Alors que le magazine américain Time signait cette semaine l’acte de décès de la culture française, il faisait une exception pour sa bande dessinée : « Les auteurs de bande dessinée français, sous l’influence du Japon, écrivait Grant Rosenberg, ont placé leur pays parmi les leaders d’un genre littéraire qui fait fureur : le Graphic Novel. » [The Death Of French Culture in Time Magazine, 3 décembre 2007, p. 31.]. Frank Bondoux, le délégué général du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD), n’a pas manqué de faire allusion à cet article face à l’auditoire qui était venu découvrir la présentation de son programme pour la 35ème édition du festival qui se tiendra en janvier prochain.
Du changement dans la continuité.
Franck Bondoux aimerait que l’on ressente cette nouvelle édition comme « héritière des 34 premières » et, en même temps, comme « une première étape pour un renouveau ». Un « changement dans la continuité » en quelque sorte. En rétablissant son épicentre dans le centre-ville, le Festival renonce au site de Montauzier et revient dans la ville haute avec le Champ de Mars d’un côté, la Place New York de l’autre et, entre ces deux pôles, un piétonnier en continuité. Les grands éditeurs ont été mis aux extrémités pour fluidifier les mouvements de foule et faciliter l’accès aux dédicaces.
Contenus multimédia ?
Le délégué général donne la ligne de conduite de l’édition 2008 : défendre et promouvoir « toutes les bandes dessinées de qualité ». Encore faut-il s’entendre sur cette notion de qualité. Il pointe un de ses objectifs : produire des contenus multimédias afin de rendre le festival accessible au plus grand nombre. Il compte pour cela sur ses partenariats, en particulier ceux construits avec la FNAC et la SNCF, « des partenariats de sens », martèle-t-il. La Caisse d’Épargne, partenaire historique avec 25 ans de sponsoring de la BD au compteur quand même, se recentre, quant à elle, sur la jeunesse.
Alors, où sont ces contenus multimédias ? Pas, semble-t-il, dans l’exposition sur la BD argentine concoctée par le Président 2008 de l’Académie des Grands Prix, José Muňoz en compagnie de l’éditeur de Vertige Graphic, Giusti Zuccato ! Une expo qui promet : On y trouvera sur les cimaises Dante Quinterno, l’homme qui influença Goscinny, une découverte, ou Quino, Breccia, Copi... des grands de la BD argentine déjà très connus des Français. Merveilleux Muňoz qui se considère comme « un produit dérivé » de la BD argentine, et qui nous promet une exposition à la fois « esthétique et éthique », comme pour mieux souligner que le propos politique ne sera pas oublié. À la surprise de tous, le dessinateur d’Alack Sinner conclut son discours par un étonnant concert d’imitation du chant d’un oiseau de la Pampa !
Muňoz est un poète, un artiste, une figure rayonnante, toujours au bonheur de son élection par ses pairs. Une attitude qui nous change des acrimonies du président Trondheim l’année dernière.
Pas de numérique annoncé, non plus, pour l’exposition de l’Américain Ben Katchor organisée par l’École Supérieure de l’Image, ni pour celle des Italiens Luciano Bottaro et Sergio Toppi présentés au CNBDI dans des hommages néanmoins mérités. Pas davantage, semble-t-il, pour les expositions Lou et Les Schtroumpfs, ces derniers fêtant leurs cinquante ans de carrière (après Kid Paddle l’année dernière, il semble que la jeunesse ne soit plus oubliée dans la programmation du festival).
Visions du futur
Alors, où se niche le numérique ?
Eh bien, comme de juste, dans la section « Science Fiction » du deuxième volet de « l’exposition universelle de la bande dessinée », un projet pluriannuel étalé sur quatre ans et qui rassemble près de 300 auteurs de BD et qui constitue un « état des lieux planétaire et prospectif de la création », partie prenante de la World Culture, dont le point d’orgue sera le transport de cette installation à l’Exposition Universelle de Shanghai en Chine en 2010. En janvier prochain, en compatibilité avec le thème de la science-fiction, elle mettra en avant l’exploitation de la bande dessinée sur les supports numériques (Internet, téléphonie mobile, etc.).
Autre usage futé du multimédia, c’est son utilisation lors de la rétrospective des 35 ans du Festival, une expo mettant en avant ses Grands Prix ( au nombre de 38, comme chacun sait : 35 Grands Prix parmi lesquels Franquin, Will Eisner, Moebius, Crumb, Reiser, plus 3 « Prix spéciaux » Uderzo, Brétécher et Sfar ). Face à cette masse d’informations très disparates, la solution qu’a trouvée Benoit Peeters allie ingéniosité et élégance : une mise en scène scénographiée de supports audiovisuels mettra nos artistes en valeur, faisant entre le spectateur « dans le dessin » de chacun d’eux.
La BD, comme spectacle
On peut éventuellement exciper de l’usage du mot « multimédia » dans ce mariage entre le dessin et la musique que sont les désormais traditionnels concerts de dessin. Après le duo Blutch/Brigitte Fontaine, on verra cette année un « Thomas Fersen/Joann Sfar » et même un « Yolande Moreau/Rabaté » qui associera le texte parlé avec un commentaire-illustration adapté. Une curiosité ! (réservez vos places dès maintenant, car ce genre de manifestation a souvent lieu à guichets fermés).
Ajoutez à ces spectacles l’Impro BD qui met cette année sur le ring l’équipe de Spirou face à celle de Fluide Glacial et des rencontres internationales qui invitent pour cette édition une brochette de grands auteurs parmi lesquels Muňoz, Scott McCloud, Serge Clerc, Gene Luen Yang, Paul Pope, Carlos Sampayo ou Tanino Liberatore, des « rencontres dessinées » qui reconstituent l’ambiance des ateliers de dessin, la présentation en avant-première de « Peur[s] du noir », un long métrage d’animation qui doit sortir en février 2008 et vous aurez un aperçu de l’agenda très chargé du festivalier 2008 (et encore, on ne vous dit pas tout).
Manga, Manga !
La BD asiatique, vu son importance en France de nos jours, ne saurait être oubliée. Cette année, l’espace Franquin est devenu un « Manga Building » qui regroupe des expositions (les originaux de Lady Snowblood de Kazuo Kamimura et Kazuo Koike, le manga qui a inspiré Tarantino pour Kill Bill et une exposition « Clamp », rien que ça !), des rencontres avec des auteurs japonais (Daisuke Igarashi, Miki Tori, Yoshio Sawaï), ainsi que d’autres performances, parmi lesquelles des projections de dessins animés. Un lieu pratique et fédérateur, une excellente réponse à la présence nécessaire des mangas dans ce festival international.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Le site du Festival International de la bande dessinée d’Angoulême
Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême
Du 24 au 27 janvier 2008
Réservation et renseignement sur le site du Festival