De l’Iran, on a l’habitude d’entendre des témoignages politiques, des histoires de vie, des chroniques sociales engagées. Pour la BD, le roman graphique Persepolis de Satrapi a marqué à jamais notre 9ème art. Quelle surprise donc, de découvrir sous l’égide de ce duo irano-italien un récit très acide sur les déchirements d’une famille de Téhéran autour de l’héritage d’une mère de famille qui avait caché ses terres fertiles, y compris à son propre mari.
Avec un trait cinglant et à l’aise dans la caricature, Valeria Guffanti, qui débute en BD, mêle inspiration du siècle dernier (on pense à Cestac, à l’école Fluide, Bercovici...) et inspirations américaines, plus modernes. S’échappant d’un style stéréotypé, elle donne du corps et une énergie farouche à toutes les scènes.
Reste l’essentiel : l’appât du gain dans une famille où les enfants, plutôt éloignés de leurs parents âgés, s’enflamment et se déchirent en apprenant qu’ils seront, à moyen terme, très riches... Un véritable jeu de massacre. Gelsomino n’épargne aucun personnage, si ce n’est le pauvre père veuf, qui n’est pas dupe de la mentalité intéressée de ses enfants. Exit le respect des anciens, l’affection filiale, l’entraide. Et entre eux, les deux frères et la sœur, et leurs vies consuméristes, semblent prêts à partir en guerre, poussés par leurs conjoint(e)s. Ce sombre tableau de mœurs n’a rien de particulièrement oriental, mais le cadre rigoriste, surtout concernant le statut des femmes en vigueur en Iran, renforce d’autant cette charge rageuse qui se parcourt aussi vite qu’une signature chez le notaire.
(par David TAUGIS)
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