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Angoulême 2022 : au FIBD, les dédicaces seront rémunérées

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 mars 2022                      Lien  
C’est Noël en mars ! On l’apprend par un communiqué du Ministère de la Culture : les auteurs devraient être rémunérés pour leurs séances de dédicace lors du Festival d’Angoulême qui démarre mercredi prochain. Cette rémunération, payée en droits d'auteurs, vient notamment s’ajouter à celle des interventions des auteurs lors des rencontres, débats et concerts publics lors de la manifestation. Une victoire saluée par le Groupe BD du Syndicats National des Auteurs (SNAC) et le collectif Autrices, auteurs en action (AAA).

Depuis plusieurs mois, le ministère réfléchissait à un plan « afin de mieux protéger et accompagner les professions créatives dans notre pays. » Ceci en sus des mesures d’urgence touchant l’ensemble de l’activité en France. « L’une des mesures, spécifique au secteur du livre, prévoyait, dit le communiqué, d’« expérimenter l’instauration d’une rémunération des auteurs de bande dessinée pour les actes de création réalisés dans le cadre de leur participation à des salons et festivals ».

Angoulême 2022 : au FIBD, les dédicaces seront rémunérées
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Un sentiment d’injustice

On connaît la revendication : pour les auteurs, invités par les éditeurs à produire des dédicaces en batterie, parfois sans pause déjeuner et dans des conditions d’hébergement et de séjour quelquefois un peu précaires, il y avait souvent le sacrifice d’un week-end et/ou de jours de travail pendant lesquels ils ne pouvaient pas produire leurs planches. Mais l’enthousiasme, la passion de la BD, le plaisir de rencontrer lecteurs et collègues à l’occasion d’une échappatoire temporaire à leur travail routinier pouvait parfois les amener à accepter les offres des éditeurs et des festivals.

Le Hic, c’est que, de plus en plus, ces dédicaces se retrouvaient dès le lendemain en vente sur des sites d’enchères en ligne à des prix sur lesquels les auteurs ne touchaient rien. D’où une certaine grogne relayée par les organismes représentatifs des auteurs. Il y avait aussi l’impression que certains organisateurs de festivals (il y en a un, en ce moment…) tiraient des profits conséquents d’un événement dont le principal facteur d’attractivité étaient les auteurs eux-mêmes. Bref, un sentiment d’injustice.

© Philippe Geluck / Casterman

Dès lors, « un protocole pour la rémunération des dédicaces des auteurs et des autrices de bande dessinée dans les festivals a ainsi été signé ce jour par la Ministre de la Culture, le Centre National du Livre (CNL), le Syndicat national de l’édition (SNE), le Syndicat des éditeurs alternatifs (SEA), la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA) et par les festivals de bande dessinées investis dès cette première année [1].

Il prévoit la mise en œuvre d’une rémunération des séances de dédicaces assorties de la création d’œuvres. L’ensemble des auteurs de bande dessinée exerçant cette activité au cours d’un festival signataire du protocole pourra bénéficier de cette rémunération forfaitaire.

Le protocole s’applique à compter de 2022 dans dix festivals de bande dessinée qui bénéficient du double soutien du Centre National du Livre (CNL) et de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA), pour une durée de trois années. Il prévoit une évaluation au terme des deux premières années d’application et sa possible extension à d’autres festivals de bande dessinée soutenus par l’État. »

Une avancée pour les auteurs

Cette décision fait suite à l’initiative d’acteurs comme le SoBD, un petit festival de BD qui a lieu dans le Marais à Paris, et qui avait pris les devants en payant les auteurs venant dédicacer dans ses murs.

Dans le bilan de sa manifestation communiqué en mars dernier, son fondateur Renaud Chavanne estime que « Le SoBD a consacré 17 661 € à la rémunération des auteurs et artistes […] Avec les montants engagés pour le défraiement des auteurs et artistes (frais de déplacement et d’hébergement pour l’essentiel), l’enveloppe se monte à 23 808 €. Le SoBD consacre environ un quart de son budget à la rémunération et à l’accueil des auteurs et artistes de bande dessinée (hors valorisation des contributions en nature), dont 75% directement pour leur rémunération. [...] Individuellement, et hors vente d’œuvre, l’enveloppe consacrée à chaque auteur et artiste rémunérés sur le SoBD varie entre 60 € (rémunération d’une séance de signature de 2 à 3 heures) et 1 000 € (droit d’auteurs pour l’utilisation d’images réalisées à l’occasion du salon). » À la taille du FIBD, la somme devient conséquente.

226 € (brut) en “droits d’auteurs”

Selon la section BD du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (SNAC), « la rémunération sera un forfait de 226 € (brut) en “droits d’auteurs”, par auteur, par festival. Elle sera cofinancée par le CNL et la Sofia, à hauteur des deux tiers, et pour un tiers par la structure invitante (Festival ou éditeur). » Les détails pratiques de la mise en œuvre ne sont pas encore connus mais ne devraient pas tarder à être publiés sur le site de la SOFIA.
La SOFIA assurerait le versement des rémunérations à l’ensemble des auteurs et recouvrerait auprès des autres financeurs possibles (éditeurs, festivals, DRAC… ) les sommes correspondant à leur concours.

Pour le moment, dix festivals en testent la mise en place. Ils seront référencés sur une plateforme mutualisée mise en place par la SOFIA. Chaque festival doit indiquer sur la plateforme, après le festival, la liste des auteurs invités ainsi que les maisons d’édition présentes au festival. Les auteurs recevraient une notification par mail pour renseigner les éléments permettant la rémunération (identification fiscale, statut, RIB). On ignore pour le moment si cette rémunération ne concerne que les auteurs français ou si elle comprend également les auteurs étrangers, notamment belges, suisses et canadiens.

Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Un combat qui continue

« Nous encourageons évidemment l’ensemble des festivals et salons qui ne l’auraient pas encore fait [2] à se joindre à cette dynamique favorable à une meilleure prise en compte et reconnaissance de l’apport des auteurs et autrices dans les manifestations du secteur de la bande dessinée.  »

« C’est une journée à marquer d’une pierre blanche, s’enthousiasme de son côté le collectif Autrices, auteurs en action (AAA). Pour l’instant il s’agit d’une mesure à l’essai, continuons la mobilisation pour qu’elle se pérennise. Pour la première fois depuis longtemps nous obtenons une victoire concernant notre statut, bien qu’il s’agisse de revenus annexes aux droits d’auteur. Nous souhaitons qu’elle en appelle beaucoup d’autres notamment dans nos relations avec les autres maillons de la chaîne du livre. »

Le communiqué du Ministère de la Culture

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

[1BD à Bastia (Corse) ; Rencontres du 9e art (PACA) ; Rendez-vous de la BD Amiens (Hauts de France) ; Lyon BD festival (Auvergne-Rhône- Alpes) ; Festival Fumetti (Pays de la Loire) ; Formula Bula (Ile-de-France) ; Festival Quai des bulles (Bretagne) ; BD Boum (Centre-Val de Loire) ; Festival BD de Colomiers (Occitanie) ; Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (Nouvelle-Aquitaine).

[2Ils sont déjà une trentaine à l’avoir fait spontanément. NDLR.

France Angoulême 2022
 
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12 Messages :
  • La première photo ne donne définitivement pas envie d’aller à Angoulême ...

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  • « la rémunération sera un forfait de 226 € (brut) en “droits d’auteurs”, par auteur, par festival. Elle sera cofinancée par le CNL et la Sofia, à hauteur des deux tiers, et pour un tiers par la structure invitante (Festival ou éditeur). »

    Cet accord à trois têtes semble contrecarrer toute négociation du tarif de l’intervention, c’est pourtant notre liberté de négocier nos tarifs.

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    • Répondu le 14 mars 2022 à  08:35 :

      226 € brut par festival ?...bof, bof...
      Certes, c’est mieux que rien, mais tout de même, c’est pas bézef...
      Pourquoi pas la charte ?

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  • Angoulême 2022 : au FIBD, les dédicaces seront rémunérées
    14 mars 2022 00:23, par Thierry Tinlot

    Super nouvelle. Il n’aurait pas été illogique que les éditeurs participent aussi au financement, dans la mesure où ils sont directement intéressés à la venue/prestation d’un auteur. Mais d’un autre côté, les éditeurs prennent souvent en charge les frais desdits auteurs... Excellente nouvelle, en tout cas, je serai curieux de lire le debriefing de cette initiative dans un an.

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    • Répondu le 14 mars 2022 à  08:05 :

      Si les éditeurs payent le déplacement, le logement et le couvert, ils participent au financement puisque ce n’est pas à la charge du festival. De nombreux festivals et salons prennent en charge ces frais. Donc, que le festival d’Angoulême participe au financement des séances de dédicaces, c’est la moindre des choses. Les auteurs travaillent lors de ce festival comme les employés du festival et des éditerus.

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      • Répondu par 2020 le 14 mars 2022 à  09:31 :

        Je me réjouis de cette avancée pour les auteurs. C’est la moindre des choses qu’ils soient rémunérés pour le temps et le travail que les dédicaces signifient. Ensuite, le logique aurait voulu que ce soient les acheteurs qui payent cette plus-value (via un ticket d’entrée majoré pour les gens souhaitant des dédicaces ?), et les éditeurs — qui ne payent pas toujours les frais de venue des auteurs, très souvent pris en charge par les festivals. Là ce sera le contribuable, via le CNL et les festivals (largement subventionnés)… Question : cela ne s’applique qu’aux festivals, pas aux signatures en librairies, donc ?

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        • Répondu le 14 mars 2022 à  10:08 :

          La SOFIA n’est pas financé par l’argent des contribuables mais par le droit d’auteur.

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          • Répondu par RDevelder le 14 mars 2022 à  11:56 :

            La SOFIA n’est pas financé par l’argent des contribuables mais par le droit d’auteur.

            La Sofia est l’organisme qui collecte et gère le droit de prêt en bibliothèque, pas les droits d’auteur.

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            • Répondu le 14 mars 2022 à  14:46 :

              Le droit de prêt en bibliothèque est un droit d’auteur. De la même manière que le droit de diffusion collecté sur une chaîne publique est un droit d’auteur. Ce ne sont ni des honoraires, ni des salaires ou des indemnités.

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  • Il faudrait que ce soit rétroactif, ça me ferait gagner au moins 7 ans de trimestres pour la retraite (parce que là je ne peux pas prendre une retraite à taux plein avant 75 ans).

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  • SoBD : : quelques précisions
    14 mars 2022 17:26, par Renaud Chavanne

    Didier Pasamonik a l’amabilité de mentionner le SoBD dans son article (ce dont nous le remercions) sans manquer d’ajouter à sa mention un petit qualificatif agréable, comme il en est coutumier. Je profite donc de l’occasion pour faire quelques précisions.

    En décembre dernier, le SoBD tenait sa 11e édition. À cette occasion, il a accueilli un peu moins de 200 auteurs et artistes pour environ 15 000 visiteurs et près de 70 éditeurs, libraires et organismes de formations. Il a proposé 13 tables rondes sur la BD, 8 ateliers, 11 expositions dans et hors les murs, présentant plusieurs centaines d’œuvres et pièces originales. A l’exception de 2 master class, tout ceci était en accès gratuit.

    En terme d’ampleur, le SoBD aurait pu figurer parmi les 10 événements qui "expérimentent" le système de rémunération des dédicaces mis en place par le CNL et la Sofia.

    J’en profite pour signaler qu’il serait utile et bienvenu de connaître la trentaine d’événements qui ont mis en place la rémunération des dédicaces, pour certains depuis 2018 me semble-t-il, ainsi que ses modalités.

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  • Angoulême 2022 : au FIBD, les dédicaces seront rémunérées
    15 mars 2022 09:54, par Capitaine Kérosène

    Pour moi, c’est aux chasseurs de dédicaces à payer, comme cela se pratique aux États-Unis. Il y en a qui sévissent en bandes organisées et passent tout le Festival à solliciter les auteurs, comme si cela leur était dû.

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