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Avec le nouvel Alex Alice en étendard, Rue de Sèvres réussit sa fin d’année.

Par Patrice Gentilhomme le 23 octobre 2014                      Lien  
Dans le contexte de surproduction qui caractérise l'édition, marquer sa différence reste une des préoccupations de la plupart des éditeurs.

Ainsi Rue de Sèvres continue de « faire bouger les lignes » en privilégiant éclectisme et diversité.
Petit aperçu à travers quatre nouveautés récentes.

Le Château des étoiles, un voyage subtil en uchronie !

Vers la fin du XIXe siècle, un jeune garçon doué et ingénieux nommé Séraphin rêve d’expéditions dans les airs. Le gamin a des raisons très personnelles : sa mère a mystérieusement disparu lors d’une expédition en ballon à la « recherche de l’éther », au-delà de 13 000 mètres, nouvelle frontière à conquérir en ce siècle finissant. Peu après, Archibald, son père, ingénieur des Mines est invité par Louis II de Bavière à travailler à la construction d’un engin capable de se déplacer dans les airs...

Un mystérieux correspondant l’ayant averti qu’on avait retrouvé le carnet emporté par son épouse lors de son dernier vol, il n’en faut pas plus pour décider Archibald et son fils à rejoindre la Bavière et se mettre au service de Ludwig. Le trajet de Courières au Nord de la France, jusqu’au château du roi n’est pas de tout repos ! Le jeune garçon et son père échappent de justesse à des attentats et des sabotages fomentés par d’étranges agents prussiens. Le contexte de cette histoire est plutôt tendu car il s’inscrit sur fond de rivalité féroce entre prussiens et français (nous sommes en 1868 !). Les travaux du père de Séraphin suscitent beaucoup d’envie et sont au cœur de terribles enjeux scientifiques et stratégiques. Cette conquête du ciel, nourrie d’utopie et d’idées généreuses ne se fera donc pas sans violence, ni coups bas.

Avec le nouvel Alex Alice en étendard, Rue de Sèvres réussit sa fin d'année.
"Le Château des étoiles" d’Alex Alice
(c) Rue de Sèvres

À travers ce luxueux diptyque, Alex Alice (Le Troisième Testament, Sigfried...) nous offre un récit riche et foisonnant qui n’est pas sans rappeler les grandes épopées à la Jules Verne. Culte des sciences et des grandes expéditions sur fond de conflit européen, romantisme un peu désuet et humour de bon ton replongent le lecteur dans l’atmosphère de ces romans très populaires au XIXe.

Associant habilement les atouts d’une uchronie imprégnée de nostalgie et maîtrisée avec un récit riche en rebondissements, Le Château des étoiles nous décrit une conquête de l’espace trépidante, tout en respectant les règles d’une iconographie en accord avec le style narratif de l’époque.

"Le Château des étoiles" d’Alex Alice
(c) Ed. Rue de Sèvres

Si le soin très particulier apporté à la couverture fait irrésistiblement penser à celles éditées par Hetzel, la mise en images réalisée à l’aquarelle renvoie implicitement aux meilleurs dessins animés du japonais Miyazaki (notamment Le Château ambulant ou Le Vent se lève) tant par l’inspiration graphique que par la maîtrise de la technique de la couleur directe. Certains éléments figuratifs comme les machines volantes ou les expressions de personnages s’inspirent du graphisme manga. Mise en page inventive et souvent époustouflante, texte soigné et parfois assez abondant (comme dans les récits de cette période) l’auteur et l’éditeur ne se sont pas épargnés pour nous offrir un « bel objet ». Fidèle à la tradition du feuilleton, cette histoire est d’ailleurs publiée sous forme de journal grand format accompagné de compléments inédits.

Destiné à un large public, le nouveau projet du dessinateur Troisième Testament confirme le talent d’un auteur qui n’hésite pas à rompre avec ses précédentes productions pour nous surprendre.

À coup sûr une des révélations de cette rentrée !

Arsène Lupin : les origines du gentleman cambrioleur !

"Arsène Lupin - Les Origines" par Benoit Abtey, Pierre Deschodt & Christophe Gaultier
Ed. Rue de Sèvres

Tout le monde connaît Arsène Lupin. Le héros imaginé par Maurice Leblanc a inspiré de nombreux scénaristes au cinéma comme à la télévision. Dans le droit fil d’autres projets similaires (voir par exemple, la reprise de Bob et Bobette chez Paquet), trois jeunes auteurs, Benoit Abtey, Pierre Deschodt & Christophe Gaultier, ont choisi de relever le défi : inventer une jeunesse au célèbre gentleman-cambrioleur et nous proposer dans une série prévue en trois tomes les aventures du jeune Arsène intitulée Les Origines.

Fin du XIXe, on fait la connaissance d’un jeune garçon, enfant des rues incarcéré dans une sinistre maison de redressement située sur Belle Ile-en mer. Témoin du meurtre d’un certain Lupin (tiens ?), le jeune Arsène connait la misère et la violence de ce bagne d’enfants jusqu’au jour où le riche comte de la Marche décide de l’adopter.

Afin de lui assurer une éducation digne de son nouveau statut social, le comte l’oriente vers un établissement de renom, quelque part dans l’arrière-pays genevois. Au-delà d’en faire un gentleman, le comte poursuit un autre objectif : permettre à son jeune protégé de s’introduire au sein d’une étrange congrégation dont le but ne serait rien moins que de conquérir le monde !

Notre héros se voit ainsi confier la mission de poursuivre le combat personnel de son tuteur : lutter contre la mystérieuse Confrérie des Lombards.
Si le dessin de Christophe Gaultier (soutenu par les couleurs de Marie Galopin) est dans le tempo croquis propre à l’air du temps, ce récit se parcourt avec plaisir malgré un ton essentiellement glauque et souvent austère.

Après avoir travaillé dans l’animation, notamment sur le long-métrage Les triplettes de Belleville, ce dessinateur mène en parallèle une carrière dans la bande dessinée avec une biographie de Gauguin, parue il y a peu au... Lombard, justement.

Dialoguiste et scénariste, Pierre Deschodt restitue avec force aussi bien l’atmosphère des romans populaires que le contexte de cette fin de siècle. Il recycle avec habileté les thèmes traditionnels du genre : un jeune héros victime d’injustice et de violence, l’intervention charitable d’un inconnu, un brin de romantisme sur fond de complot occulte etc… Le résultat donne un récit qui, bien que traditionnel et fidèle aux lois du genre, parvient à tenir le lecteur en haleine. On attend la suite des mésaventures du jeune Arsène avec une certaine impatience !

"Arsène Lupin - Les Origines" par Benoit Abtey, Pierre Deschodt & Christophe Gaultier
(c) Rue de Sèvres

Journal (en bande dessinée) d’un chat assassin.

"Journal d’un Chat assassin" par Anne Fine & Véronique Deiss
Ed. Rue de Sèvres

Tuffy est un chat bien ordinaire : quoi de plus banal qu’il chasse et rapporte oiseaux, souris entre ses dents ? Rien de très étonnant à première vue, sauf que les choses prennent une autre tournure quand on le soupçonne de s’être attaqué à Thumper, le lapin des voisins...

Avec le journal d’un chat assassin, Rue de Sèvres retourne à ses fondamentaux, avec l’adaptation de l’un des grands succès de sa maison-mère L’École des Loisirs. Il est vrai que le fonds particulièrement important en littérature jeunesse ouvre beaucoup de possibilités.

Cette adaptation du livre d’Anne Fine peine toutefois à convaincre, sans doute en raison de la trop grande proximité du dessin avec l’œuvre originale. Véronique Deiss a déjà assuré l’illustration des romans, d’où sans doute une impression de "déjà vu " pour les connaisseurs de sa forme littéraire originelle. On retrouvera toutefois, y compris dans le graphisme, l’humour décalé et provocateur à l’origine du succès des premiers livres. L’apparence débridée de la mise en page, le lettrage et le caractère faussement brouillon restituent avec efficacité le ton particulier de cette histoire.

Fidèle au roman, cette nouvelle version se démarquera-t-elle suffisamment pour surprendre les premiers lecteurs de ce best-seller de la littérature enfantine ou en recruter d’autres ? Seul le jeune public détient sans doute une partie de la réponse !

"Journal d’un Chat assassin" par Anne Fine & Véronique Deiss
(c) Ed. Rue de Sèvres

La Bonne Journée d’Olivier Tallec

"Bonne Journée" d’Olivier Tallec
Ed. Rue de Sèvres

Changement d’ambiance avec un objet éditorial plus proche dans sa forme du recueil de dessins des grands cartoonists que d’un album de bandes dessinées. Les relations étroites entre dessin d’humour et BD, autorisent souvent certains auteurs à des va-et-vient entre les deux médiums. Rien d’étonnant donc à voir Rue de sèvres intégrer à son catalogue un auteur qui évolue depuis plusieurs années et avec un certain bonheur entre les différents domaines de la BD et de l’illustration jeunesse.

Olivier Tallec compte à son actif plusieurs livres destinés aux plus jeunes ; sa première BD, Negrinha, (Coll. Bayou, Gallimard) fut publiée en 2009. Son graphisme habité par un sens de la lumière caractéristique et très personnel nous dévoile un univers où les personnages semblent à la fois intégrés et perdus dans des décors incroyablement présents et pesants.

Jouant à la fois de l’absurde et d’une forme aboutie de dérision, son humour détaché est incroyablement percutant. La cinquantaine de dessins de ce magnifique album au format italien se parcourt avec délice, la plupart possédant une fraicheur et un ton qui n’est pas sans rappeler les grands dessinateurs de presse comme Sempé, notamment en raison du climat et les dialogues toujours sobres et parfaitement ciselés.

Quatre ouvrages, quatre talents singuliers. Un sans-faute.

"Bonne Journée" d’Olivier Tallec
(c) Rue de Sèvres

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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- Le Blog d’Alex Alice

© Illustrations Olivier Tallec – Rue de Sèvres 2014

© Illustrations Alex Alice – Rue de Sèvres 2014

 
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