Il est précisément 12h07, comme annoncé précédemment lorsque démarre la cérémonie. La Maison Isabelle est pleine à craquer d’auteurs, de journalistes et de festivaliers.
On commence par le Prix Schlingo, créé en 2009 par Florence Cestac et Yves Poinot qui récompense un auteur dont l’œuvre est teintée d’un humour poétique et délirant, dans l’esprit de ce que faisait le gaspatoire Charlie Schlingo. Le Prix est cette année remis à "Tendre enfance" de Laurent Houssin (sc.) et Jorge Bernstein (dessins). Publié aux Éditions Rouquemoute, "Tendre enfance" traite avec humour noir les schémas parentaux qui sont ici reproduits par les enfants.
C’est le dessinateur Laurent Houssin qui monte sur scène pour récupérer le trophée -un Milou déféquant- ainsi que la caisse de pinard qui y est traditionnelement attachée.
Prix du courage artistique
C’est maintenant l’heure de remettre le prix "Couilles aux Cul" pour le courage artistique, qui n’est pas Miss Tahiti comme d’abord annoncé (l’animateur avait mélangé ses fiches) mais bien Ramón Esono Ebalé alias Jamonyqueso, dessinateur du "Cauchemar d’Obi" (Sc. de Chino et Tenso Tenso chez L’Harmattan BD.
Cet album dénonce et caricature ouvertement Téodoro Obiang Nguema, président actuel de la Guinée équatoriale. « Imaginez un peu une histoire, écrivions-nous récemment, où Emmanuel Macron se réveillerait dans une maison délabrée, sans le sou, en compagnie de ce qu’il pourrait appeler "les derniers de cordée". Cela serait à n’en pas douter amusant, et c’est le concept du Cauchemar d’Obi, sauf qu’il s’agit ici de Teodoro Obiang Nguema, président-dictateur de la Guinée Équatoriale qui se réveille un jour, quasiment nu, dans un bidonville où il se retrouve immergé dans cette population qu’il oppresse depuis près de quarante ans... »
Au contraire de ses deux scénaristes, le dessinateur de cet album, n’est pas resté anonyme et a été arrêté par le gouvernement équato-guinéen. Il est aujourd’hui libéré notamment grâce à une forte mobilisation internationale venant d’organisations comme Cartooning for Peace, d’auteurs ou des réseaux sociaux, il est resté assigné à résidence avant de réussir à partir en Amérique Centrale. Cette fable cartoonesque évoque le fossé qui existe entre les élites et le reste du monde, ainsi que la corruption qui ronge la Guinée-Équatoriale, comme bien d’autres contrées, y compris occidentales.
Le dessinateur ne pouvant être présent, c’est un de ses amis, le cartoonist Adjim Danngar, qui monte sur scène pour récupérer le trophée, une œuvre d’art d’une gracieuse facétie conçue par l’Atelier Queues de Cerise (Le Combes). Originaire du Tchad, dont l’album "Mamie Denis" a également été publié chez l’Harmattan, Adjim Danngar a lui aussi été confronté à la difficulté d’être un artiste dans un régime autoritaire, rappelant que la liberté artistique est loin d’être acquise dans cette partie du monde. Elle nécessite, pour certains créateurs, un incommensurable courage.
(par Vincent SAVI)
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Le Cauchemar d’Obi - Chino, Tenso Tenso et Jamonyqueso – L’Harmattan BD - 132 pages - sortie le 31 octobre 2018 - 15,90 €
Tendre Enfance - Laurent Houssin et Jorge Bernstein – Rouquemoute - 76 pages - sortie le 21 novembre 2018 - 16,00 €
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