En 1830, la traite des Noirs abolie sous la Révolution et rétablie sous l’Empire bat son plein. Le capitaine Benoît vient faire le plein de "bois d’ébène", esclaves qu’il achète aux chefs de guerre africains pour les revendre en Jamaïque.
Dans sa cargaison, Atar Gull, un colosse fils de roi, vendu à l’armateur en qualité de "mandigo", c’est à dire d’ "étalon". Acheté par un planteur plutôt humaniste, il passe pour un esclave modèle pour mieux amadouer son "gentil maître" qui ne sait pas encore qu’il sera la victime d’une terrible vengeance.
Une fois de plus, Fabien Nury (Il était une fois en France, Staline...), adaptant une œuvre originale d’Eugène Sue (1804-1857), Républicain humaniste acharné, montre ses qualités de raconteur d’histoires, sans doute l’un des plus brillants de sa génération. Le récit démarre dans la fureur et se poursuit dans le grondement de la colère.
Le trait lisse et esthétique de Brüno n’apaise pas cette impression : contre ces "nègres" dont peu survivent au voyage, la valeur d’un homme se mesurant à sa capacité de production, la violence s’exprime dans toute sa puissance, en écho aux éléments déchaînés.
La logique qui prévaut à cette pratique de l’Ancien Régime n’est rien de moins que celle d’un capitalisme sauvage, brutal et sans limite, dans lequel l’humanisme n’a que peu de place. Les oripeaux d’empathie dont le maître s’habille en conformité aux "usages" de temps, apparaissent comme une faiblesse qui lui sera d’ailleurs fatale.
Une perle dans l’abondante production de l’année. Cet album a été sélectionné parmi les nominés pour Angoulême 2012.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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