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Aurore, une dessinatrice inspirée par l’Asie

Par Charles-Louis Detournay le 22 juillet 2014                      Lien  
Pour ses dix ans de carrière, Aurore s'offre un beau one-shot au look asiatique, "Harfangl", une transposition d'un conte de Grimm, et une nouvelle série : "Lady Liberty", une sorte de "Lady Oscar" transposée au cœur de la Guerre d'Indépendance des États-Unis.

Comme pour la tétralogie Pixie publiée chez Delcourt, nous avions salué le dessin de qualité de la dessinatrice Aurore, à l’occasion d’un one-shot pour Kookaburra Universe (chez Soleil ; elle est associée, pour ces derniers titres à Mathieu Mariolle), avant qu’elle ne mène à terme (sur un scénario d’Algésiras) la série Elinor Jones, toujours chez Soleil.

Depuis, l’auteure s’est employée à transposer en bande dessinée un conte de Grimm, Jorinde & Joringel, sous le titre d’Harfang(Delcourt). « D’abord publié en wedcomic, Harfang fut l’occasion de mener à bien un projet de cent pages dans lequel je réalisais scénario, dessin et couleurs », explique-t-elle.

Son récit débute à quelques jours du mariage de Lynette et Bran, alors qu’ils partent en forêt. Le rendez-vous amoureux tourne rapidement au cauchemar quand leur route croise celle d’une terrible sorcière : Lynette est victime d’un sortilège la transformant en oiseau. Son bel amant est bien décidé à tout faire pour la sauver. Malgré la blessure qu’il traîne, il cherchera le talon d’Achille de la sorcière, quitte à sceller une alliance contre-nature...

Aurore, une dessinatrice inspirée par l'Asie

Dans les bonus de fin d’album, Aurore prouve sa maestria aux couleurs. Elle avait d’ailleurs débuté sa carrière en colorisant un album de Giraud et Bati (Altor).

Un webcomic qui se transforme en album

Après deux années de prépublication, Delcourt vint proposer à Aurore de publier l’ensemble, comme elle le désirait : « Harfang combine plusieurs choses que je voulais faire depuis des années, détaille-t-elle. Réaliser un album du scénario à la couleur ; faire une histoire dans un univers d’aspiration asiatique, ...un mélange d’influences coréenne, mongole et chinoise ; construire les planches avec une narration qui se rapproche plus du format manga ; et faire une prépublication gratuite. »

Harfang séduira certainement les jeunes lectrices. Le don de soi dans le partage du grand amour, les épreuves à affronter pour mériter celui-ci, le tout mêlé avec du fantastique féérique et une pointe d’humour, donne un ensemble relativement facile à lire et plaisant. Si le résumé du scénario ne pèse pas lourd pour les cent pages, reconnaissons qu’on se laisse prendre au jeu de ses très beaux dessins et que l’on suit avec un amusement détaché les turpitudes de ce couple d’amoureux. Petit regret pour les couleurs, pourtant un point fort de l’auteure : elle n’a sans doute pas mise la barre assez haute pour pouvoir tenir le niveau sur plus de cent pages.

Les références asiatiques sont légion.

Dans la tradition des mangas qu’elle apprécie, l’auteure a gardé une dizaine de pages de bonus. On y retrouve de courtes historiettes humoristiques, la retranscription de la légende originelle, ainsi que des études graphiques et des illustrations où Aurore peut donner toute la mesure de son talent de coloriste. N’oublions pas que pendant la réalisation de ce webcomic, Aurore dessinait le premier tome de Lady Liberty (chez Soleil, avec J-L. Sala au scénario).

Cette première tentative réussie consistant à mener seule un projet de bout en bout devrait doper la confiance de l’auteure. Il nous tarde de la retrouver aux commandes, avec on l’espère, un scénario plus étoffé.

Lady Liberty : une espionne française au cœur de la révolution américaine

« Après Elinor Jones et Kookaburra Universe, j’ai eu envie de me tourner vers d’autres genres, explique Aurore. Et c’est le récit d’aventure/action qui m’attirait le plus. Avec Jean-Luc Sala, nous nous sommes arrêtés sur cette période de la Guerre de Sept ans, et les prémices de l’indépendance américaine. À la base, la série était décrite pour mettre en scène un héros, mais une héroïne collait plus à mon dessin. Jean-Luc a alors fait quelques modifications dans l’histoire pour que cela fonctionne avec mon graphisme et mes couleurs. En retravaillant le scénario, nous nous sommes rendus compte que l’histoire fonctionnait encore mieux avec une femme ! »

Avec Lady Liberty, nous suivons donc les aventures très mouvementées de cette espionne de Louis XV, mise au chômage forcé lorsque le jeune Louis XVI décide de cesser les activités d’espionnage contre les Anglais. Accompagnée de sa tutrice, « la » Chevalier d’Eon, notre jeune héroïne va s’intéresser de plus près aux secousses révolutionnaires des Amériques…

Beaucoup plus dense que le précédent Harfang, Lady Liberty propose un récit qui se déroule dans les mêmes années que La Rose de Versailles, le manga mythique de Riyoko Ikeda, mieux connu chez nous par son adaptation animée, Lady Oscar. On retrouve dans l’album paru chez Soleil cette même atmosphère de combat, de fausse désinvolture avec une révolution en toile de fond. Mais ici, l’espionnage prend le pas sur les amours contrariées de l’héroïne.

On prend donc beaucoup de plaisir à suivre les premiers pas de cette espionne aussi douée à l’épée qu’au fusil. La galerie des personnages secondaires permet de bien ancrer le récit dans l’histoire. Le mystérieux Chevalier d’Eon (espion qui se travestissait en femme) prend une place très importante dans ce premier tome, mais n’oublions pas Beaumarchais, le révolutionnaire américain Paul Revere, et bien d’autres. Un dossier de huit pages permet d’ailleurs de replacer tous ces éléments dans leur cadre historique.

« J’ai un grand besoin de l’histoire et de l’action pour pouvoir construire mes personnages, continue la dessinatrice. Je trouve difficile de façonner un personnage sans avoir le scénario complet en main. C’est pour cela que mes personnages ne sont pas définitifs quand j’entreprends mes crayonnés. Ils sont appelés à évoluer à mesure que j’avance dans le récit. Lorsque j’ai fini, je retourne toujours aux premières planches pour faire les dernières modifications. Les personnages ont souvent gagné en caractère entre le début et la fin. J’ai besoin de les faire vivre durant la phase de dessin, pour arriver à un design définitif. »

Dans un cadre historique bien balisé, l’apparente désinvolture des personnages, de même que la beauté du graphisme et des couleurs d’Aurore apportent au récit une fantaisie et une grâce bienvenues. Nous sommes loin de l’authentique, mais après tout, qu’importe ! En suivant les actions de Lady Liberty, on cherche surtout à vivre des aventures et de l’action, et cela fonctionne admirablement bien. Petit bémol sur certaines mimiques typiquement manga, heureusement peu nombreuses, qui tranchent avec le ton historique de l’ensemble. Là où le ton d’Harfang les rendait naturelles, elles détonnent dans Lady Liberty.

Avec ces deux albums en quelques semaines, Aurore prouve qu’elle a accompli un beau chemin en un peu plus de dix ans, passant d’un projet à l’autre avec autant de caractère que d’aisance. Une auteure à suivre…

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire nos chroniques du Kookaburra Universe d’Aurore et d’Elinor Jones.

 
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