Ce recueil de dix histoires courtes d’une vingtaine de pages chacune a été publié originellement en 2018 au Japon par l’éditeur Hit Publishing Company, le même éditeur qui a pu proposer Peace Hame ! Volume 1 publié sous nos latitudes plus tôt cette année.
Dans l’industrie du Hentaï, le genre du Vanilla, consubstantiellement doux et consensuel, s’appuie bien souvent sur un argument massue : les éditeurs nippons n’hésitent pas à dégainer leurs plus fins dessinateurs pour en mettre plein la vue aux lecteurs et aussi attirer le chaland.
Eh bien, c’est assurément le cas ici avec Amour amer : nous découvrons à cette occasion le très joli trait de l’artiste Inato Serere, qui a aussi sur son CV une ligne en tant que Character Designer pour une série du studio d’animation Trigger [1]. Au regard de la patte graphique de l’artiste révélée par cet album, difficile de s’étonner une nouvelle fois à propos de la capacité de ce studio à s’entourer de talents sûrs.
La première moitié de ce recueil nous a carrément enthousiasmés. En effet, Inato Serere témoigne dans ces premières histoires d’un talent évident au crayon et d’une subtilité bienvenue pour ses intrigues. Par exemple, dans l’histoire qui ouvre cet album, on découvre deux amants qui ne parviennent pas à conclure un premier rapport sexuel souhaité par les deux partenaires. Ciel ! Se pourrait-il que, même pour les protagonistes issus d’un Hentai, tout ne se passe pas toujours idéalement bien lors d’une première fois ?
On découvre bien vite la signification derrière le titre « Amour amer » de cette histoire inaugurale : notre héroïne, rongée par la culpabilité qu’elle s’inflige pour cette première fois manquée, va discrètement surveiller son petit ami. Est-ce que celui-ci, qu’elle aime sincèrement, va la quitter à cause de cette expérience qu’elle juge décevante ? Et… Qui est cette jeune femme [2] qui lui tourne autour et qui semble bien familière avec lui ?!
Au fil de ces premières histoires, Inato Serere prend le temps d’exposer les sentiments qui relient les personnages ou de contextualiser leurs fantasmes, le tout avec une bienveillance bienvenue pour ses protagonistes. L’artiste alterne alors des ébats doux, mais très sensuels dans le dessin grâce à de fréquents plan moyens des héroïnes qui sont croquées sur toute la hauteur de la planche, avec des situations érotiques plus relevées. Que ce soit à travers des fantaisies érotiques centrées sur des formes d’exhibitionnisme ou de jeux ayant recours à de la cire chaude, Inato Serere surprend et convainc.
En comparaison, la seconde moitié de cet album nous a moins enthousiasmés. Le niveau de qualité atteint par l’artiste y demeure bien solide, mais ces histoires nous ont moins surpris car on revient vers des fétiches et des situations bien plus classiques (par exemple, la mise en scène de fantasmes liés aux figures rêvées d’une secrétaire, d’une infirmière ou d’une médecin). Amour amer est le premier recueil publié de l’artiste et il regroupe cinq années de son travail sur ce créneau : il n’est donc pas étonnant de constater que des histoires soient meilleures que d’autres, suivant probablement le gain de maturité de l’artiste dans son art.
De l’aveu d’Inato Serere dans ses anecdotes présentes dans la postface, il ressent des difficultés à véritablement introduire ses histoires avec un format imposé de 16 à 20 pages. Cela pourrait expliquer des histoires dans la seconde moitié de l’album que nous avons trouvées moins enthousiasmantes, mais demeurant efficacement sensuelles grâce au joli trait de l’artiste. Toutefois, dans cette seconde moitié d’album, celui-ci sait aussi y faire pour se rappeler à notre bon souvenir en terme de surprise, comme pour cette intrigue à l’occasion d’un festival des clubs de l’université où une membre déguisée en chat-démon va suivre un bien étrange entraînement pour gagner la capacité d’effrayer à coup sûr les visiteurs de son couloir hanté…
Quoi qu’il en soit, Amour amer est un album qui a nous a globalement laissé une très bonne impression : Inato Serere se révèle être un dessinateur diablement efficace pour insuffler de la sensualité à ses histoires, ces dernières se révélant tout bonnement très bonnes dès qu’elles sortent des sentiers battus. Nous tenons là un album que nous estimons faire partie du haut du panier parmi les recueils Vanilla qui ont été publiés en langue française ces dernières années.
(par Nickyl)
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Amour amer. Par Inato Serere (scénario et dessins). Traduction de Yves Bohmler. Hot Manga. Sortie le 21 septembre 2022. 216 pages. 9,95 Euros
[1] Il s’agit de la série Ninja Slayer From Animation, diffusée en 2015.
[2] Dans l’article Hentai & Sport, nous soulignions alors notre étonnement de ne pas voir le football être un sport retenu par l’industrie du Hentai pour mettre en scène ses intrigues. Quelle ne fut pas notre surprise de voir les personnages de nombreuses histoires de ce recueil être des membres du club de football de leur université ! Assurément la hantise du commentateur sportif : énoncer une généralité à propos d’un joueur et voir l’inverse se produire peu de temps après. ☺
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