Après ces semaines de grisaille, faites-vous plaisir et allez voir ce film gorgé de soleil qui sort en salles en France le 17 juillet prochain. D’abord parce qu’il est extrêmement fidèle à la bande dessinée de Marguerite Abouet et de Clément Oubrerie (6 tomes parus chez Gallimard comptabilisant 520 000 exemplaires vendus) : la faconde des personnages, la bonhommie du dessin, ce rendu si juste et si tendre de l’ambiance africaine.
Sous ses faux airs de soap, ce sont toutes les problématiques de l’Afrique qui sont évoquées : acculturation, poids des traditions, relations avec les anciennes puissances coloniales, corruption et intrigues de pouvoir... Mais surtout, et c’est le plus important, les Africains eux-mêmes : chaleureux, débordant d’amitié, volubiles, subtils dans la simplicité, animés par une incroyable énergie...
Dans cette évocation de la Côte d’ivoire des années 1970, à Yopougon, un quartier populaire d’Abidjan, Marguerite Abouet parle d’elle-même, , de choses vécues, et des siens, dans leur façon de penser et de s’exprimer. Il faut d’ailleurs s’arrêter sur cette langue imagée, inventive, qui ré-enchante un français que l’on n’écoute plus par habitude. Elle l’enlumine par des sonorités nouvelles, des ponctuations inédites. Nous avons là l’œuvre d’une grande dialoguiste.
Clément Oubrerie n’est pas à la traîne dans cette affaire -en particulier dans le film où le dessinateur, complice et associé de Joann Sfar sur la version filmée du Chat du Rabbin, rend à la perfection les lumières, les couleurs et les espaces de la bande dessinée qu’il avait publiée chez Gallimard (dont les deux premiers ont servi de base à ce premier film). Nous sommes bien ici dans un processus mis en place par Marjane Satrapi depuis Persepolis (2007) : celle d’un contrôle de bout en bout de l’œuvre adaptée, avec une incroyable maturité, aussi bien en termes de création que de production. Une particularité de la nouvelle pratique des créateurs français depuis les années 2000 et qui sera sans aucun doute un marqueur pour notre génération.
Or donc, voici que ce film sort en salles le 17 juillet prochain, après bien des péripéties en terme de programmation. Comme il est de coutume, l’éditeur accompagne cette sortie. Avec, d’abord, une réédition dans une version "collector" des deux premiers épisodes où les auteurs ont ajouté "en bonus ivoirien" un lexique, des recettes de cuisine et quelques particularités propres à la vie quotidienne du pays ; en prime, des croquis et des images qui ont servi à la réalisation du film.
Par ailleurs, notre excellent confrère de Télérama, Jean-Claude Loiseau, nous a concocté un magnifique making of du film : Aya de Yopougon - Ambiance le cinéma !, où témoignages et dessins inédits -des aquarelles magnifiques par dizaines !- décrivent la magnifique diversité des décors et des personnages. Il faut d’ailleurs souligner à quel point ceux-ci sont parfaitement typés (au passage, félicitations au responsable du casting des voix), créant une galerie de caractères à la fois convaincants et originaux, une vision de l’Afrique bien sentie mais aussi bien ressentie.
Concluons en paraphrasant une citation imbécile : grâce à Abouet et Oubrerie, l’Afrique est entrée dans l’histoire... de la bande dessinée, mais aussi du cinéma.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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