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Atsushi Ohkubo ("Fire Force") : "Un bon shonen est un manga que les enfants veulent lire spontanément"

Par Aurélien Pigeat le 8 juillet 2018                      Lien  
Invité par Kana à l'occasion de Japan Expo 2018, Atsushi Ohkubo, auteur de "Fire Force", revient avec nous sur certains éléments de son nouveau shonen à succès.

Cette nterview a été menée conjointement avec des confrères du Journal du Japon et de Mangacast, à Japan Expo, le 7 juillet 2018.

Atsushi Ohkubo ("Fire Force") : "Un bon shonen est un manga que les enfants veulent lire spontanément"

ActuaBD : Pourquoi avoir choisi le pouvoir du feu ? Et l’avoir ainsi décliné sous toutes les formes possibles ?

Atsushi Ohkubo : Le feu c’est de la chaleur, et la chaleur c’est quelque chose qui est généré par beaucoup d’actions et de phénomènes. Même le fait de taper sur quelque chose génère de la chaleur. Et donc le feu constitue un élément qui permet le plus de déclinaisons et le plus de possibilités. C’est pour cette raison que je l’ai choisi.

Atsushi Ohkubo
Photographie © Aurélien Pigeat

Comment l’élément du feu et les brigades se sont-ils imposés à vous et comment avez-vous créé l’univers à partir de cela ?

Atsushi Ohkubo : Il n’y a pas vraiment une origine à ce concept et à l’univers. C’est plutôt plusieurs éléments qui m’intéressaient qui se sont rassemblés et qui ont formé Fire Force. Par exemple il y avait ces pompiers qui me fascinaient depuis tout petit, tant visuellement que par le fait que ce sont des héros du quotidien que pourtant personne ne met en avant dans des mangas.

Et puis il y a cet aspect du feu qui est un pouvoir qui peut prendre plusieurs formes. En me demandant comment associer les deux j’en suis venu à cette idée de combustion spontanée, phénomène finalement connu par beaucoup de monde – tout le monde en a entendu parler. Et imaginant des pompiers chargés de régler le problème de la combustion spontanée, je me suis demandé quel genre de pouvoirs ils devraient avoir. C’est ce genre d’associations d’idées qui a créé Fire Force.

Vous avez déclaré avoir été influencé par le cinéma américain. Y a-t-il un film qui vous a le plus influencé ?

Atsushi Ohkubo : Massacre à la tronçonneuse, car j’ai une préférence pour les films d’horreur. Mais je ne regarde pas que cela ! Par exemple, dans l’avion qui m’amenait en France, j’étais en train de pleurer en regardant Coco.

© Atsushi Ohkubo / Kodansha Ltd.

Qu’avez-vous voulu faire, avec Fire Force qui soit différent de Soul Eater ? Et à l’inverse, qu’avez-vous voulu conserver de Soul Eater dans Fire Force ?

Atsushi Ohkubo : Dans les concepts des deux séries, il y a beaucoup de choses qui sont à l’opposé. Un exemple très représentatif de cela c’est que dans Soul Eater, il y avait la lune qui apparaissait souvent dans le décor et qui était un élément symbolique dans l’histoire alors que dans Fire Force c’est le soleil qui est au centre de l’histoire et qui est l’élément symbolique de la série. Et il y a comme cela beaucoup d’éléments dans les deux séries qui sont opposés. De manière consciente, délibérément voulue.

Il y a d’autres liens entre les deux séries, comme par exemple Excalibur dans Soul Eater auquel le personnage d’Arthur dans Fire Force fait écho. Les personnages sont liés par leur nom mais aussi par leurs personnalités. Excalibur était un élément très embêtant : personne ne voulait utiliser cette arme ; et je me suis demandé quel type de personnage pourrait être un Arthur qui voudrait bien utiliser cette arme. J’en suis arrivé à créer ce personnage d’Arthur complètement débile qui se prend pour un chevalier. Au fond, il est tellement débile qu’il n’en a rien à faire que son arme soit désespérément pénible : il est dans son délire et cela ne lui pose pas de problème.

Il y a donc clairement des éléments en opposition et d’autres en lien si l’on observe les deux œuvres et je m’amuse à établir ces rapports, sous différents aspects, au fur et à mesure de Fire Force. Enfin, autres points communs entre les deux séries, le thème de la folie et l’aspect noir du récit, fondamentaux dans ces deux œuvres.

Atsushi Ohkubo
Photographie © Aurélien Pigeat

Au bout de six volumes, on ne sait toujours pas qui est le grand méchant de l’histoire mais on a des informations qui viennent petit à petit. Est-ce parce que vous voulez faire une série longue ou bien parce que vous affectionnez les scénarios qui montent crescendo au niveau de la tension ?

Atsushi Ohkubo : En fait, c’est essentiellement parce que dans Fire Force il y a l’aspect suspens qui est très important. C’est la recherche de la cause de la combustion spontanée qui est au cœur de l’histoire. Et de ce fait, la construction de la série est d’essayer de dénouer le mystère. Ça progresse donc petit à petit, à mesure que les personnages s’approchent de la vérité.

© Atsushi Ohkubo / Kodansha Ltd.

Quel est le personnage que vous aimez le plus dessiner et pour quelle raison ?

Atsushi Ohkubo : Pour l’aspect graphique, c’est Shinra, car le personnage permet de faire des dessins spectaculaires de par ses techniques de combat avec le pied. C’est un personnage qui utilise l’espace de manière dynamique. Mais du point de vue du comportement, de l’intrigue, ce serait Benimaru, le chef de la 7e Brigade, parce qu’il n’a pas beaucoup de restrictions dans son comportement. C’est donc amusant de le faire évoluer dans l’histoire. Comme vous avez pu le remarquer, j’aime bien quand j’ai de la liberté dans ce que je peux faire. Après, il y a aussi Arthur car je sais que quand je le fais apparaître ça va devenir absurde !

Quelles sont les qualités qui font selon vous un bon shonen ?

Atsushi Ohkubo : Un bon shonen, pour moi, ce n’est pas un titre que les adultes voudraient faire lire à des enfants, mais un titre que les enfants veulent lire spontanément.

Parmi les émotions qui apparaissent sur le visage des personnages, on voit que la folie revient souvent. Fire Force est une histoire où des personnes risquent de perdre la raison en devenant des torches humaines. Est-ce là une marque de fabrique pour vous ?

Atsushi Ohkubo : Ce n’est pas encore ma marque de fabrique, mais c’est en train de le devenir. C’est bien présent à la fois dans Soul Eater et dans Fire Force car c’est une émotion que j’aime bien dessiner, qui m’inspire. D’ailleurs, du côté éditorial, c’était à un moment donné un peu tabou de faire apparaitre le terme « folie ». Mais pour moi, mon tantô a négocié pour que cela puisse apparaître. C’est à ce titre qu’on peut se dire que ça devient un peu ma marque de fabrique.

Entre Soul Eater et Fire Force vous avez changé d’éditeur et de magazine. Vous êtes maintenant à un rythme hebdomadaire. Cela a-t-il eu un impact sur votre manière de travailler et si oui laquelle ?

Atsushi Ohkubo : Cela a rendu mon quotidien très cadré et régulier. Dans un magazine mensuel, comme il n’y a qu’une deadline par mois, c’est un peu difficile de planifier son mois de manière bien stricte. Cela m’arrivait tout le temps de devoir travailler comme un fou juste avant la deadline, tandis que le reste du temps c’était un peu approximatif. Alors que là, toutes les semaines, il y a la deadline qui arrive : il faut donc s’organiser pour parvenir à rendre mes planches à temps ! Et mon quotidien est devenu terriblement carré !

Justement, pourriez-vous nous détailler comment se structure une semaine type de production d’un chapitre ? Comment vous organisez les différentes étapes de travail et comment vous vous organisez avec vos assistants ?

Atsushi Ohkubo
Photographie © Aurélien Pigeat

Atsushi Ohkubo : Cela commence par une journée au cours de laquelle je fixe le contenu du chapitre en discutant avec mon éditeur. Je détermine d’où à où ira l’histoire durant ce chapitre-là, quelles anecdotes vont y apparaître. C’est donc le scénario que je développe pendant cette journée. Ensuite, je prends quatre jours pour réaliser mes planches. Du nemu [1] au crayonné, puis encrage et finitions avec le décor.

Mais contrairement à d’autres auteurs, je ne fais pas étape par étape. Je ne fais pas tout le nemu en une fois, puis tout le crayonné ensuite, et tout l’encrage d’une traite. Je travaille par scène finie en fait. Du coup, quand je me dis qu’il y a une partie du nemu qui ne va plus bouger et que c’est ce que je veux, je vais tout de suite passer au crayonné et à l’encrage pour terminer ces planches. Puis retour au brouillon pour réaliser les autres scènes.

Conséquence : mes assistants sont là les quatre jours avec moi ! Puisque je passe continuellement d’une étape à l’autre, j’ai besoin qu’ils m’accompagnent pendant toutes ces journées. Et au niveau horaire, je travaille de 10h du matin jusqu’à 1h du matin, soit environ 15 heures par jour durant lesquelles mes assistants sont avec moi, et ce 4 jours par semaine.

© Atsushi Ohkubo / Kodansha Ltd.

(par Aurélien Pigeat)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Atsushi Ohkubo sur ActuaBD :
- Lire la chronique des tomes 1 et 2 de Soul Eater,
- Lire la chronique du tome 25 de Soul Eater.

[1le storyboard ou brouillon, NDLR

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