La bande dessinée au Louvre ? C’est loin d’être une nouveauté puisque, en 1967, l’exposition Bande dessinée et figuration narrative y avait déjà installé ses pénates (certes, aux Arts Décoratifs, mais c’était dans l’enceinte du Louvre quand même. Depuis quinze ans aussi, Fabrice Douar, commissaire avec Jean-Luc Martinez, de cette exposition, nous fait visiter le Louvre au travers d’albums originaux publiés par des artistes chez Futuropolis puis chez Delcourt.
Sur quelque 400 m², en quatre sections, les commissaires explorent la façon dont la bande dessinée s’est emparée de l’archéologie, à la fois dans sa représentation et comme source d’inspiration, faisant de l’archéologue une sorte d’aventurier dont Indiana Jones est le précipité. On se souvient tous aussi du professeur Bergamotte d’Hergé au professeur Grossgrabenstein d’Edgar P. Jacobs...
Recherches et imagination.
Mais ce point de comparaison fait l’impasse sur quelque chose que l’on découvre instantanément dans l’expo : les archéologues dessinent aussi. Les relevés de fouilles sont à la fois précis et sublimes, et très souvent à l’origine de représentations qui se sont inscrites dans notre imaginaire par la suite.
Le paradoxe, c’est que le point de départ d’une fouille est d’ailleurs bien souvent un livre : La Bible qui incita les archéologues à sillonner le Moyen-Orient à la recherche du moindre détail tangible de ce qui y était raconté, ou les récits de voyageurs indiquant les traces d’une civilisation oubliée ou d’une épave recelant un fabuleux trésor.
L’autre point commun est l’imagination. Car à partir d’un petit ostracon, un morceau de poterie, ou un simple plan d’occupation d’un bâtiment, en découpant soigneusement, strate par strate, mètre par mètre un terrain de fouille, l’archéologue peut extrapoler une civilisation complète, ses mœurs, son identité, son histoire dans une théorie qui, à son tour, peut affronter des scénarios divers. Cette science n’est pas sans enjeu car elle peut innerver jusqu’aux sentiments nationaux, fabriquer des clichés comme les « ancêtres gaulois » du Second Empire ou la « race aryenne » des nazis…
Un rassemblement de chefs d’oeuvre
Enfin, le Louvre est un lieu de rassemblement de chefs d’œuvres et les commissaires ne sont pas passés à côté de cette opportunité : « L’occasion était trop belle, nous disent-ils, et nous l’avons saisie pour convoquer sur les cimaises de la Petite Galerie ces créateurs, ces grands artistes qui, au cours du temps, ont fait évoluer la discipline pour l’élever au rang d’art. Il en manque, bien sûr, mais réunir au Louvre Winsor McCay, Nicolas de Crécy, Enki Bilal, Harold R. Foster, Milo Manara, Emmanuel Guibert, Andreas, Lorenzo Mattotti, François Schuiten, John Buscema, Frank Miller et tant d’autres nous permet de montrer les différentes étapes de l’émancipation de la bande dessinée par rapport à la réalité scientifique, historique ou sociale. »
Et, cerise sur le gâteau, en raison des rotations nécessaires aux normes muséales (pour bien faire, une planche de bande dessinée ne peut être exposée que trois mois avant d’être remises au frigo pendant trois ans), ces chefs d’œuvre changeront trois fois pendant la durée de l’exposition, justifiant un retour dans cette antre fabuleux d’objets porteurs d’Histoire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
L‘Archéologie en bulles, sous la direction de Fabrice Douar et Jean-Luc Martinez, assistés de florence Dinet.
Jusqu’au 1er Juillet 2019.
Petite Galerie, aile Richelieu
Tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi.
Nocturnes, mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.
Tarifs : Sur place : Billet unique (collections permanentes et expositions) : 15€ sur place, 17€ en ligne avec accès garanti en 30 minutes.
Renseignements :
01 40 20 53 17
LE SITE DE L’ÉVÉNEMENT
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)