Jim et Emily se rencontrent par hasard à côté d’un chalet au bord de l’eau, où ils ont passé des étés adolescents. Jim vient de casser avec sa copine, il a manifestement besoin de s’aérer la tête. Emily a divorcé récemment, et s’est arrêtée sur son trajet vers la ville où elle part travailler.
L’album décrit avec finesse et retenue la nuit de ces deux jeunes trentenaires (ou vieux vingtenaires ?) passée à évoquer leur jeunesse enfuie, à comparer la personne qu’ils étaient alors avec celle qu’ils sont devenue, sans mélo ni complaisance.
Joel Orff a donc écrit une jolie histoire proche de la vie, en utilisant de façon poétique la présence de l’eau, à travers par exemple une longue balade en barque - l’eau qui coule nous semble d’ailleurs être une belle métaphore du temps qui passe.
Le dessin de Orff n’est peut-être pas de nature à faire pousser des cris d’admirations au lecteur, mais il faut dire que son côté terre-à-terre convient parfaitement aux scènes fantasmagoriques qui ponctue l’album, comme cette Venise qui apparaît dans le décor lorsque Jim et Emily partent en barque, ou quand Jim imagine un tour du monde en bateau dont il semble rêver depuis longtemps. La narration est bien dans l’esprit d’un certain courant indépendant américain qui, tout en refusant les codes des comics grand public, ne fait pas l’économie d’une réflexion plus ou moins profonde sur l’occupation de la page ou les rythmes et le découpage.
Au fil de l’eau est un album dont la fin très ouverte laissera une petite musique dans l’esprit du lecteur, celle d’un émouvant réalisme poétique.
(par François Peneaud)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.