Shelter est une de ces dystopies de la trempe de 1984 de George Orwell, de Soylent Green (Soleil Vert) de Richard Fleischer (dont l’action se passe en 2022…) ou encore de Brazil de Terry Gilliam, une œuvre oraculaire qui annonçait Tchernobyl et Fukushima, rien que ça !
Son autrice (il paraît que c’est cela le bon vocable), Chantal Montellier, a toujours été révoltée, survoltée, indignée, dérangeant les bonnes consciences. En 1976, elle fondait avec ses copines le mensuel de BD féministe Ah Nana !, neuf numéros devenus cultes, reçus à l’époque par beaucoup d’un haussement d’épaules mais suffisamment dérangeants pour être frappés par la censure de l’époque par une « interdiction de vente aux mineurs », en clair une disparition des étalages. C’était le point de départ d’un engagement féministe qui ne s’est pas éteint puisque quelques années plus tard, Chantal lancera avec quelques autres l’association Artémisia pour la création féminine. Depuis, « la Montellier » ne décolère plus et Shelter était l’un de ses premiers plus tonitruants coups de gueule.
Un huis clos terrifiant
Imaginez-vous faire vos courses dans une grande surface. Soudain, les portes blindées se referment, on vous annonce que deux centrales nucléaires ont explosé à la suite d’un acte terroriste mais que, pas de panique, les clients présents peuvent être heureux d’avoir réchappé à la catastrophe : ils se trouvent à l’abri avec assez de nourriture pour voir venir…
Cette mini-société n’a évidemment rien de démocratique, les vigiles installent un système de terreur permanent et chaque centimètre du bâtiment est surveillé par des caméras contrôlées par les propriétaires du lieu. Un huis-clos terrifiant qui va très vite montrer sa brutalité et ses mœurs dictatoriales : la librairie de la galerie marchande est vite débarrassée des films, des disques et des livres jugés « toxiques » ou « démoralisants ». « Un autodafé sans feu » constate la libraire. Et tout ceci se passe sans même que l’on puisse vérifier la réalité de la menace qui guette à l’extérieur.
Cette métaphore implacable d’une société de consommation contrôlée par les industriels sans que les consommateurs aient leur mot à dire, Montellier a voulu le reprendre, « lui donner une seconde chance », « parce qu’elle est plus actuelle que jamais ». Elle lui ajoute trente pages de plus, de la couleur, un nouveau lettrage, des dessins améliorés. « Plus qu’une nouvelle édition, une re-création » dit-elle.
C’est en tout cas son chef d’œuvre à travers lequel vous découvrirez, si vous ne la connaissez pas encore, l’une des autrices les plus importantes de son temps.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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