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André Juillard & Yann ("Mezek") : « Israël se battant avec des Messerschmitt nazis, c’était un choc visuel »

Par Nicolas Anspach le 7 mai 2011                      Lien  
André Juillard et Yann avaient déjà collaboré ensemble pour un Sales petits contes à la fin des années 1990. Avec {[Mezek->art11667]}, ils racontent un pan méconnu de la guerre d’indépendance de l’état d’Israël en 1948 : leurs pilotes, pour la plupart des mercenaires, étaient contraints de piloter des « Mezek », de vieux Messerschmitt brinquebalants.
André Juillard & Yann ("Mezek") : « Israël se battant avec des Messerschmitt nazis, c'était un choc visuel »
Croquis de André Juillard - Courtesy Champaka
(c) Juillard, Yann & Le Lombard.

Votre récit a pour cadre un pan de la création de l’état d’Israël, à la fin du mandat britannique sur la Palestine. Une période peu traitée en bande dessinée. Quel a été l’élément déclencheur de ce récit ?

Y : Un ami m’a raconté l’histoire d’un pilote allemand qui, après la Seconde Guerre mondiale, est parti en Israël afin de combattre pour l’indépendance de ce pays. Je me suis documenté sur le sujet. J’ai découvert qu’Israël avait acheté des Messerschmitt allemands qui combattaient des Spitfire anglais. Ces Messerschmitt portaient l’étoile de David sur les ailes. J’étais stupéfait. Ce fut un choc visuel de voir ces engins nazis qui servaient Israël.

La création de l’état d’Israël est une toile de fond. Mes découvertes m’ont permis d’élargir le sujet et d’aborder les rivalités entre les pays et les luttes entre les services secrets. Mais l’histoire s’articule surtout autour de ces pilotes mercenaires.

André Juillard, qu’est-ce qui vous touchait dans ce récit ?

AJ : Mezek est une histoire comme je les aime ! Les personnages sont complexes. Les femmes en particulier, et elles ont de vrais rôles et de vrais caractères. Et puis, j’ai toujours été fasciné par les avions sans pour autant être un spécialiste du sujet. C’était graphiquement intéressant de les dessiner. J’ai également assouvi une vieille envie, une fascination d’enfant. J’allais voir les avions décoller de l’aéroport d’Orly dans les années 1950. Un de mes oncles servait dans l’armée de l’air. Il venait de temps en temps réaliser quelques cabrioles au dessus de notre maison.

Dessin inédit réalisé pour l’exposition-vente chez Champaka
(c) Juillard, Yann & Le Lombard.

Est-ce facile de dessiner des avions ?

AJ : Je me sens en confiance à partir du moment où j’ai à ma disposition une documentation sur le sujet. Je récolterai peut-être la critique de quelques érudits mais j’ai veillé à ce que ces avions ressemblent à ce qu’ils étaient.

Aviez-vous beaucoup de documentation visuelle sur les bases aériennes israéliennes ?

Y : Non, pas énormément. J’ai lu de nombreux livres sur ce sujet. Mais il s’agissait plutôt de biographies consacrées à d’anciens pilotes ou de livres écrits par des historiens. Nous avons vu aussi un film, L’Ombre des géants, avec Kirk Douglas et Yul Brynner. L’action se situe peu avant notre récit.

Ces Mezek étaient-ils vraiment en si piteux états ?

Y : Bien sûr, tout est réel ! C’étaient des gros veaux, des mules. C’est pour cette raison que la Tchécoslovaquie leur a vendu ces appareils. Israël a payé ces avions à prix d’or car ils en avaient besoin et ne pouvaient s’en procurer autrement. Ils ont fait appel à des pilotes étrangers pour les piloter. Pour la plupart, c’était des Juifs, des anciens de la R.A.F, de l’US Air Force, des pilotes canadiens, sud-africains, etc. J’ai même retrouvé la trace de mercenaires belges et indiens ! La Tchécoslovaquie s’est d’abord débarrassée des vieux Messerschmitt déglingués qui ont combattus les colonnes jordanienne et égyptienne dans des conditions épouvantables. Ils ont ensuite revendu les Spitfires qui étaient en meilleur état. Mais la situation était plus ou moins stabilisée pour les Israéliens.

Extrait de "Mezek"
(c) Juillard, Yann & Le Lombard.

Quels sont les points forts de Yann comparés aux autres scénaristes avec lesquels vous avez travaillé durant ces dernières années ?

AJ : Ils se documentent tous avant d’écrire la moindre ligne. Ils connaissent beaucoup mieux leurs sujets que moi-même, et cela se ressent dans leurs histoires. Ils savent romancer une intrigue, inventer des personnages forts, et éventuellement inclure des personnages historiques au récit sans que cela paraisse artificiel. J’aime me baser sur un contexte précis, qui m’oblige à rechercher une documentation. Souvent, mes scénaristes m’aident à trouver les bons livres. Contrairement à moi, Pierre Christin aime voyager. Il prend donc de nombreux clichés qu’il me fait parvenir. Yann, lui, est plus un homme du livre.

La plupart des récits que vous avez illustrés ces dernières années ont un trame géopolitique.

AJ : J’aime raconter des histoires qui ont du sens et qui évoquent un problème actuel, comme par exemple le terrorisme. La BD de pure aventure et de super-héros ne m’intéresse pas. Je dois ressentir le besoin de m’identifier aux personnages et d’avoir une certaine sympathie pour eux…

Extrait de "Mezek"
(c) Juillard, Yann & Le Lombard.

Il y a-t-il un genre que vous n’avez pas encore exploré et que vous rêveriez de dessiner ?

AJ : Je serais tenté, un jour, de dessiner une histoire franchement humoristique ! J’aimerais que l’on me propose un scénario bien dosé et qui soit, tout au long de l’album, drôle, ironique, parodique, et éventuellement burlesque. Souvent, ces récits manquent de souffle. Les scénaristes ont tendance à développer leurs idées en histoires courtes. Je souhaiterai plutôt dessiner un quarante-six planches, à la Gil Jourdan.

Quels sont vos projets ?

Y : Trouver une histoire humoristique pour André ! Et puis terminer les albums en cours. Je ne réalise plus vraiment de série. Je me sens aujourd’hui à mon aise dans le format des one-shots, des diptyques ou des triptyques.

AJ : Je viens de commencer un nouveau Blake & Mortimer. Cela va m’occuper pendant un an. Après, il est probable que je réalise un troisième et dernier Léna.

Yann et André Juillard.
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Lire l’acticle de Didier Pasamonik sur Mezek
Lire aussi : Mezek prend son envol à la galerie Champaka

"Mezek" fait l’objet d’une exposition-vente Juillard "Mezek" à la Galerie Champaka, du 29 avril au 22 mai 2011 (27, rue Ernest Allard, 1000 Bruxelles)

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Images (c) A. Juillard, Yann & Le Lombard.
Photos (c) Nicolas Anspach

 
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