Mais d’où vient l’intérêt de ces auteurs pour le strip, cette bande dessinée de deux ou trois cases ?
Bertschy explique qu’il en lisait beaucoup dans sa jeunesse : « J’ai toujours été attiré par l’école anglo-saxonne / nord-américaine ». C’est également le cas pour Daniel Shelton, qui a remarqué que peu de strips abordaient la vie et les aventures de grands-parents ou de retraités, d’où l’idée pour Ben et Olivia. Lynn Johnston, quant à elle, explique comment elle a été embauchée par son syndicate : « On m’a demandé de faire vingt strips en une semaine pour voir si je pouvais travailler sous pression. Je l’ai fait et on m’a envoyé un contrat de vingt ans. » Elle a alors décidé de centrer l’action de For Better or for Worse autour les membres de sa propre famille parce qu’elle avait l’impression que c’était la seule chose qu’elle pouvait dessiner à répétition.
Utilisent-ils une méthode de travail pour pouvoir vivre avec des échéanciers aussi serrés ?
Pour Daniel Shelton, « Le lundi est un journée d’écriture. Le mardi, je procède à la réalisation du dessin et de l’encrage pour terminer le tout vendredi ». Bertschy travaille également semaine par semaine : « Avoir des deadlines, ça me discipline. » dit-il. Pour Lynn Johnston, la création quotidienne de strips est très exigeante : « Il faut travailler partout : dans l’avion, à l’hôtel... Il faut combler l’espace dans le journal à tous les jours, sinon on n’a plus d’emploi. Ça devient un mode de vie. »
Que font-ils lorsqu’ils sont en panne d’inspiration ?
Lynn Johnston choisit de faire le vide pour un moment : « Il faut faire autre chose, comme se rattraper dans son courrier, jusqu’à ce que l’inspiration revienne. Il faut travailler très fort. »
Bertschy explique qu’il est parfois obligé d’écrire des strips de qualité moyenne lorsque l’inspiration n’y est pas : « Parfois, j’utilise deux ou trois strips de remplissage pour la prépublication ; pour le recueil, je ne les mets pas, ou je les retravaille. »
Pour les journaux quotidiens, les strips sont le plus souvent distribués par l’intermédiaire de syndicates, des agents qui représentent les auteurs et placent leurs œuvres, mais à un certain prix !
Lynn Johnston parle justement de ses relations avec son syndicate : « Au début, j’avais un contrat de 20 ans où le syndicate empochait 50% des recettes, ce qui est acceptable car il travaille très fort pour nous faire connaître. Mais après sept ou huit ans, cette situation devient difficile : on n’a pas de vacances, on n’est pas payé pour le travail supplémentaire et nos personnages, ainsi que tous les droits sur notre création, continuent d’appartenir au syndicate. J’ai fait la grève, avec Cathy Guisewite (Cathy) et Jim Davis (Garfield) et nous avons gagné contre le syndicate. »
Quelles ont été les influences ou les sources d’inspiration de ces trois auteurs ?
Pour Bertschy, ce sont Gary Larson (The Far Side) et Scott Adams (Dilbert). Pour Daniel Shelton, ses modèles francophones sont Hergé et Franquin, mais comme il provient d’un milieu bilingue, ses influences proviennent à la fois de l’univers franco-belge et de l’univers anglo-saxon : « Pour les comic strips, j’appréciais beaucoup Shoe de Jeff MacNelly. J’admirais beaucoup son dessin. J’admire Lynn Johnston pour son habileté à raconter des histoires et à faire évoluer ses personnages à long terme », dit-il.
Arrive-t-il que le public lecteur se manifeste ?
Lynn Johnston partage l’anecdote du fameux strip, réalisé en 1993, dans lequel le personnage de Lawrence, un ami d’enfance de Michael, avoue son homosexualité : « J’ai mis un personnage gai dans mon strip parce que mon beau-frère est gai et parce qu’un homosexuel avait été assassiné récemment. Je savais que ce serait controversé. Mon syndicate m’a permis de le faire. Quelques journaux (une quarantaine) ont annulé leur abonnement au strip mais j’en ai gagné 53 nouveaux, car lorsqu’un journal laisse un strip, son concurrent l’achète. J’ai reçu beaucoup de lettres d’injures et même des menaces de mort à propos de ce strip en particulier. Mais j’ai aussi reçu beaucoup de lettres de soutient. J’étais très contente d’avoir fait ce strip. Il a été mis en nomination pour un prix Pulitzer. »
Cette table ronde était organisée dans le cadre du10e Rendez-vous International de la BD de Gatineau, le dimanche 11 octobre à 10:30 h.
Le site de Bertschy
Le site de Lynn Johnston
Le site de Daniel Shelton
Logo : Le diablotin Nelson est © Christophe Bertschy, le chien Farley est © Lynn Johnston et le retraité Ben est © Daniel Shelton.
(par Le Bédénaute)
(par Marianne St-Jacques)
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Les discussions de cette table ronde s’étant déroulées en français et en anglais, certains propos ont été traduits de l’anglais par Marianne St-Jacques.
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