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Angoulême : Le Spin-Off, débats studieux, étudiants spiritueux & Hergé le fou

Par Marlene AGIUS le 3 février 2023                      Lien  
À ceux qui disent que le Nouveau Monde, bulle indé du Festival d’Angoulême, n’est « plus ce que c’était », nous réitérons : le Spin Off, lieu de la microédition autonome et séparatiste, est un hardi néo-monde qui déroulait en marge du festival sa sixième édition, coordonnée par le Collectif des Hiboux. Voici ses concerts, ses sérigraphies, sa scénographie en forme de légumes de saison et de couteau géant, ses féministes-ayatollahs, ses étudiants précaires et toute la smala...

Vous voici donc en route pour le Spin-Off, vers les bas-fond du festival. En haut, au Monde des Bulles, les éditeurs baignent dans une fontaine de champagne, tandis que vous vous écoulez doucement vers l’égoût de la bière. Pas d’inquiétude : pour y aller, vous vous repérez lentement dans la ville en suivant des flèches en cartons et l’affiche réalisée par Manon Cezaro.

Heureusement, votre arrivée est gratuite en après-midi, et l’unique bizutage consiste à renverser votre pinte sur votre fanzine fraîchement acquis au stand des étudiants d’Estienne.

Angoulême : Le Spin-Off, débats studieux, étudiants spiritueux & Hergé le fou
© Kane Mooney

Vous manquez de faire une crise épileptique parmi les 62 collectifs qui disposent chacun d’une grille pour appuyer leurs 48 affiches imprimées en 4 versions de 7 couleurs différentes, mais vous vous trouvez soulagé de pouvoir faire un tour dehors.

Vous y trouverez une expo hors les murs pour le lancement de la BD à quatre mains de Romane Bourdet et Elsa Klée, Bibi and Peggy, mais aussi une expo de Bambi Kramer basée sur son histoire Eden & Edna parue dans Komikaze (Prix de la BD alternative 2020).

Bibi and Peggy © Colorama

C’est l’heure du premier concert, sur la scène décorée à l’occasion par le collectif Fossile Futur, scénographie dûment intitulée "La grosse soupe", avec grandes conserves et poufs en navets. Mais il faudra se coucher tôt car le Vendredi 27 est un matin studieux, du type débat-intervention sur cette même scène surplombée de soupe géante.

La conférence "Les Raisons de la colère" est organisée comme une rencontre et une discussion sur le sexisme dans la bande dessinée. Animée par le collectif du même nom et MeTooBD, elle réunissait Iris Brey, docteure en théorie du cinéma, Marie Bardiaux Vaïente, scénariste et historienne, Anne-Laure Maduraud, juriste et juge des enfants, Catherine Staebler, éditrice chez Biscoto, et Mirion Malle, autrice à La Ville Brûle d’Adieu triste amour.

Dans les deux camps qui s’opposent autour de la tristement célèbre « Affaire Vivès », ceux qui crient à la censure s’opposent à ceux qui réfutent ce mot employé, disent-ils, à tort et à travers. Lorsque les premiers veulent débattre de la censure, les autres préfèrent parler de sexisme ; on ne débat pas sur la même chose. "Ouin-ouin" s’amuse-t-on à lancer à droite à gauche, certains même avec des badges sobrement labellisés "ouin". Ajoutons à cela qu’un "on ne peut plus rien dire !" ironique rattrapera à coup sûr la pire de vos blagues.

Beaucoup s’amusent à creuser un fossé dramatique entre les fractions. La réalité est bien moins belliqueuse : certains sont certes convaincus, ou viennent à la conférence par curiosité, d’autres sont d’accord avec des réserves, d’autres repentissent des comportements passés, s’expriment peu mais n’en pensent pas moins. Au final, la conférence a réussi à réunir sans la tutelle du festival une foule d’une petite centaine de personnes.

Vous y retournez le soir pour un nouveau concert et un DJ-set cathartique. Votre ami refuse de vous accompagner car « il n’y a que des drogués là bas » mais finit par céder avant de retourner, dérouté, vers le Mercure.

Le dernier jour, totebag et liquide en main, vous arpentez lessivé les stands bondés. Heureusement que l’attraction du jour, après la tombola, fait son apparition. C’est une piñata Titeuf-réac. Sa monstrueuse tête hantera vos cauchemars pour les deux prochaines nuits. Son cerveau disloqué s’ouvrira en lâchant des bonbons sur le sol où se jetteront les derniers fanzineux. Vous attrapez en premier un Krema à la fraise.

© Héloïse Le Bail - @jell_oise

Il n’y a pas que ça. Dans la rue qui mène au Spin-Off, l’École européenne supérieure de l’image (EESI) d’Angoulême, qui organisait aussi ses quelques stands, arborait fièrement ses bannières "Contre la privatisation de la culture".

Une mobilisation portée par Écoles d’Art en Danger se préparait allègrement. Une mobilisation étudiante qui fait écho à celle des étudiants de l’EESI Poitiers en Décembre dernier, et qui arrive juste après un blocus d’une vingtaine d’écoles d’art en France, le 18 janvier, sous le slogan de « Art et design : Sans argent public, pas d’écoles publiques ». La bannière flotte encore sur la façade de l’EESI d’Angoulême. Ses étudiants avaient notamment fait un vrai enterrement d’un cercueil factice de leur école (RIP).

Ce Dimanche 29, si vous n’aviez pas fait une indigestion après avoir mangé tous les Krema fraise qui sortaient de Titeuf, vous auriez pu voir un carnaval de troubadours, une parade de boucs, d’Harlequins, de bouffons et de manants à fourche se dirigeant en ville. « Le FIBD ne peut pas être une célébration de la bande dessinée si l’accès à la culture est entièrement payant », dit un Zanni à un Pantalone.

Sous l’étendard du « Mort du service public », sous la statue d’Hergé coiffée d’un chapeau de fou du roi, vécu brièvement ce sitting-sieste bien digne d’une fin de festival.

@ecolesdartendanger

Plus tard, on vous dira que Non, ce n’était pas seulement une manifestation, c’était aussi une performance. Et puis, au final, l’art et la politique, c’est la même chose. Il fallait y être. Décidément, on ne peut plus rien dire.

(par Marlene AGIUS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Féminisme Illustration Politique Art Angoulême 2023 L’affaire Vivès
 
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5 Messages :
  • Ce qui est triste c’est quand les étudiants se rendent compte qu’ils ne vivront pas de l’Art par manque de talent ou de motivation. Alors ils cherchent à exister un temps, avant de rejoindre le troupeau du pékin moyen qui cotise pour sa retraite.

    Répondre à ce message

    • Répondu le 3 février 2023 à  19:41 :

      Holà, une petite déprime du vendredi soir, peut-être ? Allez faire un petit tour au pub, ça va passer.

      Répondre à ce message

  • Champ lexical
    10 février 2023 11:54, par Fred Poullet

    bas-fond
    égoût
    bizutage
    drogués
    monstrueuse
    cauchemars
    fanzineux
    indigestion

    Je sens comme un petit sentiment de condescendance, non ? Ou alors c’est le dégoût...

    Répondre à ce message

    • Répondu par Marlene AGIUS le 10 février 2023 à  12:13 :

      sarcasme
      satire
      narquois
      ricanement
      C’est le champ lexical de l’ironie

      Répondre à ce message

      • Répondu par Fred Poullet le 14 février 2023 à  14:34 :

        C’était donc si pénible cette visite au Spin Off !

        Répondre à ce message

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