C’est un retour unanime : une petite visite dans les rues et dans les stands le confirmait : 2023 est une année faste pour le FIBD, bulles combles, caisses pleines (pour les exposants, en tout cas).
Un indice : l’expo-phare du festival, L’Attaque des Titans, a été tout de suite sold out. 15 000 places vendues (à 10€), selon le délégué général du FIBD, Franck Bondoux.
Dehors, les files s’allongeaient pour l’expo « Junji Ito, dans l’antre du délire » de l’Espace Franquin, jusqu’à la rue Hergé. Idem pour l’expo Druillet, l’un des événements-phares non asiatiques du FIBD au musée municipal., de même que l’expo Ryōichi Ikegami, à corps perdus, située au même endroit.
Franck Bondoux pouvait, lors de la conférence de presse de clôture, remercier le co-directeur artistique de cette édition, pour la partie Asie, Fausto Fatulo. Il l’a sauvée littéralement. Dans un bouclage qui a dû se faire en dix mois, la précédente édition s’étant déplacée de janvier au mois de mars à cause du Covid.
Tout s’est fait un peu dans la précipitation. Heureusement, les expos japonaises, les plus importantes, étaient préparées de longue main. Mais il fallait cette édition, la cinquantième, où l’on a salué le dernier de ses trois co-fondateurs encore vivants : Francis Groux soit un succès. Le délégué général du FIBD, en lui rendant hommage a -fait rare- écrasé une larme.
Crise de la cinquantaine
Pourtant, cela avait bien mal commencé. La suppression, source de la discorde, de l’exposition consacrée à Bastien Vivès était non seulement une abdication en rase-campagne face à la prise en otage du FIBD par une poignée d’activistes, mais aussi le symptôme de la « crise de la cinquantaine » d’une génération qui voit le phénomène culturel qu’elle a enfanté -une bande dessinée célébrée jusqu’à l’Académie française- coincé entre l’univers « pop » des mangas qui progresse d’année en année et l’émergence du format des romans graphiques où la non-fiction prospère : journaux intimes, albums mémoriels, ouvrages didactiques...
Les autres bandes dessinées de genre, comme les comics, pourtant puissamment soutenus par Hollywood, crachotent aussi, tandis que l’alliance entre Kodansha et Disney+ est un symptôme que la bande dessinée a du mal à exister en dehors des frontières de l’Europe.
Elle était jusqu’ici une industrie de prototype nichée dans l’univers du papier. Mais elle subit de plus en plus la pression d’« IP » (Intellectual Properties) sur tous les supports (et surtout sur tous les écrans) issues du Japon, de Corée du Sud, de Chine, d’Indonésie et de Malaisie..
L’inflation qui a fait exploser le prix du papier et de la distribution et l’investissement massif des acteurs asiatiques sur le marché digital en France (cf. le phénomène webtoon qui a dépassé le cap du million d’abonnés en France), sans compter l’émergence de l’Intelligence Artificielle dans la culture et qui s’apprête à renverser la table sont les faits marquants de cette année.
2024 : les JO en ligne de mire
C’est ce que raconte cette édition, d’où les appétits du FIBD pour l’année prochaine. Le délégué général le martèle chaque fois qu’il le peut qu’il ne s’intéresse pas au passé : à la trappe la BD de papa, les Spirou, les Tintin, les Blake et Mortimer… L’avenir, pour les années qui viennent, est en Asie. Rien n’empêche, pour donner le change, de distribuer des hochets aux petits éditeurs et aux éditeurs de mangas qui, tous réunis, achètent plus de mètres carrés que les quatre ou cinq majors de la BD traditionnelle qui dominent le marché.
Autre information glanée lors de cette édition : la convergence entre le FIBD et les Jeux Olympiques de 2024. Le sponsoring sportif, le délégué général du FIBD connaît. Quand Jean-Marc Thévenet, ancien directeur du FIBD, était allé le chercher au détour des années 2000, il venait de là. Depuis, il a pris sa place.
La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak et le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye l’ont compris qui ont honoré cette édition de leur présence. Idem aussi pour les édiles locaux, comme le maire d’Angoulême Xavier Bonnefont qui soutiennent l’événement. Personne, pas même les réseaux sociaux, pas même la grincheuse Cour régionale des comptes, ne prendra l’initiative de dégommer Franck Bondoux d’ici là.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Sauf mention contraire, photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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