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Astérix : L’insondable bêtise du philosophe Michel Serres

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 22 septembre 2011                      Lien  
Le philosophe Michel Serres a voulu faire son intéressant : dans une chronique sur France Info, il se « paie » littéralement Astérix, concluant que cette bande dessinée est « un éloge du fascisme et du nazisme ». Une position non seulement stupide, mais aussi un brin réactionnaire, sinon malhonnête.

La vieillesse est, dit-on, l’âge de la sagesse. Depuis que la vie s’est longuement prolongée, elle peut aussi être celle du gâtisme, en particulier, semble-t-il, chez les philosophes. Déjà, nous l’avons mentionné dans nos colonnes, Alain Fienkielkraut s’était fendu d’une sortie contre la bande dessinée d’une stupidité rare.

Ceci est impossible pour Michel Serres qui, depuis des dizaines d’années, nous chante les vertus de Tintin et d’Hergé, « son ami », avec l’assurance de la Castafiore vocalisant L’Air des Bijoux. Le parcours du Musée Hergé à Louvain-La-Neuve se termine d’ailleurs par une vidéo du philosophe qui nous assène de sirupeux compliments sans aucun esprit critique sur l’auteur du reporter à la houppe. Cette attitude de fanboy de la part d’un éminent académicien lui valut d’ailleurs un poste d’administrateur à la Fondation Hergé...

Est-ce cette tintinolâtrie bigote qui a motivé son billet dans son dialogue dominical avec Michel Polacco, peut-être au retour de la messe, le 11 septembre 2011, sur France Inter ?

Astérix : L'insondable bêtise du philosophe Michel Serres
Astérix, une apologie du fascisme ? Manifestement, Michel Serres ne l’a pas bien lu...
Ed. Hachette

Il se farcit en tout cas l’icône du Gaulois soulignant, outre son historicité défaillante (ce qui n’avait échappé à personne), les défauts qu’il lui trouve :

-  Son apologie de la force célébrant « la gloire des vainqueurs contre la foule des vaincus »

-  L’usage d’une potion magique, une « mauvaise pédagogie » faisant « l’éloge de la drogue généralisée »

-  La situation de bouc émissaire du barde Assurancetourix démontrant un « mépris forcené de la culture » évoquant la célèbre sentence d’Hermann Göring « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ! »

Il conclut son billet en considérant, dans une pirouette godwinienne, que ce genre de BD faisant une telle apologie de la force n’était rien moins que « l’éloge du fascisme et du nazisme. »

Astérix : Tout le contraire d’une œuvre totalitaire

Faisant remarquer, devant une audience française qu’un peuple assiégé rêve toujours d’un surhomme, d’un Golem ou de pouvoirs magiques, pour le sortir d’une situation inextricable, Will Eisner ajoutait malicieusement : « — Vous, en France, vous avez aussi un super héros. Vous avez Astérix. » [1]

Voilà où nous en sommes, la vertu mythique du héros, figure de toutes les civilisations depuis la nuit des temps, de Gilgamesh à Tarzan, serait une « apologie de la force ». Il est ahurissant de voir ainsi chargé de négativité ce qui constitue la substance même de l’héroïsme, son essence pédagogique : l’exemplarité. Le caractère « super-héroïque », tel que le souligne Will Eisner, est précisément là pour donner espoir aux opprimés, aux vaincus, dont la situation est inextricable.

Ne relevons même pas la question de l’apologie de la drogue qui démontre que Michel Serres ignore tout de la bande dessinée, voire même de la fiction. Il n’a pas compris qu’il s’agit là du nécessaire élément arbitraire (le super-pouvoir) qui permet de caractériser un personnage. Dans son délire de sur-interprétation, il aurait pu voir que cette potion était dispensée par un sage, le seul vrai savant du village, qui en contrôle l’usage, notamment lorsque, dans La Zizanie, la populace s’enfonce dans l’obscurantisme.

Quant à Assurancetourix, la lecture qu’en fait Michel Serres est totalement puérile. Je reprends ici quelques éléments d’un article que j’ai écrit à ce sujet [2] Cette victimisation du barde a en effet un sens. Car quel est précisément le rôle du barde dans les sociétés antiques ? Chez les Celtes, ce poète-chanteur célébrait les exploits des héros, en clair, il racontait l’Histoire.

Or, l’histoire, dans Astérix, est particulièrement maltraitée, comme le confesse Goscinny : « Nous avons décidé de ne pas jouer sur l’anachronisme brutal. Nos personnages ne se téléphonent pas, ils n’ont pas de télévision, etc. Mais nous nous sommes dit : on va transposer à l’époque gauloise les problèmes de la société française contemporaine, et on devrait obtenir des effets comiques. Et bizarrement, en transposant, nous sommes retombés dans la vérité historique. Dans les Commentaires, de César, la description des Gaulois est quand même très proche de la description des Français. Beaucoup de choses que nous inventions étaient vraies, je recevais des lettres d’historiens, qui me le disaient. Par exemple, les embarras de circulation à Lutèce ont existé. Pour le premier épisode qui se passait à Rome, j’ai puisé dans La Vie quotidienne à Rome de Carcopino, qui m’a fait savoir, quand il a lu l’album, que ma documentation était excellente : Il a reconnu la sienne… » [3]

Dans le même entretien, il dit encore : « Je me documente à toutes les sources, dont "La Guerre des Gaules" est, bien entendu, la clé de voûte. Mais quand je travaille, je ferme mes bouquins. Mon boulot c’est le pastiche. Si c’était trop élaboré, je ne serais lu que par les spécialistes. Ce brave Uderzo, avec qui je travaille depuis quinze ans, a les mêmes problèmes que moi. Ses Gaulois ont l’air authentiques bien qu’ils soient faux -les vrais combattaient nus- mais si l’un d’eux se sert d’un outil ou d’un instrument de musique, alors sur le détail, nous sommes intraitables. »

C’est en cela qu’Astérix est un mythe : En bâillonnant l’historien qui pense recréer le chant du monde à l’instar des Dieux, il permet au lecteur de s’échapper de son incessante tutelle, de sa rigueur morale.

Cette rigueur morale de vieillard politiquement correct que Michel Serres essaie de nous imposer, et qu’il évite bien d’appliquer à Tintin, son idole.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire aussi : Michel Serres s’excuse

Illustrations : Astérix par Uderzo & Goscinny. (C) Uderzo, Goscinny, Albert René & Hachette.

[1Débat « BD et Judaïsme, une nouvelle alliance ? » organisé par Jean-Paul Kuperminc, le 22 janvier 2002, à l’école Georges Leven en présence de Will Eisner et Joann Sfar.

[2Cf « Astérix, un mythe ? », dans Jean-Claude Lescure (dir.), Drôles de Gaulois, Berg International, 2010. Actes du colloque « Drôles de Gaulois », octobre 2009.

[3René Goscinny. Interview pour L’Aurore, 22 mars 1966 - Propos recueillis Anne Manson.

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27 Messages :
  • Astérix : L’insondable bêtise du philosophe Michel Serres
    22 septembre 2011 11:44, par Frencho-id

    Serres professe (et écrit sur) avoir été l’ami d’Hergé ; peut-être cette prise de position prolonge-t-elle le vieux conflit entre ceux qui opposent (opposaient, question de générations ?) Tintin à Astérix, comme ils oppos(ai)ent les Beatles aux Stones ? Ces affrontements se passaient dans la cour de l’école, et les propos de Serres tels que vous les rapportez ne relèvent guère le niveau...

    La vieillesse est, dit-on, l’âge de la sagesse.

    C’est aussi celle du naufrage, comme disait l’autre. Serres, touché-coulé...

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  • Oui, voila le beau constat de cette soi-disante littérature jeunesse qu’est la BD : Les Schtroumpfs et Astérix sont des nazis, Gaston Lagaffe est un trotskyste, Tintin est colonialiste, Spirou et Fantasio sont zoophiles, Achille Talon est pédophile et Pif le chien ne fait pas dans le caniveau. Il serait temps de bruler tous ces livres !!!!

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    • Répondu par Yaneck Chareyre le 22 septembre 2011 à  18:07 :

      Sauf que pour Tintin, c’est vrai. Mais là, c’est propre à la personnalité de son auteur, et à son contexte historique...

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  • Astérix : L’insondable bêtise du philosophe Michel Serres
    22 septembre 2011 12:14, par Christian Rosset

    Le piège dans lequel est tombé Serres n’est pas un piège philosophique ; c’est un piège médiatique. Et c’est là où il me surprend : il possède (en principe) toutes les armes pour ne pas tomber dedans. Le problème vient du fait que son interlocuteur ne peut se permettre de le remettre en question (il est clair qu’il n’est pas d’accord). Serres est loin d’être un philosophe majeur de notre époque (il est très loin derrière Deleuze, Foucault ou Derrida), mais il est loin d’être aussi superficiel que Finkielkraut ou BHL. Il aurait dû demeurer bien tranquille auprès de ses collègues vieillissants sur un campus californien (la retraite est un naufrage...), plutôt que de monnayer le charme de son accent du Sud-Ouest à France Info. Ceci dit, malgré tout, je continue à l’écouter le dimanche, car ses réflexions sont généralement intéressantes.

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    • Répondu par lebon le 22 septembre 2011 à  12:24 :

      Je suis très étonné de ce que vous m’apprenez sur Michel Serres, que je tiens pour sage avec aussi Edgard Morin ou Jean Ziegler, je ne dis pas que vous vous trompez, mais votre titre est d’une t-elle violence.

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  • Son apologie de la force célébrant « la gloire des vainqueurs contre la foule des vaincus »

    La Fontaine avait ce même travers :

    "La raison du plus fort est toujours la meilleure, nous l’allons montrer tout à l’heure..."

    Cette intervention apporte tout de même une bonne réflexion philosophique : la rhétorique s’appuie très facilement sur le petit bout de la lorgnette. On prend un biais quelconque et puis on argumente ! Statistiquement, à agir ainsi, on tombe très souvent sur du scandale et du buzz.

    La sagesse y trouve t-elle son compte ?

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  • Astérix : L’insondable bêtise du philosophe Michel Serres
    22 septembre 2011 12:55, par Bakounine

    Moi qui croyais que ce petit village d’irreductibles symbolisait l’ideé de résistance. Donc, si je pousse la logique de ce philosophe, les Résistants seraient des fascistes.
    Comme ce livre récent et idiot sur les Schtroumpfs, n’importe quoi pour faire parler de soi.

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  • J’ai aussi entendu ça... Mais ce ramassis de bêtises était conclu par une erreur. Ce n’ast pas Gôring qui a prononcé la fameuse phrase sur la culture et le révolver attribuée à bien d’autres, dont Baldur von Schirach... Un lieu commun de plus

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  • Serres à propos d’Astérix : Le commentaire de Damien Boone
    22 septembre 2011 14:23, par Michel Dartay
  • Et je rappelle que Goscinny était juif et Uderzo immigré italien, pas vraiment "fascistes" dans leur genre, contrairement aux fréquentations de Hergé à une époque… Pfft, le lot de conneries sur la BD prononcé par des gens dits "intellectuels" n’a pas changé depuis 50 ans, c’est à pleurer.

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    • Répondu par Frencho-id le 22 septembre 2011 à  19:49 :

      Et je rappelle que Goscinny était juif et Uderzo immigré italien, pas vraiment "fascistes" dans leur genre, contrairement aux fréquentations de Hergé à une époque…

      Plus haut j’évoquais les duels de cours d’école, mais on peut élargir à l’opposition École belge/École française, et le journal Tintin n’a pas été épargné par cette scission. Enfin, puisqu’on évoque Goscinny le juif et Hergé l’extrême-droitiste (fût-ce un temps), rappelons, pour l’anecdote, que quand Hergé a dédicacé son exemplaire des Soviets à Goscinny... il a omis de le signer (source : la bio de Goscinny par Pascal Ory). Hergéophile autant que goscinnylâtre depuis mon enfance, je dois bien prendre en compte les faits tels qu’ils sont, et je trouve à l’agression de Serres un arrière-goût un peu... dégoûtant.

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  • Astérix : L’insondable bêtise du philosophe Michel Serres
    22 septembre 2011 18:23, par K.Plejwaltzsky

    Bravo Didier,
    Nous ne sommes pas souvent d’accord mais je pense que tu as parfaitement répondu à la chronique imbécile de Michel Serre... qui au passage, reprend presque mots pour mots l’argumentaire de la Commission de surveillance des publications destinées à la jeunesse en son temps.
    Bref... comparer Astérix à l’Allemagne nazie partcipe à galvauder un acte d’une très grande gravité. Un amalgame de ce type pest tout simplement indigne d’un journaliste et de quelqu’un qui se positionne comme philosophe.
    Merci pour ton billet.

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    • Répondu par Alain Perfide le 22 septembre 2011 à  18:47 :

      Astérix a été utilisé à toutes les sauces. Certains ont voulu y voir un modèle de Joseph Bové. D’autres un hymne à la Résistance (la Résistance à toutes les formes d’occupation, d’ailleurs). Serres y voit une apologie de la violence. C’est vrai que les conflits, dans Astérix, se résolvent à coups de poings et de baffes, parfois. J’espère que Serres n’a jamais vu un film avec Terence Hill et Bud Spencer... IL serait terrorisé !
      Plus sérieusement, il est du plus haut ridicule de voir dans Astérix une vision historique ou réaliste. Pour ça, que M. Serres lise un autre "ami" d’Hergé : Jacques Martin. Pour le coup, on y voit des manipulations, des complots, des assassinats, des guerres, des batailles. Cela s’appelle la vie ou l’Histoire. Mais peut-être que Serres ne connaît plus ni l’une ni l’autre - vieillesse ?

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  • Franchement j’ai un doute...
    22 septembre 2011 22:38, par Arnaud

    J’ai entendu cette chronique à la radio, et j’avoue que j’ai cru à un troll... à une attaque second degré, genre les schtroumpfs sont des nazis, tout ça...
    Et encore aujourd’hui je ne suis pas sûr que Serres ait été "sérieux" dans son attaque.
    Pour dire que les gaulois résolvent leurs problèmes à coup de force brute, il faut ne pas avoir lu les albums...

    Non franchement... je ne crois pas que Serres, bien que tintinophile, croie vraiment à ce qu’il a dit...

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  • Je relis le " cadeau de César " , et je me dis que pour un dictateur, le chef du village est bien fair play de jouer sa place à une élection avec un inconnu qui débarque avec un document romain... On aurait aimé que Hitler ou Musso aient autant de panache ^^

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  • mais…
    23 septembre 2011 17:34, par raviolo

    Désolé, mais pour ma part, je partage en partie le point de vue de Michel Serres.
    Je trouve, et j’ai toujours trouvé, qu’Asterix était une bd certes drôle par moments, mais fondamentalement imbécile, qui véhiculait un chauvinisme certain et des valeurs douteuses, comme l’apologie de la force physique et la négation de toute forme de culture, représentée par Rome face à la gentille bonhomie inculte régnant dans le village gaulois.
    Je trouve que M. Serres a forcé le trait, en partie en évoquant le nazisme et le fascisme, qui à mon sens n’ont rien à faire là, mais son discours ne me semble pas totalement inepte.

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    • Répondu le 23 septembre 2011 à  19:20 :

      ’Asterix était une bd certes drôle par moments

      Ahahah ! Le pisse-froid !

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    • Répondu le 23 septembre 2011 à  22:58 :

      négation forme de culture, représentée par Rome

      haha !! les vainqueurs sont les artistes, les vaincus des barbares, je vous invite à méditer sur le travail des historiens, qui expliquent par exemple comment les chefs gaulois se questionnaient devant les représentations latines en trois dimensions, en effet, il se demandait comment les romains, malgré leur force, pouvaient avoir une vision de l’espace et du temps aussi linéaire , et je crois d’après mes sources, vision "proche du lombric" ...

      En fait, vous parlez de la culture du vainqueur, en bon petit toutou éduqué.
      Le banquet, à la fin des épisodes, n’est il pas une oeuvre d’art circulaire, avec une production d’énergie folle combinée à l’espace,à la terre, convoquant des vibrations profondes et sincères ?? Une belle vision , en tout cas pour le lecteur que je suis, par exemple.

      Si pour vous la culture, se résume à la vision rationnelle de la renaissance plaquée dans les musées...en effet...

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  • Astérix : L’insondable bêtise du philosophe Michel Serres
    24 septembre 2011 01:51, par Gilles Duplon

    "En bâillonnant l’historien qui pense recréer le chant du monde à l’instar des Dieux, il permet au lecteur de s’échapper de son incessante tutelle, de sa rigueur morale."

    Qu’entendez-vous par là ? Je ne comprends pas très bien où vous voulez en venir. Pensez-vous que la rigueur des historiens soit avant tout "morale" ? L’exactitude n’est pas un pêché, pour un scientifique. L’éthique scientifique est même le contraire de la morale sur bien des points.

    Attention à ne pas tomber dans un anti-intellectualisme primaire au prétexte que certains "penseurs" perdent complètement les pédales, avides de l’écoute qu’on leur prête.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 septembre 2011 à  10:10 :

      D’abord ceci :

      L’éthique scientifique est même le contraire de la morale sur bien des points.

      Ou je me trompe mais l’éthique est précisément une science de la morale. Prétendre qu’elle est le contraire de la morale ne me semble pas très... scientifique.

      Pensez-vous que la rigueur des historiens soit avant tout "morale" ? L’exactitude n’est pas un pêché, pour un scientifique.

      Je pense qu’il y a plein de choses que la science ne peut pas enfermer, la poésie et les neutrinos par exemple...

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 septembre 2011 à  13:25 :

        J’ajoute que, comme le rappelle bien notre collègue Damien Boone dans Les Inrocks, son analyse ne procède pas d’une démarche scientifique.

        Je préfère de loin Michel Serres lorsque, en pionnier, il parlait de Tintin cf. « Les bijoux distraits ou la cantatrice sauve », Critique, Paris, no 277, Tome XXVI, juin 1970.

        Là, en parlant d’Astérix, il a dérapé.

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        • Répondu par Gilles Duplon le 24 septembre 2011 à  14:02 :

          Je vous l’accorde, la distinction entre éthique et morale n’est pas partout établie de manière nette.

          Si les deux termes sont pratiquement confondus chez les grecs, ils sont distingués au moins depuis Spinoza, et ensuite avec Nietzsche. Ainsi on peut considérer sans faire de contre-sens que la morale renvoie à un ensemble de principes transcendants et formels, à valeur universelle et applicables à n’importe quel domaine de l’action indépendamment du contexte réel ; et que l’éthique renvoie à un ensemble de principe régulateurs conçus en référence à un certain domaine particulier de la pratique. Dans le cas que j’envisage, il peut devenir presque synonyme de "déontologie". De plus, le terme "éthique", employé avant un adjectif déterminatif, ici "scientifique", signale bien une différence avec la morale, censée valoir en dehors de toute détermination.

          Voilà le sens dans lequel j’employais le mot.

          Quant à Serres, il est évident que sa démarche n’a absolument rien de scientifique, et je partage votre critique de son interprétation, qui renvoie plus à une discussion de comptoir qu’à une véritable analyse informée.

          Cependant, et c’est là ce que je voulais dire, il me semble que renvoyer la science authentique, souvent pratiquée avec une grande rigueur et une absence totale de volonté moralisatrice (on trouvera des exceptions, je dirai qu’elles confirment la règle), dans l’enfer de la "morale" procède d’un raccourci malheureux.

          On ne peut pas reprocher à Serres son absence de scientificité, en dans le même temps l’associer à certains travers présumés de la science sans se contredire, et je le répète, tomber dans une forme d’anti-intellectualisme primaire.

          Serres est un nul, certes, mais sachons apprécier la valeur propre des travaux réellement scientifiques, même s’ils n’enferment jamais tout le réel. Mais un scientifique sérieux ne prétendra jamais une telle chose. L’éthique scientifique est d’abord une éthique de la modestie, bien loin des excès rhétoriques de certains "intellectuels" ou "essayistes" que vous critiquer à raison, mais toutefois avec les mauvais arguments selon moi.

          Pour résumer : ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !

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          • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 septembre 2011 à  14:59 :

            Quant à Serres, il est évident que sa démarche n’a absolument rien de scientifique, et je partage votre critique de son interprétation, qui renvoie plus à une discussion de comptoir qu’à une véritable analyse informée.

            Vous avez raison et il ne nous avait pas habitué à cela.

            Cependant, et c’est là ce que je voulais dire, il me semble que renvoyer la science authentique, souvent pratiquée avec une grande rigueur et une absence totale de volonté moralisatrice (on trouvera des exceptions, je dirai qu’elles confirment la règle), dans l’enfer de la "morale" procède d’un raccourci malheureux.

            Ce n’est pas ce que je dis. On parle ici d’Histoire (voir explications plus loin).

            On ne peut pas reprocher à Serres son absence de scientificité, en dans le même temps l’associer à certains travers présumés de la science sans se contredire, et je le répète, tomber dans une forme d’anti-intellectualisme primaire.

            Ce vocable d’ "anti-intellectualisme primaire", dont se gargarise tant Harry Morgan, n’est pas ici d’application. Je vous signale que ma réfutation était argumentée et correctement appuyée sur des références solides de première main. Votre supposition est sans objet.

            Serres est un nul, certes,

            Certes, non.

            L’éthique scientifique est d’abord une éthique de la modestie,

            C’est précisément le sens de ma phrase : "En bâillonnant l’historien qui pense recréer le chant du monde à l’instar des Dieux, il permet au lecteur de s’échapper de son incessante tutelle, de sa rigueur morale." D’abord pour souligner que l’Histoire n’est jamais qu’une histoire, que celle de Michelet n’est pas celle de Braudel, qu’elle est toujours, je dis bien : toujours, porteuse des valeurs morales de son temps et que, dès lors, il fallait la rappeler à plus de modestie, d’où le bâillonnement symbolisé par Assurancetourix. Je vous renvoie à mon article en référence pour plus d’explications.

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            • Répondu par Gilles Duplon le 24 septembre 2011 à  15:25 :

              Oui j’entends bien, mais mon commentaire portait simplement sur deux points précis :

              - une réfutation de votre association entre morale et science (je considère que l’Histoire est une science ; et de plus si l’histoire porte effectivement les valeurs morales de son temps, on peut le dire de toute production historiquement et socialement située - et si les questions qu’adresse l’histoire à la réalité sont toujours informées par des préoccupations de valeur, on ne peut pas dire pour autant que les réponses qu’elle y apporte n’ont pas une certaine objectivité et une certaine universalité : on peut poser une question qui porte en elle toutes les présuppositions culturelles d’une époque, et dans le même temps construire sa réponse à partir de protocoles et de méthodes valant pour tout scientifique de toute époque - mais c’est une autre discussion).
              - une impression d’anti-intellectualisme (je retire le "primaire") dans votre dernière phrase, où selon moi vous présentez implicitement la science, la discipline historique en particulier, sous un jour quelque peu trompeur : on ne peut la réduire à une ambition démiurgique et inconsciente de ses limites.

              Je voulais juste réagir car je retrouve trop souvent à mon goût ce genre de prises de position un peu réductrices dans vos articles. Vous gagnerez, et c’est un modeste conseil que je me permets de vous donner, à faire preuve parfois d’un peu plus de nuance.

              Mais on ne va pas en faire tout un fromage, c’est pas bien grave au fond.

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              • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 septembre 2011 à  15:54 :

                - une réfutation de votre association entre morale et science

                C’est votre lecture. Pour moi, comme dirait l’autre, il n’y a pas de "science sans conscience", sans morale. Votre défense à tous crins de la science est un peu hystérique à mon sens.

                (je considère que l’Histoire est une science ; et de plus si l’histoire porte effectivement les valeurs morales de son temps,

                Ah, vous voyez, vous y arrivez... Il y a donc bien un rapport entre la morale et la science.

                on peut le dire de toute production historiquement et socialement située - et si les questions qu’adresse l’histoire à la réalité sont toujours informées par des préoccupations de valeur, on ne peut pas dire pour autant que les réponses qu’elle y apporte n’ont pas une certaine objectivité et une certaine universalité : on peut poser une question qui porte en elle toutes les présuppositions culturelles d’une époque, et dans le même temps construire sa réponse à partir de protocoles et de méthodes valant pour tout scientifique de toute époque - mais c’est une autre discussion).

                Oui, mais elle est centrale. Sinon on parle de vérité révélée.

                - une impression d’anti-intellectualisme (je retire le "primaire") dans votre dernière phrase, où selon moi vous présentez implicitement la science, la discipline historique en particulier, sous un jour quelque peu trompeur : on ne peut la réduire à une ambition démiurgique et inconsciente de ses limites.

                Je voulais juste réagir car je retrouve trop souvent à mon goût ce genre de prises de position un peu réductrices dans vos articles. Vous gagnerez, et c’est un modeste conseil que je me permets de vous donner, à faire preuve parfois d’un peu plus de nuance.

                Voilà où vous vouliez en venir avec tous vos arguments "scientifiques" : à un procès d’intention.

                Toute position est par définition "réductrice", et donc discutable. En ce qui me concerne, j’ai la modestie de penser que je ne détiens pas la vérité. Mais rien ne m’empêche de signaler, de révéler, de discuter, d’interpeller, d’accuser au besoin.

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                Mais on ne va pas en faire tout un fromage, c’est pas bien grave au fond.

                Sauf si le fromage est "scientifique", sans doute.

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  • Hum, il me semblait qu’un certain nombres d’aventures d’Astérix se terminaient bien, grâce à l’astuce et le courage d’Astérix et à la sagesse de Panoramix. La seule force brûtale présente en permanence, c’est celle d’Obélix, mais on sait que chez lui c’est quasi-maladif (parce qu’il est tombé dans la marmite quand il était petit !!). De plus, les lecteurs fidèles savent qu’il cache un coeur d’or (voire de fleur bleue) derrière son aspect imposant et massif.

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  • vu sur le site de France-Inter "Aussi, Michel Serres, après avoir lu les courriers et discuté avec Michel Polacco et Jérôme Bouvier, a décidé de préciser sa pensée et d’amoindrir son propos, du moins les termes employés. "

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PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
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