Il aurait eu 100 ans cette année, c’était donc le moment parfait pour organiser une exposition retraçant sa vie mouvementée entre guerre, yokai et bande dessinée.
Parler de Shigeru Mizuki, c’est raconter l’histoire du manga mais aussi l’histoire du japon et c’est cette angle qu’ont choisi les deux commissaires d’expositions, Léopold Dahan et Xavier Guilbert. L’exposition est en trois parties, une première qui reprend chronologiquement la jeunesse artistique de Mizuki, une deuxième sur l’expérience de Mizuki avec la Seconde Guerre mondiale et enfin une troisième sur les yokai. Cette volonté de montrer que Mizuki n’a pas seulement dessiné des yokai mais qu’il a aussi offert un témoignage important sur le siècle qu’il a traversé transparaît dans tout le parcours.
La première chose qui frappe en entrant dans l’exposition, c’est la quantité astronomique d’originaux. Il y a par exemple les premiers tableaux peints dans la jeunesse de Mizuki qui montrent un talent précoce pour la peinture académique.
Il y a aussi deux kamishibai, avant que les manga et la télévision fassent leur apparition. On dessinait des illustrations sur des grandes planches qui servaient de support à des histoires racontées par des conteurs ambulants. Mizuki a participé à cette industrie mais à l’époque, comme le papier était très cher, on donnait les originaux qui sont aujourd’hui tous perdu sauf les deux que l’on retrouve dans l’exposition car ils avaient été refusés à l’époque.
Il y a aussi énormément de planches originales encadrées très sobrement pour mettre en valeur les magnifiques dessins de Mizuki si caractéristiques avec leurs arrières plans réalistes et leurs personnages cartoonesques. Sur ces planches originales, on remarque que les textes ne sont pas de la même couleur que le reste. C’est parce que dans l’industrie japonaise, les textes sont imprimés et découpés avant d’être collés dans les bulles. Les deux papiers vieillissent donc différemment. C’est ce genre d’informations sur la fabrique du manga que l’on peut découvrir sur des planches originales, et c’est là tout l’intérêt d’une exposition comme celle-ci.
La scénographie est aussi très intéressante. La pièce du musée d’Angoulême où a lieu l’exposition est plongée dans une relative obscurité contrastée par les éclairages sur les œuvres dont les arrières plans souvent très sombres ressortent grâce à la lumière. Il était important de bien mettre en scène les originaux car Shigeru Mizuki travaillait sur des petits formats. Le cheminement se fait naturellement entre les originaux, les reproductions en grands formats, les textes et les citations qui permettent en un coup d’œil d’éclairer tout un pan de la production de Shigeru Mizuki.
L’exposition dure une heure en lisant tous les textes mais on pourrait y passer trois fois plus de temps en s’arrêtant sur tous les détails présents dans les planches. C’est pour cela que le catalogue d’exposition (tiré à 1000 exemplaires seulement) de très bonne facture peut être un complément déterminant à l’exposition.
Pour les fans de Shigeru Mizuki et du gekiga c’est vraiment une exposition indispensable. Mais pour le lecteur curieux avide de découvrir une autre facette du manga japonais, cette exposition sera un excellent point de départ.
(par Louis GROULT)
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Shigeru Mizuki - Contes d’une vie fantastique
Musée d’Angoulême
28 Rue Friedland, 16000 Angoulême
Photos : Louis Groult.