Partant du constat que les prix BD étaient plutôt mal aimés en Belgique, trois acteurs majeurs du paysage belge ont décidé de s’allier pour pallier ce manque. Il s’agit du quotidien de référence Le Soir, du Prix Diagonale (décerné depuis cinq ans par la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve) et de la Fondation Raymond Leblanc (à l’initiative d’un concours annuel de jeunes talents).
Réunies sous la bannière du Prix Diagonale Le Soir, les trois institutions entendent créer une académie de référence pour récompenser la bande dessinée populaire.
Afin de mener cette politique d’envergure, les trois intervenants ont réuni leur force et leur savoir-faire pour proposer ce qui constituera la distinction la mieux dotée d’Europe : 20.000 € en « prize money » et 100.000 € en investissement médiatique.
Quatre trophées seront décernés annuellement : un Grand Prix récompensant l’ensemble d’un œuvre ; le Meilleur Album ; la Meilleure Série et le Prix Raymond Leblanc de la jeune création décerné, comme son nom l’indique, à un jeune talent.
le Grand Prix, décerné à un auteur pour l’ensemble de son œuvre, s’accompagne d’un chèque de 2.000 euros et du droit de siéger au jury l’année suivante.
le Prix du meilleur album s’accompagne d’un chèque de 2.000 euros et une campagne de promotion d’une valeur de 25.000 euros
le Prix de la meilleure série s’accompagne d’un chèque de 2.000 euros et une campagne de promotion d’une valeur de 25.000 euros
le Prix Raymond Leblanc de la jeune création est matérialisé par une bourse à la création de 10.000 euros, un contrat d’édition aux Éditions du Lombard assorti de 10.000 euros d’avance sur droits, une prépublication de l’album dans « Le Soir » et une campagne de promotion d’une valeur de 25.000 euros
Thierry Tinlot, ex-rédacteur en chef de Spirou et de Fluide Glacial, est en charge des « opérations spéciales » du grand quotidien bruxellois. Il nous parle de ce projet : « Avec mon collègue Daniel Couvreur (l’un des principaux journalistes BD en Belgique), nous nous sommes rendus compte que la Belgique n’offrait quasi rien en terme de prix BD. Rien d’aussi percutant que les prix d’Angoulême, France Info, RTL et consorts. Le Soir a donc décidé d’occuper le terrain de manière spectaculaire, en rassemblant autour de la table deux opérateurs qui sont connus chez nous : le Prix Diagonale, mis sur pied par Jean Dufaux il y a cinq ans avec le concours de la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, composé d’un jury prestigieux (Van Hamme, Dany, Hermann, Cauvin, Servais, Maryse et Jean-François Charles…). Et par ailleurs la Fondation Raymond Leblanc, le créateur des Éditions du Lombard. On leur a proposé de développer ces activités respectives, en rajoutant de la visibilité. Nous avons créé ensemble le Prix Diagonale Le Soir ».
Pour le quotidien, c’est une manière d’exprimer à nouveau son attachement à la bande dessinée qui occupe une place de choix dans le rédactionnel des pages culture. En outre, la BD fait régulièrement l’objet de tirage spéciaux proposés aux lecteurs (récemment Blueberry ou des versions commentées d’albums de Tintin). Par ailleurs, Le Soir possède une expérience importante dans les prix littéraires puisqu’il octroie depuis 1938 le Prix Victor Rossel, récompensant un auteur belge de romans ou de nouvelles. En s’investissant dans le Prix Diagonale Le Soir, le journal compte renforcer son rôle de prescripteur généraliste.
Pour le scénariste Jean Dufaux, instigateur du Prix Diagonale, c’est un accomplissement : « C’est une vieille ambition que de mettre sur pied un moment de reconnaissance avec un certain retentissement. Cela avait été d’abord possible grâce au collège des Bourgmestre et Échevins d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. Ces gens, dont le métier n’était pas la bande dessinée, ont bien compris son importance culturelle et patrimoniale. Notre ligne est claire depuis le départ : nous avons souhaité mettre sur pied un jury de premier plan, avec un fort ancrage belge, et remettre peu de prix, afin de rester très lisible. »
Le scénariste se félicite de l’implication du journal Le Soir qui va permettre de redimensionner les récompenses : « Nous prenons une nouvelle dimension. Avec quatre prix très précis, nous nous donnons la possibilité de faire un tour très complet du paysage actuel de la bande dessinée belge. C’est une association heureuse et qui arrive au bon moment. À la fin de l’année 2012, le magazine Lire a consacré un dossier à 50 auteurs de BD essentiels. Parmi eux, il n’y avait qu’un seul belge encore en vie : François Schuiten. Avec les Prix Diagonales Le Soir, nous voulons faire mentir l’idée sous-jacente qu’un bon auteur belge est un auteur mort ! Sans, pour autant, nous interdire de récompenser un Suisse ou un Français... »
Pour Paulette Smets, fondatrice, avec Natacha Leblanc, de la Fondation Raymond Leblanc, ces prix redimensionnés vont permettre d’encourager l’émergence de jeunes talents : « Depuis que la Fondation existe, nous nous efforçons de perpétuer l’esprit de découverte qui a guidé Raymond Leblanc. Quand il a fondé le Journal Tintin, il a permis à des dizaines d’auteurs de créer des bandes dessinées mémorables. Les temps sont durs pour tout le monde, et particulièrement pour les jeunes auteurs. Jusqu’ici, notre prix récompensait des histoires courtes. Notre association au Prix Diagonale Le Soir va permettre de passer au long format. C’est important dans le contexte actuel et cela entre dans la vocation de notre Fondation : promouvoir les nouveaux talents. »
Les premiers Prix Diagonale Le Soir seront décernés en mai 2013 lors d’une cérémonie joyeuse à Louvain-la-Neuve. Ces distinctions seront accompagnées par une campagne de promotion en librairie (mise en exergue, rencontres avec les lauréats,...) . Une initiative à réelle ambition populaire qui risque de remuer le Landerneau de la bande dessinée franco-belge à grands coups de projecteurs médiatiques.
(par Morgan Di Salvia)
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Les sites des trois opérateurs des Prix Diagonale Le Soir
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