Le phénomène n’est pas nouveau mais prend une ampleur inaccoutumée : il semble que les éditeurs se doivent d’avoir leur star ou leur starlette dans leur tableau de chasse, c’en est devenu une question de standing. Depuis le début du Festival, la course à la légitimation avait suscité la sollicitation des politiques : Jack Lang a été le premier ministre de la culture à y venir, avec Georges Fillioud, ministre de la communication, dès 1982, la gauche n’était au pouvoir que depuis quelques mois. Le président de la République François Mitterrand, dont le père a été le chef de gare de la ville, a honoré le festival de sa présence en 1985. Interrogé sur ses goûts en matière de BD, il déclare aimer « Chéri Bibi ». Son service de presse corrigera quelques heures plus tard : c’est de « Bibi Fricotin » dont voulait parler le chef de l’état. Cela dit, on lui pardonne : son successeur a préféré continuer à tâter le cul des vaches. L’homme à la rose amène avec lui l’un des grands « projets présidentiels » : le Centre National de la BD et de l’Image, le CNBDI. Après, c’est le défilé : Edith Cresson, Louis Mexandeau, Georges Chavannes, le local de l’étape, Philippe de Villiers, François Léotard, Gérard Longuet, ... En 2003, ce sont les princes Mathilde et Philippe de Belgique qui inauguraient la rue Hergé. L’année dernière, Renaud Donnedieu de Vabres (l’un des ministres de la culture les mieux informés sur la BD depuis Jack Lang) décorait, à Angoulême, le dessinateur américain Art Spiegelman des insignes des Arts et des Lettres. Du côté de l’opposition, c’est Hubert Védrine, récent invité d’un documentaire sur E. P. Jacobs, cornaqué par Benoît Mouchart, qui faisait la visite des hauts lieux de la BD à Angoulême.
Fréquence star
Si les politiques sont là, c’est parce que les médias s’y trouvent : Yves Mourousi présente le salon aux infos de 13 heures. Et avec la télé, les stars : Eddy Mitchell, que l’on reverra plus tard sur le stand de Soleil, remet un prix au tout jeune Margerin en 1986. A partir de 1989, les stars des médias sont sollicitées pour faire partie des jurys. Josiane Balasko y promène ses lunettes fluo, Elie Meideros éphémère auteur chez Futuropolis en est également, de même que Julien Clerc, Jérôme Savary, Patrick Poivre d’Arvor, Eric Orsenna, Ysabelle Lacan, Jean Vautrin, Yves Simon, Tom Novembre, Les Vamps, on en passe... En 1990, les Rita Mitsuko affichent leur inculture en refusant un prix à Calvin et Hobbes : « Un plagiat des "Peanuts" », disaient-ils. C’est la limite d’un système qui a toujours cours... Récemment, le regretté Claude Piéplu avait présenté la soirée des prix en véritable capitaine Shadock, en duo avec Jean-Marc Thévenet, avant que JMT ne la joue solo. On a perdu au change... L’équipe de Groland était sensée, une année, animer une remise de prix. Le clou du spectacle, ce n’était pas eux.
Des stars dans les stands
On peut créditer aux éditions Soleil d’avoir su créer l’événement en faisant venir les stars non pas sur les planches du théâtre au moment de la cérémonie de remise des prix, mais dans les stands, face à leur public : Bernard Lavilliers, Eddy Mitchell, Claude Lelouch, la Star Academy... ont été ses invités, signant des autographes sous les décibels d’une sono qui déchire. Cette année, c’est Pattrrrrriiiiiick Bruel qui fera le cake chez Soleil, le stand de l’éditeur toulonnais (juste face à l’Hôtel de Ville) se voulant sans doute la place des Grands Hommes (pardon, ça m’a échappé)... Bruel viendrait le vendredi 27 janvier dédicacer de 15h à 17h30. Avant cela, selon nos renseignements généreux, il est dans l’avion, il
déjeune avec Mourad Boudjellal puis il fait une conférence de presse.
Chez les autres éditeurs, du coup, l’imagination est au pouvoir : les L5 étaient déjà sur le stand Theloma l’année dernière. Laurent Gerra était sur le stand Dargaud. Normal : il commet des scénarios pour Lucky Luke... Mais cette fois, c’est chez Jungle, que Mimie Mathy alias « Joséphine Ange Gardien » et Laurent Jalabert, le vainqueur du Tour d’Espagne, feront la dédicace. Il est même possible que Jean-Marie Bigard, récent personnage d’une série chez cet éditeur, vienne aussi à Angoulême pêcher la salope... Jean-Jacques Beineix, quant à lui, est venu traquer les intégristes...
Y a pas à dire, aller à Angoulême, pour les pipeules comme pour nous, c’est la classe !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Patrick Bruel, présent sur le stand Soleil
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