Avec Nomade, Dufaux & Xavier continuent leur Croisade

Nous vous avions présenté en détail le premier cycle de Croisade : après avoir vu un de ses albums, Jean Dufaux avait demandé à travailler avec Philippe Xavier. L’œil expérimenté du scénariste avait une fois de plus fait mouche, car le travail rapide et soigné du dessinateur convenait remarquablement bien aux ambiances de Dufaux.

Les quatre albums de Croisade sont sortis en près de deux ans, alliant tourments de l’Histoire à ceux de l’âme humaine. Le public ne pouvait demeurer insensible à ce récit, et ne s’y est d’ailleurs pas trompé en leur réservant un accueil digne de ce nom. Ce premier long récit étant achevé, dessinateur, scénariste (ainsi que les lecteurs) désiraient que la magie se prolonge...

Nomade, seconde époque de Croisade

Après les quatre tomes de Croisade, Philippe Xavier nous avait donc longuement expliqué son envie de se lancer dans des intrigues moins denses. Jean Dufaux y répond donc en partie : « Le public est effectivement plus impatient qu’auparavant. Nous avons donc la possibilité de présenter des intrigues un peu plus courtes. Cela s’y prêtait avec le socle construit sur Croisade. »

Après la fin de Croisade, Gauthier de Flandres prenait la route, accompagné d’Osarias, empruntant un chemin d’aventures pour échapper aux souvenirs de ce qu’ils avaient traversé précédemment. Ce premier tome de Nomade se déroule en grande partie dans un caravansérail : la tristement célèbre Secte des Assassins engagée reçoit la mission de dérober un précieux bien à un certain Renaud de Châtillon. Mais c’est sans compter la présence de Gauthier de Flandres, ce chevalier sans noble origine, sans patrie et sans peur d’une mort dont il n’a que trop croisé le chemin, qui désire défendre ce couple d’occidentaux, sans imaginer l’horreur de ce qu’ils peuvent transporter...

« Je ne change pas d’univers », explique Philippe Xavier, « Nous nous sommes juste déplacés un peu sur la carte : tandis que le premier cycle se déroulait sur un vaste territoire avec des va-et-vient, nous avons décidé de se lancer dans un huit-clos, au sein d’un endroit magique où les voyageurs de tous horizons se croisent après de longues traversés du désert, afin de se rafraichir et de se reposer avant de reprendre leur route. Comme à mon habitude, je me documente, j’essaye de comprendre et de ressentir les ambiances ainsi que les atmosphères qui pouvaient bercer ces voyageurs au long cours. Après, je donne libre cours à mon imagination en créant mon propre caravansérail. Sans cela, la magie n’opérerait pas. »

Un récit plus linéaire, mais doté de nouveaux personnages marquants

Justement, si la magie orientale et les combats de cimeterres contre épées sont toujours la base de la série, le fait d’être passé dans une trame plus linéaire avec moins de personnages la modifie en profondeur sans en altérer la qualité. Le personnage de Renaud de Châtillon semble d’ailleurs être un hommage à Hermann, un auteur que Philippe Xavier considère comme un maître. Ce récit moins dense permettra aux lecteurs désireux de se détendre d’entrer directement dans le récit, même si bien des éléments devraient trouver des résolutions plus complexes dans les prochains tomes, ainsi que Jean Dufaux en a l’habitude.

« Ce nouveau récit n’est pas qu’un pur one-shot », nous confirme Philippe Xavier, « Mais cette aventure est exactement ce que j attendais à savoir une narration plus linéaire, se concentrant sur un personnage, un lieu et une intrigue bouclée. D’autres pistes s s’ouvriront pour les épisodes suivants et ainsi que pour de nouveaux personnages qui ne survivront pas tous au souffle du Simoun Dja... Mais une certaine Lhianes continuera la route en compagnie de Gauthier et d’Osarias. Avec ce récit, Jean m’a de nouveau surpris et chaque scène que je dois dessiner est un vrai challenge ! »

Cette ‘Lhianes’ dont le dessinateur nous parle, est sans doute le personnage qui ressort le plus de ce nouvel album : belle amazone rompue au maniement des armes, elle se situe aux antipodes de la blonde Syria que Gauthier a du mal à effacer de sa mémoire. Pourtant, lorsque Jean Dufaux a posé ses yeux sur le personnage sorti du crayon de Xavier, il a décidé d’accorder à cette combattante plus d’importance qu’il ne l’avait tout d’abord imaginé : « J’avais effectivement d’abord pensé qu’elle interviendrait moins dans le récit », explique le scénariste. « Puis, en voyant le personnage, nous avons décidé qu’elle resterait secondaire, mais trouverait bien sa place dans la continuité. J’aime que les dessins qu’on me montre puissent influencer le récit, mais sans trop le bousculer non plus, bien entendu. »

Une présentation parfois confuse de la série

Petit bémol dans la présentation de ce premier tome, on comprend mal pourquoi le titre de la série a changé. On aurait pu décliner le premier cycle sous le nom de Jérusalem, sans modifier le nom de Croisade. De plus, on perçoit mal pourquoi ce récit avec Gauthier de Flandres présenté comme un diptyque, est annoncé en quatre tomes à l’arrière de l’album. Mais, après tout, qu’importe l’emballage, si la magie est présente !

« Les quatre tomes de Croisade sont les fondations d’un univers riche en personnages captivants », explique Philippe Xavier, « un univers que nous allons maintenant développer sous forme de one-shots ou de diptyques. J’aimerais par la suite me pencher sur les origines du ‘Maitre des machines’, ainsi que par exemple sur les amours de Syria avec le sultan. Tant de choses à faire, tant de paysages à découvrir, tant d’aventures à vivre... »

Le lecteur qui aura vibré avec Croisade retrouvera donc ces sensations dans Nomade, que cela soit avec les personnages récurrents ou dans l’ambiance si particulière de l’amalgame entre Dufaux et Xavier. Le récit se complète d’une introduction, ainsi que d’un petit carnet qui reprend la transformation d’une page de scénario vers la planche de bande dessinée. De plus, les très belles couleurs de Jean-Jacques Chagnaud parachèvent la magie qui opère lorsqu’on ouvre le récit.

Jean-Jacques Chagnaud & Philippe Xavier réunissent leurs talents pour faire revivre l’Orient et sa magie.

©Nicolas Anspach