Le vote du jury du Festival est issu d’un choix opéré par un jury de présélection qui a mis en avant une « sélection officielle » de cinquante titres. On connaît nos griefs : une sélection trop longue qui représente peu l’ensemble des courants de la production de la bande dessinée publiée dans l’espace francophone aujourd’hui, des choix incompréhensibles, voire contestables, une sélection jeunesse écartée de la sélection officielle, un « prix des sponsors » appuyé sur un vote du public qui défigure le palmarès, etc. Par exemple ? Un courant important de création représenté par des auteurs comme Xavier Dorison, Christophe Bec, Richard Marazano, Frank Giroud, Fabien Nury ou Didier Convard n’existe pas dans la sélection officielle. L’humour est singulièrement sous-représenté. En particulier cette année, les comic-books sont inexplicablement absents, ce qui fait qu’un auteur aussi important que Paul Pope dont deux titres ont été publiés cette année est oublié.
En revanche, le récit intimiste à prétention, disons, « littéraire » se taille la part du lion, favorisant le roman graphique au détriment des séries qui ont fait le succès de la bande dessinée franco-belge ces dernières années. Or, nous considérons qu’un tel palmarès doit être la vitrine des auteurs de notre époque. Hergé, Franquin, Goscinny, Jack Kirby, Osamu Tezuka ou Zep sont des auteurs à part entière dont le succès rayonne – et fait rayonner la bande dessinée - bien au-delà du cercle des passionnés.
Le clivage entre « bande dessinée commerciale » et « bande dessinée d’auteur » qui est une fabrication commerciale opérée par certains éditeurs pour se distinguer des puissantes machines industrielles (et on comprend parfaitement leur démarche) doit être effacé le temps d’une sélection pour mettre en avant ce qui se fait de mieux dans tous les genres et ce qui caractérise l’originalité et la vitalité de la production actuelle. En clair, le Festival devrait revoir complètement son système de présélection et notre sentiment est qu’il est impossible d’accoucher d’une logique équilibrée sans un système clair de catégorisation.
Le palmarès issu de la sélection porte bien évidemment les stigmates de ce choix originel. Le mérite du jury est d’avoir réussi à reconstituer une cohérence en dépit de ce handicap.
La prime cette année est donnée à un nouvel acteur sur le marché de la bande dessinée : Gallimard qui, avec deux titres dans le palmarès, plus un autre dans la filiale Futuropolis (en joint-venture avec Soleil) prend nettement l’ascendant sur des acteurs majeurs comme Dargaud, Casterman ou Glénat. Ce sont dans la plupart des cas des très bons livres. Le jury organisé autour de José Munoz a eu l’intelligence de donner une cohérence et une pertinence à un palmarès choisi dans une présélection aux intentions illisibles.
Le palmarès du Festival 2008 est le suivant :
Fauve d’Or du meilleur album :
Là où vont nos pères de Shaun Tan – Éditions Dargaud
Les Essentiels :
Exit Wounds de Rutu Modan – Actes Sud
La Marie en plastique de Pascal Rabaté et David Prudhomme – Futuropolis
Ma Maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill de Jean Regnaud et Emile Bravo – Gallimard
R.G. de Pierre Dragon et Frédéric Peeters - Gallimard
Trois ombres de Cyril Pedrosa – Delcourt
L’essentiel jeunesse
Sillage de Jean-David Morvan et Philippe Buchet
L’essentiel révélation
L’éléphant d’Isabelle Pralong – Vertige Graphic
L’essentiel patrimoine
Moomin de Tove Jansson – Le petit lézard
Le Prix de la bande dessinée alternative
Turkey Comics
À cela s’ajoutent :
Le prix des sponsors FNAC – SNCF issu d’un vote du public sollicité par ces deux entreprises :
Kiki de Montparnasse de José-Louis Bocquet et Catel
Et les prix associés au Festival :
Le Prix de l’École supérieure de l’Image
Kiriko Nananan
Le Prix René Goscinny :
Jul pour Le Guide du Moutard – Vent des Savanes
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Le président du jury 2008, José Munoz.
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