Dans la préface du catalogue de l’exposition, le journaliste Michel Rime a ce mot pour désigner ce vers quoi tend l’œuvre de Cosey : « Croquer l’essentiel ». Ce sentiment persiste quand on parcourt l’exposition inaugurée hier à Lausanne. Son pinceau onctueux, sa trace, perce la page blanche avec une évidence sincère. Ce coloriste qui connaît la valeur du blanc, sait faire scintiller les autres couleurs : l’or des shortens géants, l’orange bienfaisant, l’ombre noire en contrejour, le bleu de la nuit… Les êtres de ses cases sont écrasés par une nature gigantesque et fascinante, mais comme on l’est par un élément qui vous dépasse, avec un ressenti positif, un sentiment de plénitude
Cosey est un auteur discret. Point de coup de gueule ou de formule à l’emporte-pièce. Lui qui a été longtemps un séducteur avoue son sentiment sans pudeur : l’âge le rend plus grimaçant, il en est conscient. Mais il n’en est que plus touchant. On le sent fragile, et il l’est sans doute. Mais il a pour lui une série d’albums convaincants, solides. Avec À la recherche de Peter Pan (1983), il jette les bases d’un roman graphique qui ne connaît pas son nom au cœur même de l’univers franco-belge. Il démontre que les standards imposés par les éditeurs belges n’ont plus cours, en dépit de leur assurance. Dupuis a compris le message qui lui confie cinq ans plus tard le premier volume de la collection Aire Libre, un label qui lui va comme un gant. Ce sera Voyage en Italie (1988). Plus tard, avec Zeke raconte des histoires (1999), il aborde des expérimentations qui s’inspirent des nouvelles tendances de la bande dessinée contemporaine. Mais ceci, sans affectation, sans radicalité vociférante.
L’expo de Lausanne, formidablement réalisée par Jean-Marie Derscheid et son équipe, restitue bien ce parcours sensible et contemplatif. Un déroulé intelligent qui « croque l’essentiel » de ce grand artiste.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.