Ayrton Senna a perdu la vie la vie il y a vingt ans, sur le circuit d’Imola. Lui, le passionné, l’enfant-roi du Brésil, dieu vivant du sport automobile de Rio à Tokyo, se crashait au volant de sa Williams dans la courbe de Tamburello.
Lionel Froissart, journaliste spécialisé en sport automobile, rend hommage à cet as du volant que sa rivalité avec Alain Prost et ses talents de magicien sous la pluie ont rendu célèbre dès le milieu des années 1980. Le scénariste, qui a suivi l’ascension du jeune prodige brésilien de la Formule 3 au podium des circuits de F1, propose divers épisodes marquants qui ont façonné la légende du pilote.
Les deux dessinateurs qui l’accompagnent sont des anciens du studio Graton et ont, par le passé, dessiné les aventures de Michel Vaillant. Ils maîtrisent complètement les codes propres à la représentation académique franco-belge du sport automobile.
Le récit ne suit pas une ligne chronologique simpliste mais revient au fil de sa construction sur des événements importants qui forgent le talent et le caractère du pilote et finissent par le propulser au panthéon de son sport.
Les ruptures chronologiques sont certes bien réalisées et permettent des enchaînements dignes des plus beaux passages de chicane, en passant d’un événement à l’autre, mais elles imposent à ne pas s’appesantir sur la vie hors des circuits, ce qui est dommage car deux des traits de caractère sont à mettre en exergue : Senna est conquérant et croyant. On regrette donc de ne rester qu’à la surface de ses exploits sportifs.
L’étrange habitude qu’ont les personnages de cette bande dessinée d’entretenir de longs monologues serait-elle un symptôme de la solitude du cockpit ? Pas vraiment, il serait plutôt la conséquence d’une image aphone qui oblige à tout instant de commenter le moindre incident. Le dessin n’est que le simple accompagnement d’un texte par moment inutilement surchargé. Bien qu’appliqué, le travail graphique fige les scènes dans des attitudes inanimées, qui manquent tragiquement d’intensité.
La temporalité éclatée du récit éclaire la jeunesse et la carrière du crack des paddocks, mais si ce nom résonne encore aujourd’hui auprès des amateurs du sport automobile, c’est davantage par l’émotion suscitée par une course courue sous le déluge à Monaco en 1984, où naquit sa légende, que par ces pages au graphisme propre, mais dont le spectacle est absent.
Cet album se veut objectif, attitude étrange pour un hommage. Conjuguée à la neutralité du dessin, cette tentative de redonner vie à un champion ne pouvait aller que dans le mur.
(par Vincent GAUTHIER)
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