La recette de la potion magique est un secret bien gardé que seul Panoramix détient, lui qui est le plus grand et le plus sage de tous les druides. Voilà pourtant qu’un jour, il chute d’un arbre et se blesse. Or tout le monde sait qu’un druide ne peut pas tomber d’un arbre, c’est même d’ailleurs l’une des règles pour être druide. Seulement Panoramix se fait vieux, et il doit trouver un successeur.
Avec cet incident, nos héros découvrent qu’ils ne sont peut-être pas si éternels que cela. Ici, ce ne sont pas les Romains ou encore les pirates qui sont à craindre, mais bien le temps, un adversaire que n’avaient jamais affronté nos irréductibles Gaulois, et que l’on retrouve dans le personnage de Sulfurix, antagoniste réussi de cette aventure. Il sort tout droit du passé de Panoramix et souhaite s’emparer du secret de la potion magique.
Nos héros traversent donc toute la Gaule et rencontrent divers druides débutants, cependant aucun ne semble convenir... Et si la relève de Panoramix n’était pas nécessairement un jeune druide, ni même un homme ? Pourquoi devoir à tout prix respecter le protocole ?
C’est aussi cela le message glissé par Astier et Clichy qui, tout en témoignant un grand respect à l’univers d’Astérix, n’hésitent pas bouleverser certains codes, et ce dès le début très pop du long-métrage jusqu’à son final spectaculaire.
Le film remet aussi en cause l’institution des druides et ses codes désuets en place depuis des années, qui se retrouvent ici complètement dépassés, et auraient besoin d’un renouveau. On y voit aussi les femmes gauloises assurer la défense du village face aux Romains tandis que les hommes sont partis à travers la Gaule et se montrent bien inutile pour aider Panoramix.
Cela n’en reste pas moins une histoire d’Astérix comme on les aime, on retrouve nos amis pirates victimes des Gaulois, Obélix ne peut toujours pas boire de potion magique et le vil Jules César tente toujours de vaincre nos irréductibles. Mais il y a en plus cette touche de modernité rafraîchissante qui nous montre bien que même aujourd’hui l’univers d’Astérix a encore des choses à raconter. Il doit peut-être pour cela évoluer... mais pas trop non plus !
Pour ce qui est de l’animation, cette dernière est bien plus aboutie que celle du Domaine des Dieux. L’écriture d’Astier mêlant tradition et modernité est toujours aussi référencée et fait mouche.
On pourra ressentir une certaine nostalgie à entendre Christian Clavier prêter sa voix à Astérix ; quant au reste du casting vocal, il remplit très bien sa tâche, et l’on pourra s’amuser de retrouver quelques voix connues.
Le film explose le box-office Français, et c’est mérité. Nous ne pouvons que vous inviter à voir le film, qui nous conforte dans l’idée que la bande dessinée était faite pour rencontrer le cinéma d’animation. Hâte de voir désormais si le duo de réalisateur poursuivra l’aventure Astérix dans cette voie.
Et si vous voulez poursuivre l’aventure du film, initier vos enfants à la bande dessinée ou que vous êtes simplement un « complétiste » d’Astérix, nous vous invitons à vous procurer l’adaptation en album illustré. Pour la première fois, Fabrice Tarrin dessine le personnage d’Astérix, et c’est une véritable réussite. C’est à se demander si l’artiste pourrait réaliser un album de la série principale. Nous avons pu lui poser quelques questions.
Comment se retrouve-t-on à dessiner Astérix ?
Depuis quelques années, j’avais redécouvert avec émerveillement le travail d’Albert Uderzo. Ce n’est qu’une fois adulte que j’ai mesuré à quel point son dessin était bluffant, drôlissime et inimitable. Cela m’a donné envie de faire des illustrations pour le plaisir. L’éditeur a repéré quelques uns de ces hommages sur Internet et, connaissant déjà mon travail sur Spirou et mon Journal Intime d’un lémurien, il m’a contacté pour faire des essais en concurrence avec d’autres dessinateurs. Albert m’a choisi, c’était une chance incroyable.
Comment avez-vous abordé cet album par rapport à une bande dessinée ?
Avec jubilation. C’est le travail d’une seule grande case par page au lieu de dix, j’avais le temps de m’appliquer, même si certaines scènes de batailles avec les armées romaines m’ont donné du fil à retordre.
Passer de Franquin à Uderzo, cela change quoi ?
C’est un enrichissement incroyable. Franquin a tendance à me mettre des œillères : son dessin est tellement habité et virtuose que plus rien n’existe autour de lui. Alors que le dessin d’Albert Uderzo est complémentaire, plus structuré, plus réaliste, plus instinctif mais tout aussi inventif. Me re-plonger dedans m’a permis de progresser en dessin dans ce registre classique.
Pourrait-on vous voir réaliser un album d’Astérix par la suite ?
Ce n’est pas prévu. Didier Conrad est assurément le meilleur dessinateur pour la série en bande dessinée, sa reprise est parfaite. Ce serait un travail titanesque et une pression énorme pour moi de m’atteler à un véritable album BD. Par contre, si un jour on me proposait un nouveau livre d’illustration ou un puzzle, je serai ravi de m’y remettre, dessiner Astérix me met toujours en joie.
Un album ne semble donc pas au programme, d’autant plus que l’équipe composée de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad nous prépare un album pour 2019. Mais si l’éditeur cherche une seconde équipe créative pour alterner avec l’actuelle - à la manière de Blake et Mortimer - on ne s’étonnerait pas de voir Fabrice Tarrin en faire partie...
(par Vincent SAVI)
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"Astérix : Le Secret de la Potion Magique" en salle depuis le 5 décembre 2018
Réalisation : Alexandre Astier et Louis Clichy
Scénario : Alexandre Astier
"Astérix - La BD du film : Le Secret de la Potion Magique" - Fabrice Tarrin (dessin), Olivier Gay (texte) - Albert René - Sortie le 5 décembre 2018 - 48 pages - 9,95 €
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