Avec son air jovial et sa barbe fleurie, Dave Cooper a tout du paisible bûcheron canadien solide et rassurant, jusqu’à la chemise à carreaux. Pourtant, une fois entré dans la pénombre de son expo, on découvre des créatures aux grands yeux gentils et aux grandes dents inquiétantes. Une sorte de fusion entre le Petit Chaperon rouge, la Grand-Mère et le Grand Méchant Loup dans une forêt habitée d’être rebondis et gluants. Quelques pas plus loin, on voit naître dans les croquis et les story-boards, une faune grouillante et hilare qui, soudain, se projette en teintes bigarrées sur un format grand comme La Mort de Sardanapale d’Eugène Delacroix de ou sur un triptyque vénéneux comme Le Jardin des Délices de Jérôme Bosch.
Ce natif de Shelburne au Canada (1967), qui vit aujourd’hui à Ottawa, est un peintre autodidacte qui participe à ses débuts à la scène indépendante des comics canadiens. Son travail s’inscrit dans la lignée de l’Undergound où Crumb et Moscoso revisitent les codes des univers de Segar et de Disney. Mais nous ne sommes pas dans l’univers rigolard (mais torturé) de Crumb ou dans les volutes psychédéliques de Moscoso : ici la cruauté, la laideur ont leur place et, toutes formes dehors, dégagent une sensualité trouble, une forme d’attraction-répulsion dans laquelle le visiteur aime se perdre. Il en résulte ce que l’on attend de l’art aujourd’hui : une expérience.
Le magazine Hey ! de nos amis Anne et Julien (Ankama) ne s’y était pas trompé, qui publiait ses travaux dès 2010 : « En trois traits, Dave Cooper enterre l’esthétique établie et prône un nouveau panthéon, où les aspérités de la vie sont bénies par ses soins. Hey ! y a aussi son prie-dieu » écrivent-ils. De fait, Cooper est un abonnés de leurs expositions parisiennes à la Halle Saint-Pierre ou actuellement à la Galerie Arts Factory (27, rue de Charonne - 11ème). Il fallait que les têtes chercheuses graphiques d’Aix en fassent une rétrospective.
M.S. Bastian et Isabelle L. foutent le boxon chez Vasarely
Victor Vasarely est une des figures de l’Op Art des années 1960. Né dans la vieille Autriche-Hongrie, compagnon du Bauhaus, il avait créé dans l’après-Guerre un univers coloré, rationnel, tellement décoratif qu’il illustra les panneaux Decaux et les salons bourgeois du pompidolisme satisfait et replet. JC Menu, présent à l’inauguration hier à Aix nous rappelait à quel point cet artiste était honni par la jeune génération en arts graphiques dont il est issu : « C’était l’ennemi absolu ! » dit-il en ricanant.
En contre-emploi donc, le directeur artistique des Rencontres du 9e art d’Aix, Serge Darpeix, a accroché aux cimaises de la fondation du peintre aux lunettes d’écaille de grandes machines, reproductions à l’identique sur 52 mètres de long, des 32 panneaux qui composent le leporello Bastokalypse des Suisses M.S. Bastian et Isabelle L. Là encore, nous sommes dans la profusion dionysiaque où nous reconnaissons çà et là ici les échos du Cri de Munch version Scream, là le Nosferatu de Murnau, là encore les crânes de Posada ou le mouvement de la Grande Vague de Kanagawa de Hokusaï dans un flux de traits frénétiques en noir et blanc. Une pure énergie jouissive et désordonnée qui tranche avec les autres salles où trônent les œuvres du maître des lieux, césarien en diable, cérébral et apollinien. Ceux qui aspirent à l’équilibre du Yin et du Yang y trouvent leur compte.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En ce moment à la Cité du Livre et à la Fondation Vasarely aux Rencontres du 9e Art d’Aix-en-Provence. Entrée gratuite.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)