BD d’Asie

Avec "Reine d’Égypte", Ki-oon inaugure de façon prometteuse sa collection "Kizuna"

Par Aurélien Pigeat le 5 avril 2017                      Lien  
Biographie de la première grande souveraine de l'humanité, "Reine d’Égypte" narre la vie d'Hatchepsout, qui régna sur l'Égypte antique voilà 3500 ans. Une figure étonnante que la mangaka Chie Inudoh fait vivre de manière resplendissante. Et qui lance une nouvelle collection, "Kizuna", destinée à un public large, transgénérationnel.

Considérée comme la première grande personnalité politique féminine de l’Histoire, Hatchepsout dût s’affirmer dans un contexte hostile aux femmes, les ordres monarchique et religieux de l’époque n’accordant à celles-ci qu’un rôle secondaire, symbolique, pour ne pas dire ornemental, dans les instances de pouvoir.

Et c’est ce combat, au fond toujours terriblement actuel, dont s’empare Chie Inudoh, présente au récent Salon Livre Paris, avec Hatchepsout : la reconnaissance des femmes comme égales des hommes, et l’acceptation par la société, et par la caste dirigeante qui l’incarne, d’une femme qui fait montre de ses ambitions et de ses compétences. Un propos, on le comprend, résolument moderne et féministe.

Le récit s’amorce rapidement avec le mariage d’Hatchepsout avec son demi-frère Séthi. Héritière par sa mère de la lignée royale, elle fait de ce dernier le nouveau pharaon, Thoutmôsis II, successeur de son père Thoutmôsis. Mais le mariage n’a rien d’idyllique. Depuis l’enfance le prince et la princesse cultivent davantage la rivalité que la complicité.

Avec "Reine d'Égypte", Ki-oon inaugure de façon prometteuse sa collection "Kizuna"
Une adolescente éprise de liberté
© 2015 Chie Inudoh / KADOKAWA CORPORATION

C’est qu’Hatchepsout excelle et surpasse son frère dans tous les domaines virils associés à la puissance (combat, adresse, stratégie), mais se voit refuser, à l’adolescence, du fait de son sexe, le monde où s’exerce réellement le pouvoir : celui des hommes. Cette injustice se heurte à son tempérament volontaire et forge sa résolution à s’imposer en tant que femme.

Le travail d’adaptation de l’Histoire réalisé par Chie Inudoh s’avère pleinement convaincant. Abordant le personnage sous l’angle romanesque, la mangaka livre un récit entraînant et vivant où le souci du détail historique apparaît toutefois manifeste. Personnages, événements et éléments de cadre servent à ancrer le récit dans une réalité historique avérée et à donner chair à l’héroïne. On s’attache immédiatement au personnage d’Hatchepsout épousant sa cause dès les premières pages.

Il faut dire que le portrait qui est fait de Séthi, plus opposant que mari, facilite les choses. Méchant, grossier et maladroit, il est dépeint ici comme ne méritant pas les honneurs qui lui échoient. On pourra d’ailleurs sans doute émettre quelques réserves au sujet de ce grossissement des traits chez les personnages présentés, assez caricaturaux.

Arrivée d’Hatchepsout, resplendissante reine
© 2015 Chie Inudoh / KADOKAWA CORPORATION

Mais c’est que l’on s’inscrit ici dans une tradition des fresques historiques destinées au grand public et dont la narration se trouve fondée sur l’exaltation des passions. Il faut du drame, des péripéties, des doutes et des obstacles et à ce niveau, Reine d’Égypte remplit parfaitement son office. Chie Inudoh, en véritable auteure et non en historienne, remplit les blancs de l’Histoire pour façonner son héroïne et donner sens à son parcours. On pourra ainsi s’étonner de certains revirements et atermoiements, notamment dans sa manière d’appréhender sa relation à son frère ou dans son rapport à la féminité, mais cela maintient une dynamique de récit efficace qui tient en haleine le lecteur au fil des chapitres.

Présente à Livre Paris, Chie Inudoh, ici derrière son dessin, a refusé de se faire photographier, comme c’est souvent le cas pour les auteurs japonais.
Photo L’Agence BD

Avec Reine d’Égypte Ki-oon inaugure donc de belle manière sa nouvelle collection "Kizuna" dont les titres s’adressent aux divers membres de la famille, à différentes générations de lecteurs. Dans la lignée d’un Bride Stories de Kaoru Mori, cette série historique et universelle à la fois possède en effet tout pour plaire au plus grand nombre, les plus jeunes pouvant cependant passer leur chemin du fait d’une sexualité présentée et traitée sans fard, de manière frontale, comme partie prenante de l’exercice du pouvoir durant l’Égypte antique.

La piété d’un vrai monarque
© 2015 Chie Inudoh / KADOKAWA CORPORATION

(par Aurélien Pigeat)

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Code EAN : 9791032700679

Reine d’Égypte T1. Par Chie Inudoh. Traduction Fedoua Lamodiere. Ki-oon, collection "Kizuna". Sortie le 9 mars 2017. 190 pages. 7,90 euros.

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