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Angoulême 2010 : Le grand dessein de Blutch

Par Thierry Lemaire le 5 février 2010                      Lien  
Comme souvent (toujours ?) dans son œuvre, Blutch n’a pas choisi la facilité. Pour l’exposition qui lui était consacrée pendant le dernier Festival d’Angoulême, le Président du jury proposait aux visiteurs un accrochage de dessins. Une manière d’exprimer ce qui sous-tend son processus créatif : la liberté.

Blutch avait déjà posé quelques jalons début 2008 avec la publication de La Beauté chez Futuropolis, un recueil d’une centaine de dessins, sans intrigue, qu’il comparait lui-même aux « albums de famille que l’on feuillette des fois, discrètement, en visite chez des gens. » Un sacré défi pour l’auteur comme pour l’éditeur tant ce genre de livre laisse le public français indifférent. Le dessin est en effet souvent beaucoup plus hermétique que la bande dessinée car moins explicite. C’est un art qui repose plus sur l’instinct, le geste, la fulgurance, contrairement à la BD qui est le fruit d’un processus réfléchi et construit. Ici pas de narration, juste l’expression de sensations, d’envies. Le but n’est pas forcément de comprendre mais plutôt de ressentir.

Angoulême 2010 : Le grand dessein de Blutch
(c) Thierry Lemaire

Pourtant, même si le dessin est souvent plus difficile d’accès que la bande dessinée, il n’en est finalement pas moins ouvert. On peut aimer un dessin pour son sujet, ses couleurs, l’harmonie de ses volumes, la poésie, la violence ou l’érotisme qui s’en émane. C’est à cette expérience que conviait l’exposition Blutch, pour peu que le visiteur eût laissé au vestiaire ses réflexes de lecteur de bande dessinée. L’auteur de La Volupté avait d’ailleurs volontairement renoncé aux cartels. Pas de titre, pas d’indications techniques, aucun lieu, aucune date, les œuvres étaient brutes, livrées nues à l’imagination du spectateur. Placées dans une enfilade de pièces blanches, elles attendaient sans logique apparente, si ce n’est celle des séries qui était conservée. On pouvait reconnaître certains dessins publiés dans La Beauté, l’original de l’affiche des Herbes folles, le dernier film d’Alain Resnais, ou de la couverture de Vitesse moderne, mais la plupart des 250 réalisations étaient inédites.

(c) Thierry Lemaire

Une ambiance sonore réalisée par Manuel Plaza enveloppait chaque salle d’une atmosphère différente. Extraits de dialogues de film, de chansons, bruits plus ou moins identifiables se répondaient dans un mixage qui donnait à l’exposition une tonalité douce et étrange. Le visiteur était tout simplement immergé dans une mer de dessin. Il ne lui restait plus alors qu’à se laisser porter par le courant, passer d’un nu féminin à un molosse inquiétant, d’un paysage onirique à un appartement vide, de la couleur au noir et blanc, de la période bleue à la période rose, sans essayer de brider son imaginaire. Ce n’était qu’à ce prix que la communion pouvait avoir lieu (expérience uniquement envisageable avant le week-end, la foule du samedi et du dimanche permettant tout juste de se déplacer d’une pièce à l’autre).

(c) Thierry Lemaire

Dans la dernière pièce de l’exposition était diffusé un documentaire passionnant sur l’artiste, orienté sur sa manière de travailler. On pouvait ainsi le voir dans son atelier ou lors de la préparation du film Peur(s) du noir, parler de sa conception du dessin. Blutch concluait le reportage en racontant qu’il avait pris conscience assez tard que son plus grand trésor était sa liberté de création, de choisir comme bon lui semblait le sujet de ses vagabondages picturaux. Voila donc l’ambition de l’auteur du Petit Christian : jouir de cette liberté. Lors du 37ème Festival d’Angoulême, il l’a parfaitement mis en pratique en présentant avec autodérision une hilarante cérémonie de clôture, en rendant hommage à Willy Lambil et en proposant une exigeante exposition de dessins, le tout avec la même sincérité. Chapeau Monsieur l’ex-Président.

L’exposition présentait également quelques planches et dessins de presse.
(c) Thierry Lemaire
(c) Thierry Lemaire
(c) Thierry Lemaire

(par Thierry Lemaire)

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✏️ Blutch Angoulême 2010 Le Tour du monde des festivals
 
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3 Messages :
  • Bon Dieu, mais quel dessin, kitsch, mauvais goût, et pompeux pompage du déjà pompeux et ennuyeux Balthus !
    que de conservatisme en bande dessinée !

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    • Répondu le 6 février 2010 à  14:38 :

      Pourquoi vous arrêter en si bon chemin ?

      L’image narrative, l’illustration, le "dessin qui raconte", la bédé… avouez que tout ça n’est qu’une énorme verrue aussi vulgaire que commerciale. une excroissance putride que l’art contemporain voit aujourd’hui fouler ses plates bandes de subsides publiques.

      Depuis quelques années l’intrusion de l’illustration et de la bande dessinée dans le champ (et sur le marché) de l’Art Contemporain irrite au plus haut point une grand partie des pontes de ce "domaine réservé".

      Dernière preuve en date : l’attaque en règle contre l’atelier d’illustration qui a accueilli Blutch aux Arts Décoratifs de Strasbourg…

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      • Répondu par Oncle Francois le 6 février 2010 à  20:47 :

        Pas du tout d’accord ni avec l’un, ni avec l’autre des deux ânes Onimes (allons bon, Monsieur Cornette va t’il me suspecter de zoophilie sous le prétexte de ce jeu de mots innocent ? Bizarre conception de l’humour...). J’explique donc mon désaccord. C’est que Blutch est un auteur brillant et modeste. Brillant parce qu’il peut se permettre de changer de style comme de chemise, et que ces livres sont drôles ou émouvants. Et qu’il a influencé malgré lui une floppée d’artistes malhabiles, en manque d’inspiration ou qui se cherchent (là c’est Menu qui le dit dans Technik’Art). Et modeste, parce qu’il a emprunté son pseudo à un personnage d’une série populaire à gros nez en 44CC, en haut des chiffres de vente. Et qu’il avoue son admiration pour les auteurs brillants et modestes comme Lambil, Tibet ou Lacroix (les Bibi Fricotin) qui n’ont jamais été Grand Prix de leur vie !!

        Dans ces conditions, Blutch et moi sommes en phase et bien d’accord, je lui adresse donc mes salutations les plus cordiales, sachant que j’ai la plupart de ces albums dans ma bibliothèque.

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