son chien Milyi, au cœur du désastre tchétchène. Cette épopée lui révèlera (ainsi qu’au lecteur !) les aspects les plus sordides d’un conflit qui a déserté depuis longtemps les premières pages des journaux. C’est aussi par delà les ciels plombés et les paysages enneigés dévastés par la guerre et la misère l’occasion de rencontres inédites, surprenantes souvent terribles.
Scénariste venu du journalisme, Aurélien Ducoudray s’est notamment fait remarquer avec l’album Clichés de Bosnie (Futuropolis).
On retrouve dans cette fiction fort bien documentée (et complétée dans cette édition par un cahier documentaire consacré à certains aspects méconnus du conflit comme celui des amazones tchétchènes) son approche particulière de la narration.
Photographe et journaliste, l’auteur parvient à rendre touchant ce qui s’apparente à un reportage sur le vif. Si certains caractères peuvent paraître caricaturaux ou démesurés, le récit obéit parfaitement à son double objectif : rendre compte d’une réalité historique peu ou mal connue et raconter une histoire pleine d’humanité avec suffisamment de rebondissements pour captiver le lecteur.
La cohérence du récit et sa solide documentation donnent du crédit à une intrigue qui mêle avec efficacité violence et émotion.
Révélée avec les Innocents coupables, triptyque consacré aux bagnes pour enfants, dessiné sur un scénario de Laurent Galandon, Anlor témoigne ici, d’une maturité graphique encore plus affirmée. Associant une belle maîtrise du découpage à l’efficacité d’un trait souple et nerveux, elle traduit avec justesse le climat et les ambiances lourdes et cruelles du récit. Après un passage par l’animation et le court-métrage cette diplômée des Arts Décoratifs confirme avec cet album au contexte dur et difficile un talent bien prometteur.
Avec cette histoire prévue en deux tomes ce couple d’auteurs réussit une entrée remarquée au sein de la collection Grand Angle des éditions Bamboo, qui confirme à cette occasion sa belle vitalité.
(par Patrice Gentilhomme)
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