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Aurélia Aurita : « Les récits autobiographiques sont des fictions comme les autres »

Par Nicolas Anspach le 16 mai 2006                      Lien  
{{Aurélia Aurita}} a signé {Fraise et Chocolat}, l'un des albums les plus inattendus de ce premier semestre, consacré au sujet le plus merveilleux qui soit : l'amour. Un récit autobiographique sans tabou dans lequel l'auteur expose sa relation amoureuse avec Frédéric Boilet (l'auteur de « L'Epinard de Yukiko »). Sa quête de la légèreté, de l'insolence et du bonheur est réjouissante à voir.

Comment avez-vous eu l’idée de ce réaliser ce livre ?

Depuis quelques années, je note mes pensées et mes expériences sous la forme de dessins, de textes, et de bandes dessinées dans des carnets intimes. L’idée d’une publication du contenu de ces carnets m’est venue au fil du temps.

Etait-ce un besoin ?

Pour le journal intime, on peut voir les choses sous cet angle. Un journal permet d’avoir du recul par rapport à sa propre vie. Lorsque l’on vit des faits aussi forts qu’une relation amoureuse, il est bénéfique de les retranscrire sur papier. Grâce à cela, on prend le temps de réfléchir aux sentiments que l’on ressent... Mais concernant la publication de ces carnets, le besoin se trouvait ailleurs. L’autobiographie est avant tout une forme d’art, pas un moyen d’exorciser ses démons...

Vous n’aviez pas de réticence à dévoiler ainsi toute votre vie sentimentale et sexuelle ?

Justement, Fraise et Chocolat ne révèle pas « toute » ma vie sentimentale et sexuelle. Il en est seulement inspiré. J’ai retravaillé le contenu de mes carnets pour en faire un livre, en y ajoutant ou supprimant certaines choses.
Je ne me suis pas posé cette question pendant la réalisation de ce livre. Mon expérience personnelle rejoignait mes envies d’écriture. D’une manière générale, mon travail tourne autour des relations humaines. Je désirais montrer ma vision de l’amour et du sexe. Cette démarche est née naturellement, sans peur.

Aurélia Aurita : « Les récits autobiographiques sont des fictions comme les autres »

Frédéric Boilet aime également offrir des parcelles de sa vie amoureuse au public. Qu’a-t-il ressenti en se voyant dessiné ?

Sa matière première pour ses histoires a toujours été sa propre vie. Nous en avons discuté et il trouvait qu’il était naturel que je fasse de même.

N’a-t-il pas trouvé ce livre impudique ? Il n’a aucune maîtrise sur votre œuvre, alors qu’il a la possibilité de sélectionner ce qu’il souhaite partager avec les lecteurs dans ses propres livres...

Nous avons, Frédéric et moi-même, beaucoup parlé de ce livre lors de sa réalisation. En tant que travail basé sur la vie réelle, l’autobiographie nécessite une grande vigilance et une responsabilité envers les gens dont on parle. Il faut parfois faire des aménagements pour préserver son entourage. Mais avec de la complicité et du dialogue, tout devient beaucoup plus simple.

Vous vivez à présent au Japon. Avez-vous eu l’impression de vous reconnaître dans l’Apprenti Japonais ?

Pas tellement ! Ce qui ne m’a pas empêchée de prendre du plaisir à sa lecture. Nous ne sommes pas venus au Japon pour les mêmes raisons. Lui est arrivé dans ce pays avec l’envie de découvrir une nouvelle culture, un nouveau monde. Moi, je suis venue pour lui. Fraise et Chocolat raconte un autre type d’apprentissage...

Votre trait est dépouillé, voire esquissé à certains moments. Pourquoi avoir dessiné Frédéric Boilet de manière réaliste à la page 95 ?

En lisant cette page, le lecteur peut penser qu’il s’agit d’un portrait d’après nature. En réalité, c’est un dessin réalisé d’après une photographie. Ce petit « mensonge » est encore un indice pour dire que les récits autobiographiques sont des fictions comme les autres. A travers ce dessin - le seul réaliste du livre - je voulais mettre en exergue le regard attentif de l’héroine sur le visage de son amant, ce visage qui l’« obsède »...
En fait, mes choix graphiques dépendaient des ambiances de l’histoire. J’illustrais les parties légères et enjouées avec un style plus enlevé. En lisant Joann Sfar, j’ai compris que l’on pouvait réaliser une œuvre cohérente avec des styles différents dans un même album. Cela m’a libérée de mes complexes et j’ai laissé libre court à mes envies.

Pourquoi ? Parce qu’en bande dessinée la narration prime sur le dessin...

Effectivement !

Il y a également beaucoup d’esquisses dans l’album...

Oui. Il s’agit du troisième et dernier style que j’ai utilisé pour Fraise et Chocolat. Certaines esquisses sont directement scannées des carnets personnels qui m’ont servi de « matière première » pour ce livre. J’en ai retravaillé d’autres car elles auraient été incompréhensibles pour les lecteurs. Lorsque je ne destine pas un dessin pour une publication, j’ai tendance à aller à l’essentiel. Je « code » mon dessin, et suis ainsi la seule à le comprendre. J’ai donc recommencé certaines esquisses afin qu’elles soient suffisamment claires.
J’accorde plus d’importance à l’expressivité d’un dessin qu’à son esthétique. Je souhaite avant tout que le lecteur comprenne l’histoire, plutôt qu’il ne s’attarde sur une illustration.

Avez-vous des projets d’autobiographies dessinées ?

Pas pour le moment. J’ai travaillé intensément sur Fraise et Chocolat pendant une année. Je préfère laisser reposer cette histoire. J’ai besoin de recharger mes batteries...

Frédéric Boilet & Aurélia Aurita

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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