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Angoulême 2023 – Le bilan : les mangas ont dopé l’affluence

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 1er février 2023                      Lien  
C’était visible à l’œil nu : l’édition 2023 a été un immense succès du point de vue de la fréquentation. Les files s’allongeaient devant les expositions mais aussi devant les « bulles » grâce à une partie Asie -Manga City- étendue en terme de surface cette année et, il faut bien le dire, une programmation d’un très bon niveau. Le palmarès est ce qu’il est : il met en avant les invités japonais et la bande dessinée alternative, en particulier le roman graphique, avec Riad Sattouf comme Grand Prix et "La Couleur des choses" de Martin Panchaud comme Fauve d’or. Les grands éditeurs de la BD classique reviennent quasiment bredouilles. Une stratégie qui converge avec les orientations du marché où l’Asie, cette année encore, se taille la part du lion, mais qui témoigne aussi d'une attitude volontariste de la part d'un festival qui, parallèlement, a affronté crânement « L’Affaire Vivès », notamment en annulant son exposition.

C’est un retour unanime : une petite visite dans les rues et dans les stands le confirmait : 2023 est une année faste pour le FIBD, bulles combles, caisses pleines (pour les exposants, en tout cas).

Un indice : l’expo-phare du festival, L’Attaque des Titans, a été tout de suite sold out. 15 000 places vendues (à 10€), selon le délégué général du FIBD, Franck Bondoux.

Dehors, les files s’allongeaient pour l’expo « Junji Ito, dans l’antre du délire » de l’Espace Franquin, jusqu’à la rue Hergé. Idem pour l’expo Druillet, l’un des événements-phares non asiatiques du FIBD au musée municipal., de même que l’expo Ryōichi Ikegami, à corps perdus, située au même endroit.

Angoulême 2023 – Le bilan : les mangas ont dopé l'affluence
Toutes les "bulles" ont fait le plein, y compris au niveau du tiroir-caisse.

Franck Bondoux pouvait, lors de la conférence de presse de clôture, remercier le co-directeur artistique de cette édition, pour la partie Asie, Fausto Fatulo. Il l’a sauvée littéralement. Dans un bouclage qui a dû se faire en dix mois, la précédente édition s’étant déplacée de janvier au mois de mars à cause du Covid.

Tout s’est fait un peu dans la précipitation. Heureusement, les expos japonaises, les plus importantes, étaient préparées de longue main. Mais il fallait cette édition, la cinquantième, où l’on a salué le dernier de ses trois co-fondateurs encore vivants : Francis Groux soit un succès. Le délégué général du FIBD, en lui rendant hommage a -fait rare- écrasé une larme.

Le maire d’Angoulême, Xavier Bonnefont, et Francis Groux, co-fondateur du FIBD voici 50 ans.

Crise de la cinquantaine

Pourtant, cela avait bien mal commencé. La suppression, source de la discorde, de l’exposition consacrée à Bastien Vivès était non seulement une abdication en rase-campagne face à la prise en otage du FIBD par une poignée d’activistes, mais aussi le symptôme de la « crise de la cinquantaine » d’une génération qui voit le phénomène culturel qu’elle a enfanté -une bande dessinée célébrée jusqu’à l’Académie française- coincé entre l’univers « pop » des mangas qui progresse d’année en année et l’émergence du format des romans graphiques où la non-fiction prospère : journaux intimes, albums mémoriels, ouvrages didactiques...

Débat sur "L’Affaire Vivès" animé par Romain Brethes du Point. Benoît Peeters, déclarant forfait, c’est Franck Bondoux "himself" qui le remplace au pied levé. Avec la dessinatrice Coco et le spécialiste de la censure Bernard Joubert comme interlocuteurs. Tous les "anti-Vivès" sollicités ont refusé de participer.
Riad Sattouf, Grand Prix 2023.

Les autres bandes dessinées de genre, comme les comics, pourtant puissamment soutenus par Hollywood, crachotent aussi, tandis que l’alliance entre Kodansha et Disney+ est un symptôme que la bande dessinée a du mal à exister en dehors des frontières de l’Europe.

Elle était jusqu’ici une industrie de prototype nichée dans l’univers du papier. Mais elle subit de plus en plus la pression d’« IP » (Intellectual Properties) sur tous les supports (et surtout sur tous les écrans) issues du Japon, de Corée du Sud, de Chine, d’Indonésie et de Malaisie..

L’inflation qui a fait exploser le prix du papier et de la distribution et l’investissement massif des acteurs asiatiques sur le marché digital en France (cf. le phénomène webtoon qui a dépassé le cap du million d’abonnés en France), sans compter l’émergence de l’Intelligence Artificielle dans la culture et qui s’apprête à renverser la table sont les faits marquants de cette année.

2024 : les JO en ligne de mire

C’est ce que raconte cette édition, d’où les appétits du FIBD pour l’année prochaine. Le délégué général le martèle chaque fois qu’il le peut qu’il ne s’intéresse pas au passé : à la trappe la BD de papa, les Spirou, les Tintin, les Blake et Mortimer… L’avenir, pour les années qui viennent, est en Asie. Rien n’empêche, pour donner le change, de distribuer des hochets aux petits éditeurs et aux éditeurs de mangas qui, tous réunis, achètent plus de mètres carrés que les quatre ou cinq majors de la BD traditionnelle qui dominent le marché.

Autre information glanée lors de cette édition : la convergence entre le FIBD et les Jeux Olympiques de 2024. Le sponsoring sportif, le délégué général du FIBD connaît. Quand Jean-Marc Thévenet, ancien directeur du FIBD, était allé le chercher au détour des années 2000, il venait de là. Depuis, il a pris sa place.

2024 : ça va être sportif !

La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak et le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye l’ont compris qui ont honoré cette édition de leur présence. Idem aussi pour les édiles locaux, comme le maire d’Angoulême Xavier Bonnefont qui soutiennent l’événement. Personne, pas même les réseaux sociaux, pas même la grincheuse Cour régionale des comptes, ne prendra l’initiative de dégommer Franck Bondoux d’ici là.

Débat sur la censure animé par Christophe Ono-dit-Biot du Point : (de g. à dr.) la Ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, la dessinatrice marocaine Zainab Fasiki, le dessinateur iranien Mana Neyestani et le dessinateur turc Ersin Karabulut.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Sauf mention contraire, photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

France Angoulême 2023 🏆 Grand Prix du FIBD d’Angoulême
 
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7 Messages :
  • Après le chèque culture de Macron, qui a dopé le manga, l’argent que les pouvoirs publics (collectivités, régions, et autres) donnent à la société privée 9e ART plus pour organiser le festival d’Angoulême va en partie à la promotion du manga. Les éditeurs et les auteurs de BD "franco-belge", qu’ils soient "alternatifs" ou "mainstream", vont apprécier !

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    • Répondu le 1er février 2023 à  19:20 :

      Ils apprécient déjà...

      Répondre à ce message

    • Répondu le 1er février 2023 à  20:26 :

      Les éditeurs franco-belges publient tous des mangas. Et les auteurs franco-belges ne détestent pas tous la BD asiatique.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 1er février 2023 à  22:13 :

        Tous les auteurs ne détestent pas les mangas mais tous constatent leur concurrence déloyale.

        Répondre à ce message

        • Répondu par Auteur·ice le 2 février 2023 à  10:06 :

          Rien de déloyal dans cette "concurrence", ça fait lire et acheter un public qui n’irait pas forcément vers le franco-belge et ça remplit les caisses des éditeurs, ce qui permet de financer la création européenne.

          Répondre à ce message

        • Répondu le 2 février 2023 à  10:13 :

          Ah ? En quoi c’est déloyal de faire de la BD en noir et blanc, pas cher et petit format ? Un format et un tarif que les auteurs franco-belges n’ont jamais pratiqué. C’est plutôt les dessinateurs italiens qui devraient se sentir concurrencés.

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          • Répondu le 2 février 2023 à  17:57 :

            C’est le cas, d’ailleurs. En Italie, les ventes de fumetti ne font que baisser… idem les comics aux USA.

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