L’idée d’une exposition dédiée à Kazuo Kamimura en pays francophones n’est pas nouvelle. Sa concrétisation a seulement tardé à venir. Comme la reconnaissance internationale de cet auteur et dessinateur, mort en 1986 d’un cancer du larynx et épuisé par des années de vertigineuse production.
La relance de l’intérêt pour l’artiste japonais doit beaucoup à la persévérance éditoriale démontrée à son sujet par la collection Sensei de Kana. La proximité de l’éditeur avec sa fille et principal ayant droit a contribué à la profusion de presque 150 originaux présentés à Angoulême.
Kazuo Kamimura est né en 1940 à Yokosuka, dans la préfecture de Kanagawa. Après avoir suivi les cours de design de l’université d’art réputée de Musashino (région de Tokyo), il commence à gagner sa vie dans l’illustration publicitaire.
Après quelques essais de jeunesse dans le manga, il s’inscrit dans le sillon du gekiga, à l’origine de la bande dessinée adulte japonaise actuelle (seinen). Sans échapper aux influences picturales de l’esprit pop culture venu d’Occident des années 1970, il en opère une synthèse avec celles d’arts nippons plus traditionnels, comme celui des estampes (ukyo-e).
Lorsque nous vivions ensemble (1972) marque un tournant dans sa carrière. Cette chronique réaliste et autobiographique traite de l’union libre dans un Japon qui la réprouve encore aujourd’hui. Son œuvre restera dominée par son scepticisme face à l’idée de trouver un aboutissement dans le lien amoureux.
Fasciné par les personnages féminins, il s’inspire notamment des portraits d’un maître tardif du genre, Yumeji Takehisa. Kazuo Kamimura développe un style qui fait la part belle au rendu du mouvement, à un mélange ambigu d’érotisme et de violence qui produit des effets esthétiques forts.
Il publie dans des magazines qui s’adressent à un public plus mature, comme Big Comic ou une version nippone de Playboy. Il entame des collaborations avec des figures de premier plan du neuvième art nippon, dont le prolifique scénariste de bande dessinée et de cinéma Kazuo Koike (Lone Wolfe and Cub, avec Gôseki Kojima).
En duo, ils s’attachent à la réalisation de Lady Snowblood (1971-1974), âpre récit d’une vengeance, thème récurrent chez Kazuo Koike. Il met en scène une inflexible tueuse yakusa manieuse de sabre dans le Japon de l’ère Meiji (1868-1912). Celle-ci, et l’actrice Meiko Kaji qui l’incarna à l’écran, ont notoirement influencé Quentin Tarantino pour son diptyque Kill Bill.
Le legs prolifique d’un grand maître trop tôt disparu tel Kazuo Kamimura trouve un bel écrin dans le musée des Beaux-Arts d’Angoulême. Les amateurs de bandes dessinées japonaises le savent bien : en ce domaine, l’occasion se présente rarement d’admirer des originaux - surtout autant ! Festivaliers, précipitez-vous sur la possibilité ainsi offerte ! Pour les apprécier, les Angoumoisins auront, eux, jusqu’au 15 mars 2017.
(par Florian Rubis)
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En logo de cet article : affiche de l’exposition sur Kazuo Kamimura à l’entrée du Musée des Beaux-Arts d’Angoulême.
Pour tous les documents : © Kazuo Kamimura et ayants droit.