Nous vous parlions précédemment d’une banale transmission d’entreprise en évoquant la vente des parts d’Albert Uderzo et d’Anne Goscinny aux éditions Hachette Livre. Certes, Sylvie Uderzo, licenciée par son père 18 mois plus tôt, tente de reprendre les rênes en intentant des actions devant les tribunaux, mais rien ne semble actuellement pouvoir infléchir la volonté de l’auteur.
Un nouveau coup vient de faire trembler le monde de la bande dessinée : après le prochain tome d’Astérix reprenant un court récit agrémenté de 15 illustrations (pas une BD, donc) publié une première fois dans Pilote en 1965, puis sous la forme d’un album en 1988, Uderzo ne raccrocherait pas définitivement les gants (s’il s’en sent la force), mais laisserait Hachette poursuivre les aventures des gaulois au cas où il ne les assurerait plus ! L’information nous a été confirmée par les éditions Albert-René.
Contactée par nos soins, nous avons recueilli la réaction de Sylvie Uderzo qui co-dirigeait les éditions Albert-René, face à cette étonnante nouvelle :
"Je suis triste d’avoir ainsi la preuve de mes soupçons depuis 18 mois : mon père a été instrumentalisé jusqu’à se renier lui-même. Après avoir désavoué sa fille unique (dans le but de ce que nous apprenons officiellement), c’est son fils de papier qu’il trahit, et la parole donnée à son ami René (Goscinny) : "Après nous, plus jamais !". Je me souviens de la colère de mon père lorsqu’il a appris que Roba avait confié son personnage à son éditeur Dargaud. Car chacun sait que, depuis toujours, Albert Uderzo a crié haut et fort qu’après lui, comme Hergé, il n’y aurait plus jamais de nouveautés...
C’est triste de voir un homme de cette stature renier tout ce qui a fait sa vie : une société florissante indépendante et une création unique qui ne sera plus l’oeuvre de deux artistes. C’est la raison de mon combat : j’entre en résistance...à l’intérieur du Village [...]"
Sans rentrer dans le conflit des personnes [1], le fait de savoir que les aventures d’Astérix pourront se poursuivre, en dépit du fait qu’Albert Uderzo ait déclaré publiquement et à plusieurs reprises qu’elles ne se poursuivraient pas après lui, est aussi enthousiasmant qu’alarmant. On parle d’un duo Arleston au scénario et Mourier au dessin. Bon choix, mais il y en a d’autres possibles, par exemple Dany aux pinceaux.
Certes, les derniers albums du petit moustachu n’avaient pas fait l’unanimité, mais après les récentes (mes)aventures de Blake & Mortimer, on en vient à se méfier de l’utilisation des grands noms du neuvième art "pour le seul bénéfice du public".
Tout en respectant les volontés d’Hergé, la gestion du patrimoine de Tintin relance souvent cette question d’héritage dans l’actualité, mais ce revirement étonnant d’Albert Uderzo après cette rupture avec sa fille nous interloque quelque peu : comment justifie-t-il ce brusque changement d’attitude ? Est-ce vraiment une volonté personnelle, ou une clause inamovible d’Hachette ?
Il va falloir des explications claires pour convaincre un public jusqu’à présent davantage surpris que conquis !
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Photo en médaillon (© CL Detournay) : un schtroumpf habillé par Albert Uderzo, en hommage à Peyo, un de ses maîtres à dessiner.
[1] Le Groupe Hachette a annoncé que c’était Uderzo lui-même qui était venu les voir pour leur proposer la vente des éditions Albert René.
Participez à la discussion