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Bakuman, ou le métier de mangaka devenu phénomène éditorial

Par Baptiste Gilleron le 8 août 2010                      Lien  
Après avoir refermé leur cahier de la mort, que pouvaient bien nous conter les auteurs de Death Note ? La réponse tient en un nom: Bakuman. Un titre radicalement différent de son prédécesseur mais dans lequel papier et crayon gardent un rôle essentiel puisqu'il y est question du monde du manga. Et grâce aux talents conjugués de {{Tsugumi Ohba}} et {{Takeshi Obata}}, {Bakuman} s'est vite imposé comme l'œuvre phare du magazine {Shônen Jump}. Mais aussi comme l'une des meilleures actuellement publiées au Japon.

Durant deux ans, après la fin de leur série mondialement reconnue, on n’entendait plus parler du mystérieux (ou mystérieuse ?) scénariste Tsugumi Ohba. Pour certains, ce silence marquait la fin de la collaboration entre les co-auteurs de Death Note. Pour d’autres, il n’en était rien : Ohba œuvrait toujours avec le dessinateur Takeshi Obata sur la courte série Blue Dragon Ral Grad sous le nom de Tsuneo Takano, jusqu’alors totalement inconnu. Les dates de publication concordent, mais nous ne connaitrons probablement jamais officiellement l’identité de cet auteur qui alimente les rumeurs depuis 2003.

Bakuman, ou le métier de mangaka devenu phénomène éditorial
Quelques subtiles références se sont glissées dans Bakuman
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Quoi qu’il en soit, les deux mangakas revinrent sur le devant de la scène en 2008 avec une nouvelle série publiée dans le Shônen Jump (Dragon Ball, Slam Dunk, One Piece ou encore Naruto y sont nés). Alors qu’ils avaient fait le pari d’une œuvre à contre-courant des standards du shonen pour Death Note (univers mature, scénario complexe, très peu d’action à l’inverse des dialogues, nombreux et denses), Bakuman revient dans une catégorie plus grand public. Mais cela ne signifie pas pour autant que les qualités ont été sacrifiées sur l’autel du mainstream.

Exit donc dieux de la mort et guerres psychologiques à grand renfort de manipulations, Ohba et Obata ont choisi ici d’aborder ce qu’ils connaissent sans doute le mieux : la passion pour la création de manga, son milieu professionnel et celui de l’édition.

Mashiro : un jeune mangaka

La proposition de Takagi
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

On y fait la connaissance de Mashiro, un adolescent se posant quelques questions sur son orientation scolaire, sur ce que sera son avenir. Il ne sait pas vraiment de quoi il a envie, mais il ne souhaite pas finir en marge de la société ni dépendre de ses parents. Pourquoi pas suivre le parcours classique ? Intégrer une bonne université, devenir employé dans une bonne entreprise et mener une vie normale, c’est rassurant. Rassurant certes, mais ennuyeux à ses yeux.

L’avenir, une chose bien obscure pour Mashiro
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Pourtant, lorsqu’il était enfant Mashiro avait un but, celui de devenir mangaka. Comme son oncle qui eut un temps un certain succès. Mais le décès de celui-ci par surmenage, selon la raison officielle, lui a fait chasser cette idée de ses ambitions. C’est alors que vient vers lui Takagi, le meilleur élève de sa classe. Ayant vu plus ou moins par hasard l’un de ses dessins, Takagi lui propose ni plus ni moins que de se lancer ensemble dans le manga. Car l’élève modèle nourrit le rêve de faire carrière comme scénariste.

Après un premier refus, poussé par Takagi, Mashiro reviendra sur sa décision en lançant une promesse un peu folle à Azuki, la fille qu’il aime depuis l’école primaire et qui souhaite devenir doubleuse de dessins animés : si Mashiro crée un manga adapté en animé, Azuki sera la voix de l’héroïne. Et s’ils réalisent leur rêve avant leurs 18 ans, elle l’épousera.

BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Ayant obtenu par son grand-père les clés de l’atelier de son oncle, Mashiro et son nouveau camarade se lancent alors corps et âme dans leur art avec la ferme intention d’être édités dans le Jump et d’atteindre leur objectif au plus vite. Mais cette tâche n’est pas des plus évidentes, surtout lorsqu’on n’a que 14 ans et que l’on va tout juste entrer au lycée...

Une promesse un peu folle !
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Le métier de mangaka fut déjà abordé, de près ou de loin, par des auteurs comme Jiro Taniguchi (Un zoo en hiver) et Hideo Azuma (Journal d’une disparition, Journal d’une dépression) pour la veine autobiographique, ou encore Kazuhiko Shimamoto avec La plume de feu (dont la traduction entamée en 2003 chez Muteki fut malheureusement stoppée après seulement deux tomes), dans un esprit plus burlesque et caricatural.

Réussiront-ils à atteindre leur objectif ?
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Une fiction presque documentaire

Dans le cas de Bakuman, il s’agit d’une fiction, plus sérieuse que cette dernière, qui cache toutefois bon nombre d’éléments puisés dans l’expérience de ses deux auteurs. Le fait que les personnages principaux et leur rival débutent si jeunes dans la profession peut surprendre (ce rival, Eiji Niizuma obtient la mention honorable du prix Tezuka alors qu’il n’a que 15 ans), et pourtant c’est bien ce qui est arrivé à Takeshi Obata : sa carrière débuta en 1985 lorsqu’il n’avait que 16 ans à peine en remportant cette même mention au prix Tezuka. Certes, il fut d’abord assistant, comme la plupart des mangakas, avant de publier sa première série (Cyborg Jii-chan G, l’une des rares histoires qu’il a lui-même scénarisées) quatre ans plus tard, mais cela prouve que rien n’est impossible quand le talent est là.

L’enthousiasme est une chose nécessaire lorsqu’on se lance dans ce genre d’aventure
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Et du talent, il en faut pour arriver à passionner les lecteurs avec un sujet comme celui-ci. En effet, comment éviter l’ennui avec des personnages dont la fonction implique de rester assis à une table à dessin ? C’était sans compter sur l’imagination de Tsugumi Ohba, renforcée par la mise en scène du dessinateur, qui s’était brillamment illustrée dans Death Note, œuvre pourtant assez statique et bavarde. On retrouve d’ailleurs cette particularité du travail du scénariste dans Bakuman, lui aussi bien fourni en textes.

Cette thématique est d’ailleurs un excellent prétexte pour plonger dans l’envers du décor de cet univers qui en passionne tant de par le monde. Contrairement à Takagi, Mashiro connait déjà certains aspects du travail de mangaka pour avoir passé du temps dans l’atelier de son oncle lorsqu’il était enfant. Mais leurs premiers contacts avec la rédaction de Shônen Jump vont leur faire comprendre qu’il y avait bien d’autres choses qu’ils ne soupçonnaient même pas. Ohba et Obata nous font découvrir les méthodes employées pour réaliser scénarios, sous forme dessinée appelée « nemu », et planches, l’implication de l’éditeur, l’esprit de compétition entre les responsables éditoriaux au sein d’une même rédaction, ou encore l’importance des enquêtes auprès des lecteurs du magazine.

Les planches ne sont pas avares en dialogues
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Une inspiration autobiographique

Ce côté instructif constitue l’une des grandes forces de Bakuman, mais ce n’est pas tout. La détermination des deux jeunes apprentis mangakas, leur sentiment face à l’échec rendent le récit rythmé et lui donnent la tension nécessaire pour capter l’attention. La relation pour le moins distante entre Mashiro et Azuki ainsi que le quotidien des bientôt lycéens apportent pour leur part légèreté et humour afin de diversifier les situations. Et l’ensemble fonctionne parfaitement.

Les joies, les difficultés éprouvées par les jeunes artistes sont entrainantes et ont quelque chose de motivant. Dans ces deux premiers tomes, aucune lassitude ne se fait sentir. Takeshi Obata nous sert de bien belles planches. Personnages au design agréable et crédible, mise en images efficace, le dessinateur fait une nouvelle fois preuve de grandes capacités, s’adaptant aisément aux différentes situations.

Son oncle est-il réellement mort de surmenage ? Mashiro semble en douter.
BAKUMAN © 2008 by Tsugumi Ohba, Takeshi Obata/SHUEISHA Inc.

Consacré manga de l’année dans le classement annuel 2009 du très sérieux Kono manga ga sugoi ! (« Ce manga est formidable ! ») et meilleur espoir par nos confrères d’AnimeLand en avril 2009, Bakuman s’impose comme une excellente série à la fois belle et intéressante. Suivra-t-elle le chemin du succès dans nos contrées comme elle le fit au Japon ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite !

(par Baptiste Gilleron)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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