Dans Paul à Québec, le récit de Michel Rabagliati portait sur les derniers jours de Roland, le beau-père de Paul, ainsi que sur les liens particulièrement forts qui unissaient sa belle-famille. Aussi, avec Paul au parc, l’auteur s’éloigne des thématiques de la mort et du deuil et nous présente plutôt une tranche de la jeunesse de Paul, dans le Montréal des années 1969-1970.
Âgé d’une dizaine d’années, Paul passe ses vacances d’été au parc. C’est d’ailleurs là qu’il goûte à ses premières amours, en compagnie de l’entreprenante Hélène. C’est également là qu’il aperçoit deux de ses camarades revenir d’un camp scout. Intrigué, Paul finit par se joindre à leur groupe de louveteaux. L’album explore ainsi l’importance du scoutisme dans la formation du jeune garçon : amitié, solidarité, partage, entraide, plein-air et camp d’été (un élément qui n’est pas sans rappeler Paul a un travail d’été, dans lequel le personnage devient moniteur de colonie de vacances pour enfants défavorisés). Ainsi, l’album est surtout un hommage aux animateurs scouts et aux aumôniers qui donnent généreusement de leur temps et qui font figures de mentors auprès des jeunes.
À cette même époque, Paul est témoin d’un évènement historique particulièrement marquant : alors que la ville est recouverte de graffitis haineux et que le FLQ (Front de libération du Québec) fait sauter des boîtes à lettres, le groupe terroriste procède, en octobre 1970, au kidnapping de l’attaché britannique James Richard Cross, puis à l’enlèvement et à l’assassinat du ministre Jean Lesage. C’est la crise d’octobre. Le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau déclare les mesures de guerre et déploie l’armée dans les rues. L’habeas corpus est suspendu et des centaines de citoyens soupçonnés d’appartenir à des groupes communistes ou indépendantistes sont jetés en prison sans mandat et sans procès. Parmi eux, l’un des mentors et amis du personnage principal.
Enfin, Paul au parc aborde également la passion naissante de Paul pour la bande dessinée. Grand lecteur du Journal de Spirou et de Gaston Lagaffe, l’alter-ego de Rabagliati décide (non sans peine) de s’adonner à la bande dessinée après avoir lu Comment on devient créateur de bandes dessinées de Franquin et Gillain (Jijé). De même, l’ouvrage reste truffé de références au neuvième art (que ce soit les affiches dans la chambre de Paul ou encore la thématique « gauloise » du camp scout). Ironiquement, c’est pour décourager leur fils de faire de la BD que les parents de Paul l’appuient dans ses activités de louveteaux… Comme quoi ceux-ci ignorent les liens entre la bande dessinée jeunesse et le scoutisme !
Avec Paul au parc, Rabagliati nous présente un album complexe aux trames narratives riches et multiples (scoutisme, relations familiales tendues, amours de jeunesse, événements historiques, etc.). Le récit, fidèle au sentiment d’authenticité qui a fait la marque (et le succès) de la série, se démarque par ses moments touchants et par son côté humain. En ce sens, la conclusion tragique de l’œuvre, de même que l’hommage final à des amis disparus, sont particulièrement évocateurs. Bref, une fois de plus, Rabagliati nous livre un ouvrage original, sincère et captivant.
(par Marianne St-Jacques)
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Paul au parc – par Michel Rabagliati – La Pastèque
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