Avec cette pandémie qui n’en finit pas, cette fin d’année marquée par les pénuries (papier, carton, encre…) entraînant des reports de nouveautés en cascade, les problèmes de distribution de MDS, la fébrilité reste de mise. Qu’adviendra-t-il du FIBD ? Sera-t-il une nouvelle fois supprimé ? Ou simplement doté d’une jauge limitée, comme à Montreuil ? Les Japonais seront-ils présents ? Et Chris Ware ? On n’en sait rien. Le FIBD navigue à vue.
Avec cet objectif en ligne de mire : plus que jamais, l’Asie est la priorité. Rien d’improvisé : les derniers chiffres du sondeur GfK annoncent une progression de +124% du chiffre d’affaires des mangas cette année. La 49e édition du FIBD sera japonaise ou ne sera pas !
« Seront proposées une exposition patrimoniale dédiée à l’œuvre immense de Shigeru Mizuki, contemporaine sur la nouvelle étoile noire du shônen, Tatsuki Fujimoto et transmédia autour de L’Art de INU-OH, un long-métrage d’animation de Masaaki Yuasa (en première française au FIBD) avec des illustrations originales de Taiyō Matsumoto. Le Manga City offrira aux festivaliers une plongée dans la diversité du paysage éditorial « manga », mais aussi des rencontres, débats, entretiens exclusifs, projections, ateliers et « live-drawings » annonce le communiqué.
Impressionnant en effet : Mizuki, classique du fantastique japonais, Prix du Meilleur Album à Angoulême en 2007 avec NonNonBâ (Ed. Cornélius) ; Fujimoto, astre noir du shonen contemporain, auteur de Fire Punch et Chainsaw Man (Ed. Kazé), mais aussi la jeune autrice Jun Mayuzuki (Après la pluie et Kowloon Generic Romance, deux titres publiés par Kana) qui témoigne d’une créativité japonaise toujours constante.
Avis de tempête
Mais comme pour gâcher la fête, la Cour des Comptes d’Angoulême a décidé de se pencher sur les comptes du FIBD. Rassurez-vous, ils sont bons. Mais ce qui chiffonne les comptables publics, c’est la gouvernance du premier salon de BD de France : avec son chiffre d’affaires de 4,7 millions €, ce ne sont pas moins de 2,17 millions € qui sont versés en subventions publiques, sans compter les apports « en nature » offerts par certaines collectivités comme la ville d’Angoulême.
Voici ce qu’écrit le rapport :
« Créé au milieu des années 70, le salon international de la bande dessinée d’Angoulême a connu une telle croissance que son organisation et sa gestion, au départ uniquement associatives, se sont professionnalisées, captant de plus en plus de financements publics. L’organisation du salon, devenu festival international, est complexe, faisant intervenir des collectivités ou établissements publics, des sociétés commerciales et des associations.
Ainsi, l’association historique du festival avait, dès 2003, confié la gestion des partenariats et la recherche de sponsors à une société, la SARL Partnership Consulting. Puis elle a délégué, en 2007, la gestion et l’organisation du festival à une autre société commerciale, la SARL 9ème Art+, en lui transférant notamment le contrat qu’elle avait avec la société Partnership Consulting, laquelle effectue des prestations qu’elle lui refacture.
D’une part, la société Partnership Consulting facture des honoraires de direction qui constituent la rémunération des prestations de son gérant en tant que « délégué général du festival », alors que dans le même temps ce dernier n’est pas rémunéré en qualité de gérant de la SARL 9ème Art + qui a pour mission l’organisation du festival.
D’autre part, la facturation des commissions liées à la recherche de partenaires ou à des recettes est effectuée sans être toujours cohérente avec les contrats signés originellement entre l’association et la SARL Partnership Consulting. Un tel montage, dont la plus-value n’est à aucun moment démontrée, permet à la SARL 9ème Art+ de régler des commissions à une société dont les tarifs reposent sur des contrats datant de plus de quinze années sans jamais avoir été renégociés.
Or, les deux sociétés sont imbriquées l’une dans l’autre : en effet, la SARL 9ème Art + a pour seuls associés son gérant et la SARL Partnership Consulting, le gérant des deux entités étant une seule et même personne. Dès lors, la SARL 9ème Art+ fait écran pour les financeurs publics à la SARL Partnership Consulting. »
« Le gérant des deux entités » n’est autre que Franck Bondoux, le délégué général du FIBD. C’est sévère !
En conclusion, la cour des comptes fait trois recommandations :
1 – Plus de transparence dans la vente des billets : « Présenter aux partenaires publics du festival international de la bande dessinée un relevé des recettes permettant d’identifier les ventes, les invendus et les billets ou produits gratuits de la société et éventuellement les procès-verbaux de destruction des billets d’entrée invendus. »
2 – Faire un rapport détaillé sur l’usage des subventions : « Satisfaire aux exigences des conventions bipartites avec les partenaires publics en établissant les documents nécessaires à l’évaluation et au suivi des actions financées, et notamment un rapport annuel détaillé et public de l’activité de la SARL 9ème Art+, comprenant toute l’information communicable en matière d’organisation et d’équilibre financier du festival international de la bande dessinée. »
3 – Valoriser les avantages en nature : « Solliciter une valorisation de l’ensemble des avantages en nature reçus dans les conventions conclues avec les financeurs publics du festival international de la bande dessinée. »
Voilà qui va apporter bien du souci à la direction du FIBD alors que les nuages noirs s’amoncellent fin janvier, après une année sans activité. On a vu mieux comme situation…
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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