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André Juillard : « En tant qu’amateur de Blake et Mortimer, j’ai trouvé le scénario du "Bâton de Plutarque" assez jouissif ! »

Par Charles-Louis Detournay le 17 décembre 2014                      Lien  
Il y a, depuis quelques temps maintenant, davantage d'albums de Blake et Mortimer réalisés par les repreneurs de la série que par Jacobs lui-même. Dans cette nouvelle orientation du catalogue, le tandem Sente-Juillard fait office d'élément stable, avec ce 6e album en commun. Dans la foulée de la publication du "Bâton de Plutarque", Juillard explique le plaisir qu'il a ressenti à travailler sur ce qui apparaît comme un audacieux prequel du {Secret de l'Espadon}.

Bien avant La Machination Voronov, vous aviez commencé à travailler l’univers de Jacobs qui vous a d’ailleurs toujours attiré...

André Juillard : « En tant qu'amateur de Blake et Mortimer, j'ai trouvé le scénario du "Bâton de Plutarque" assez jouissif ! »Dans un numéro du Journal Tintin en hommage à Jacobs, j’avais en effet réalisé une planche de Blake et Mortimer, vieillis, revenant sur les lieux du Mystère de la Grande Pyramide. Cet hommage a bien entendu contribué à ce que je dessine [L’Aventure immobile pour la collection Le Dernier Chapitre, scénarisé par Didier Convard (Dargaud). Puis, comme je connais très bien cet univers, au gré des rencontres en lien avec Jacobs, j’ai réalisé des dessins pour des sérigraphies hommages avec Christian Ziller pour Archives Internationales. Et c’est grâce à ces petits éléments dispersés que l’on m’a un moment proposé de réaliser un essai de reprise, ce qui ne pouvait que faire vibrer ma fibre jacobsienne !

Trouviez-vous légitime de prolonger l’« opéra de papier » du grand maître bruxellois ?

Apparemment, Jacobs lui-même souhaitait que ses héros continuent à vivre de nouvelles aventures après son décès, ce qui témoigne d’une certaine générosité ! Cela signifie qu’il pensait que quelqu’un serait capable de relever ce défi de lui succéder. Nous sommes d’ailleurs plusieurs à l’avoir tenté.

Deux sérigraphies des "Archives internationales" produites par Ziller et Desbois. Au-dessus, un hommage de Juillard à Jacobs réalisé des années avant qu’on ne lui propose de reprendre la série.
Ces sérigraphies font partie de l’exposition "Jacobs et l’Espadon - Juillard & Ziller" à la Maison Autrique à Bruxelles.

Quels sont les éléments qui sous-tendent votre reprise ?

Le design des inventions de Mortimer est également jacobsien

Pour moi, cette reprise de Blake et Mortimer n’avait de sens que s’il y avait une fidélité au personnage, à l’atmosphère de la série, mais aussi à son style. Il est bien entendu impossible de copier Jacobs, mais en respectant l’esprit de la Ligne claire et de sa mise en scène, ainsi que l’attitude théâtrale des personnages, je me suis aperçu après coup que cette reprise n’était pas si hasardeuse, car le graphisme qui en découlait n’était pas si artificiel que ça.

Quelle a été le point de départ du Bâton de Plutarque, ce prequel du Secret de l’Espadon ?

Pour le repérage du Serment des cinq lords, Yves [Sente] et moi, nous nous étions rendus à Londres. Du côté de l’ancien Scotland Yard, nous sommes tombé sur le War Cabinet Museum, le bunker dans lequel se réfugiaient Churchill et son staff. Pour des auteurs tels que nous qui apprécions le décor et l’atmosphère de l’époque, c’était un endroit merveilleux car ils l’avaient maintenu en l’état, avec des mannequins en costume d’époque. Avec Yves, nous avons été enthousiasmés par ce lieu. Mais comment l’utiliser, sachant qu’il avait intensément vécu entre 1940 et 1944 ? Yves a alors fait le lien en imaginant revenir pendant la Seconde Guerre mondiale qui précède le Secret de l’Espadon ?


Quel a été votre premier sentiment à la lecture du du synopsis du Bâton de Plutarque ?

Je l’ai trouvé assez jouissif pour l’amateur de Blake et Mortimer que je suis. En tant que dessinateur, cela me permettait de revisiter Le Secret de l’Espadon et j’ai remarqué qu’Yves s’était amusé à réaliser un certain nombre de connections entre les albums. Ce qui explique d’ailleurs un certain nombre de points laissés dans l’ombre dans Le Secret de l’Espadon : pourquoi Blake et Mortimer semblent-ils bien se connaître ? Ainsi qu’Olrik ? Comme Yves aime que les choses soient très carrées, j’ai beaucoup apprécié l’étude qu’il a réalisée du Secret de l’Espadon, afin de réaliser un grand nombre de liens avec Le Bâton de Plutarque.

S’inspirant de l’autobiographie Un Opéra de papier publiée par Jacobs (Ed. Gallimard), le scénariste Yves Sente place Blake sur le porte-avions The Intrepid.

Avez-vous essayé de coller au graphisme parfois plus hésitant des premières planches de Blake et Mortimer ?

Malgré les planches retouchées par Jacobs après le premier jet réalisé par Jacques Van Melkebeke, deux graphismes se distinguent encore dans Le Secret de l’Espadon : un style plus réaliste au crayon, puis un graphisme ligne claire qui se prolonge dans les albums suivants comme Le Mystère de la Grande Pyramide, La Marque Jaune et les autres. Comment choisir entre les deux styles ? J’ai alors tout simplement préféré garder le mien, qui est un mixte des deux !

Une bonne partie du Bâton de Plutarque se déroule dans la base mythique de Scaw-Fell : vous avez dû recréer ces décors envous inspirant des quelques informations présentes dans les premières pages du « Secret de l’Espadon », une scène qui se déroule d’ailleurs de nuit...

Je me suis bien entendu inspiré de la scène qui se déroule à Scaw-Fell, mais cela se résume à deux-trois cases à peine, et la couverture du premier album, alors que la base est détruite dès le début de l’aventure. Je me suis donc amusé à reconstituer cette base afin d’y développer une partie de l’action du Bâton de Plutarque. Quant aux décors, je préfère un album de Blake et Mortimer qui se déroule dans les îles britanniques, un souhait exaucé par le scénario d’Yves.

Une des magnifiques planches du nouvel album, exposée dans l’exposition Blake & Mortimer en ce moment à la Maison Autrique à Bruxelles.

Vous avez dû assurer un rythme soutenu pour tenir les délais. Vous vous êtes fait aider par Étienne Schréder. Comment s’est déroulée votre première collaboration avec ce dessinateur maintenant habitué à donner un coup de main sur la série ?

L’éditeur m’a exprimé son envie de faire sortir cet album pour la fin de l’année 2014, ce qui n’était au départ pas prévu ainsi. Dans les délais impartis, j’ai expliqué qu’il ne serait pas possible de réussir ce challenge. On m’a alors proposé de travailler avec Étienne, afin qu’il réalise une partie de l’encrage. Nous nous sommes très bien entendus, et nous avons bûché pendant huit mois non-stop pour publier l’album à temps. Je vais maintenant prendre un peu de vacances, réaliser sans doute divers petits travaux d’illustrations, avant de reprendre la suite des 7 Vies de l’Epervier.

(par Charles-Louis Detournay)

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Sur ActuaBD, lire également :
- L’avant et l’après Espadon
- Yves Sente : « Il faut doser le mélange entre le respect de l’œuvre de Jacobs et les attentes du public de 2012. »
- André Juillard : « J’avais envie de retrouver les personnages des "7 vies de l’Epervier" et l’univers dans lequel ils évoluent »

Exposition "Jacobs et l’Espadon - Juillard & Ziller" à la Maison Autrique à Bruxelles
Du 5 décembre 2014 au 15 février 2015
Du mercredi au dimanche de 12h à 18h

Photo en médaillon : Charles-Louis Detournay.

 
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18 Messages :
  • Un court entretien qui informe bien les lecteurs.

    Sinon, pour Van Melke, son nom est déjà suffisamment difficile à prononcer, il me semble qu’il manque un "KE" à la fin.

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  • A voir cette sérigraphie de Juillard qui représente Blake et Mortimer dans le désert, on se met à rêver que ses albums de reprises des deux personnages aient été faits dans ce style qui lui est propre plutôt que finalement dans sa version glaciale et raide de la ligne claire. Il est un excellent dessinateur mais je me suis toujours demandé pourquoi il encrait aussi froidement ses dessins dont les crayonnés sont toujours beaucoup plus vivants. Depuis qu’il fait des B&M on le considère toujours comme un maitre de la ligne claire mais Juillard ne fait pas de la ligne claire, il en fait une caricature pour répondre à un cahier des charges extrêmement contraignant parait-il. Le personnage qui en souffre toujours le plus est Mortimer, il n’a jamais réussi à l’encrer, il en fait toujours une statue raide au regard vide.
    Rien ne vaut les deux Ted Benoit tout de même, qui est le seul à ne pas s’être trahi dans cet exercice.

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    • Répondu par Oncle Francois le 18 décembre 2014 à  11:14 :

      Bien d’accord avec vous, sur toute la ligne (claire) !

      Je trouve triste que le magnifique illustrateur des 7 Vies de l’Epervier fasse de la parodie de Jacobs, avec un cahier des charges contraignant. Maintenant, il parait que ces albums d’après Jacobs se vendent beaucoup mieux que les séries historiques de Juillard, donc on peux comprendre qu’il y passe autant de temps, on ne vit pas que d’amour et d’eau fraîche, cela rend famélique, il faut aussi mettre un peu de beurre dans les épinards !

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  • et même plutôt ennuyeux. Yves Sente n’est pas le grand Jean Van Hamme qui arrive à faire des histoires palpitantes et jubilatoires avec de vieux personnages oldfashioned, sans aucune connotation négative , cela se sent et se ressent !

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  • Suis-je le seul à avoir noté une omission "suspecte" ? Vers la fin de l’album, deux années de la fin de la guerre et de l’après-guerre, de 1944 à 1946, sont synthétisées par des coupures de presse, prenant l’ensemble d’un strip. Jacobs avait eu recours, de nombreuses fois à ce procédé. Toutefois, ici, on mélange la réalité historique et l’uchronie : l’accession au pouvoir de Clement Attlee, le départ du Général de Gaulle, des coupures de presse sur Basam Damdu et le Thibet (imaginaires), mais nulle mention de la découverte des camps de la mort par les Alliés, nulle mention du Procès de Nuremberg. Je reste persuadé que c’est inconscient, mais cette omission, alliée à l’utilisation d’ailes volantes qui n’ont pas volé au combat (les fameux Horten), m’a laissé un goût amer. A la lecture de cet ouvrage, certes de fiction, mais qui mélange l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale et les prémisses d’une autre guerre uchronique, tout se passe comme si la Solution finale n’avait pas existé ou avait été occultée. Alors qu’il était si simple de rajouter un article, dans cette case, sur ce sujet... qu’on ne peut pas occulter. Qu’on ne peut pas oublier. Trop concentré sur les nombreux fils de l’intrigue, le scénariste n’a peut-être pas eu conscience de cette... "lacune", mais... j’ai vraiment trouvé cela un peu glaçant.

    Pour tout le reste, l’album est truffé de référence, Sente et Juillard étant davantage centrés sur l’espionnage et le thriller que Jacobs... Cette relecture et ce déploiement de l’oeuvre canonique sont remarquables, et Juillard a eu raison de tenir bon, et de ne vouloir être assisté à l’encrage que pour les décors. Toutefois, je continue à rêver à un album qu’il réaliserait en couleurs directes. Des cases, dans cet album, réalisées au lavis et colorées, montrent que le style originel de Juillard conviendrait à merveille à ces albums. Le public me semble prêt à accepter une telle "aventure graphique".

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 décembre 2014 à  18:33 :

      Tout de suite les procès d’intention ! C’est sûr que dans Le Secret de l’Espadon, la menace "jaune" l’emporte sur toutes les autres considérations fussent-elles horribles. Rappelons quand même que toutes les capitales occidentales ont été détruites par le dictateur tibétain [sic].

      C’est sûr que Sente prend un sacré risque de chercher à tout prix à mêler l’histoire vraie de la Seconde Guerre mondiale avec l’uchronie jacobsienne qui lui succède. Il en vient à traiter l’Histoire elle-même comme une sorte de matière fictionelle.

      Après le délitement historique du roman national constaté par Pierre Nora, voici arrivé, bien involontairement dans ce cas-ci à mon avis, la remise en cause du discours mémoriel. Romain Gary l’avait déjà anticipé dans un de ses romans (Europa ? Je ne me souviens plus) où il parle d’une histoire qui va à vau-l’eau, transformant De Gaulle en dictateur sanguinaire et Hitler en héros...

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    • Répondu par lorenzo le 18 décembre 2014 à  22:53 :

      Moi, je rêve que je retrouve à La Roche-Guyon, encore intact, le Chronoscaphe. Et, en suivant les instructions laissées par Miloch, j’aurai changer le cour de l’histoire en sauvant non pas Kennedy (aucun intérêt) mais Yves Chaland !
      "Blake & Mortimer" par Chaland... J’ai le droit de rêver ?! D’ailleurs, je vais aller me coucher !

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      • Répondu par Jerome le 19 décembre 2014 à  07:56 :

        Votre rêve sera peut-être bientôt en partie réalisé. On susurre que des "Blake et Mortimer vus par..." seraient à l’étude. Tardi a souvent dit qu’il en ferait bien un, à sa manière... Pour ma part, je rêve d’un Blake et Mortimer vus par Schuiten et Peeters.

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        • Répondu par Oncle Francois le 19 décembre 2014 à  12:42 :

          Et celui prévu depuis longtemps par Trondheim et Sfar, des nouvelles ? Je veux dire mieux vaut un album déconcertant VU par Untel ou Untelle que des nouveaux albums qui veulent s’inscrire dans la continuité artificielle de la série, en singeant l’original avec moult grimaces et rictus.

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      • Répondu le 19 décembre 2014 à  11:44 :

        Je suis allé en "pélerinage" à La Roche-Guyon il y a deux ou trois ans : j’ai retrouvé la maison de Miloch et vu une réplique du chronoscaphe dans les caves du château !

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    • Répondu le 19 décembre 2014 à  11:42 :

      Trop fort ! Ce message assez ahurissant (qui accuse quand même, carrément, Sente et Juillard d’être révisionnistes) est une illustration absolument parfaite de la loi de Godwin (définition wikipedia : "Au départ relative aux discussions sur des forums virtuels, la loi de Godwin peut s’appliquer à tout type de conversation ou débat ; l’un des interlocuteurs atteint le point Godwin lorsqu’il fait référence à un fait en lien avec l’holocauste ou le nazisme alors que le sujet de départ ne s’y prêtait pas.").

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 19 décembre 2014 à  13:09 :

        Je crois que la Loi de Godwin n’est pas en cause ici. Vu que cela se passe en pleine Seconde Guerre mondiale, ça a un peu à voir avec les nazis, non ?

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        • Répondu par Jerom le 19 décembre 2014 à  17:59 :

          S’étonner de l’absence d’une mention de la Shoah dans un album de BD se déroulant se situant entre 44 et 46 n’est pas de la provocation "Point Godwin". Et je n’ai pas accusé les auteurs de cette bande dessinée d’être révisionnistes. Merci de ne pas dénaturer mes propos. Mon post n’était nullement diffamatoire. J’ai évoqué ce qui, pour moi, était une omission. J’ai fait part de mon sentiment de lecteur. Je constate que, sur ActuaBD, il est toujours aussi difficile d’échanger sur certains thèmes. Je me souviens d’échanges vifs autour du "Goulag", de Sterne... qui étaient très instructifs. Mais c’était avant les années 2010.

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          • Répondu le 20 décembre 2014 à  02:16 :

            La Shoah n’a strictement AUCUN rapport avec l’histoire racontée dans "Le bâton de Plutarque". Il s’agit donc bien d’un point Godwin. Le fait de l’évoquer dans ce récit d’aventure et d’espionnage, qui présente une réécriture fantaisiste de l’Histoire, aurait été non seulement incongru, mais presque obscène. Sans compter que l’évocation d’un sujet aussi sensible peut être risqué. Yann et Schwartz l’ont effleuré dans "Le groom vert-de-gris" : ils ont aussitôt été taxés d’antisémitisme par Sfar.

            L’immense majorité des films, romans ou BD se déroulant pendant la seconde guerre mondiale ne disent pas un mot de la Shoah. Non par "omission", mais tout simplement parce que ce n’est pas leur sujet. D’autres en parlent, voire en font leur thème principal, mais vont faire l’impasse sur d’autres aspects de la guerre : doivent-ils pour cela être condamnés ?

            Si le travail d’un historien se doit nécessairement d’être exhaustif, un récit de fiction se déroulant dans un contexte historique précis n’a fort heureusement pas la même obligation.

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            • Répondu par Jerome le 20 décembre 2014 à  08:13 :

              Je n’ai jamais prétendu que la Shoah avait un rôle dans l’histoire racontée dans cet album de Blake et Mortimer qui se passe à Londres et à Gibraltar.

              J’ai seulement relevé que, dans une case de synthèse, faite de coupures de presse réelles et imaginaires, qui évoque les grands moments de juin 1944 à septembre 1946, il n’y avait aucun coupure de presse faisant mention, par exemple, du Procès de Nuremberg (qui se tint du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946) ou même de la libération des camps (pour mémoire, les forces soviétiques libérèrent le camp de Majdanek près de Lublin en Pologne, en juillet 1944, et furent ainsi les premières à pénétrer dans un important camp de mise à mort).

              Il n’y a évidemment aucune mention de la Shoah dans le scénario de cette bande dessinée (que j’ai lue et relue) puisqu’elle n’est pas au centre de l’intrigue. Et j’allais écrire que c’était heureux, car il me paraît difficile de mélanger des personnages de fiction et une (u)chronologie à l’Histoire réelle et aux "malheurs du siècle" pour reprendre la formule d’Alain Besançon.

              Je le répète et je pense qu’il faut achever sur ce point (je regrette presque d’avoir fait part de mon sentiment sur ce forum) : c’est l’absence de coupures de journaux évoquant certains de ces faits historiques d’une importance capitale (page 184 de la version strip) qui m’avait fortement étonné.

              Si je suis le seul lecteur de Blake et Mortimer a avoir été ainsi "interpelé", alors tout va bien, je ne voulais pas susciter autant de véhémence. Toutefois, je resterai, si vous le voulez bien, sur ma position. L’humour et les références du "Groom Vert-de-Gris" n’ont pas beaucoup de lien avec l’univers réaliste de Blake et Mortimer. D’un autre côté, le voisinage de pays et conflits réels avec des conflits imaginaires, dans cette IIIe guerre mondiale insituable, est très difficile à réaliser. Lire, par exemple, que la Chine Communiste voisine avec l’Empire jaune, est assez troublant. Je pense (et ne suis pas le seul) qu’il aurait mieux fallu ne pas mélanger l’Histoire réelle et l’uchronie, dans ce cas particulier. Mais ce n’est que mon avis - et j’espère que ce commentaire viendra clore un débat que je n’aurais pas dû lancer avec mon étonnement, sincère.

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              • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 20 décembre 2014 à  15:51 :

                Je suis d’accord avec vous. Vous noterez que le "pataquès" ne vient pas seulement de Yves Sente. Il est déjà présent chez Jacobs. Que penser en effet, dans L’Espadon, d’une libération du monde dont les Américains sont absents ? Et de ce Olrik, apparemment issu du bloc de l’Est, qui se met au service de l’Empire asiatique ? Et de ces "Jaunes" réactivés par Van Hamme ?

                Yves Sente ne s’engage-t-il pas sur un terrain glissant en essayant de trouver une "cohérence" à ce qui n’est jamais que le produit des peurs d’une époque, et que Jacobs avait réussi parfaitement à sublimer ? Large débat.

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                • Répondu par Nicolas le 22 décembre 2014 à  15:08 :

                  Il ne faut pas non plus oublier qu’au strict lendemain de la 2ème GM, l’aspect Shoah et assassinat de masse n’avait pas encore clairement analysé et pensé comme tel par les acteurs en présence, y compris par De Gaulle. C’était plus une victoire contre les Allemands que contre les nazis.

                  Aussi, je pense malheureusement que si on veut être réaliste et montrer des coupures d’époque, on est obligé de faire comme les auteurs l’ont fait ici. C’est mon ressenti, en tout cas.

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