Depuis les origines, cinéma et bande dessinée ne cessent d’échanger leurs univers et les plus récentes adaptations cinématographiques ne font que confirmer les relations multiples existantes entre toiles et planches dessinées.
La proximité des deux médiums s’explique non seulement par les codes utilisés (plans, composition, cadre etc..) mais aussi par le recours à des procédés narratifs communs comme la prépondérance de l’action et de l’aventure ou la mise en avant des personnages…
Les passerelles sont encore plus évidentes depuis la profusion des adaptations à l’écran, mais là aussi, rien de nouveau sous le soleil puisqu’une des plus fameuses fictions cinématographiques fut tirée d’une bande dessinée. On sait aujourd’hui que le scénario de l’Arroseur arrosé tourné par les Frères Lumière en 1895, fut directement inspiré d’un gag dessiné par le caricaturiste Hermann Vogel publié en 1887.
Les dernières adaptations (plus ou moins couronnées de succès) montrent à quel point ces “va et vient“ entre toiles, étoiles et bulles sont loin d’être définitifs. Certains cinéastes comme Luc Besson ou Alain Resnais n’ont pas caché l’influence que pouvait avoir le Neuvième art sur leur travail.
À l’inverse, le passage de dessinateurs derrière la caméra tend à se développer. Certains en profitent pour revisiter leur propre univers (Bilal fut l’un des premiers), d’autres explorent d’autres domaines (on attend avec impatience le Gainsbourg de Joann Sfar pour l’année prochaine). Enfin, quelques-uns choisissent d’adapter eux-mêmes leur livre à l’écran (Riad Sattouf avec Retour au collège, par exemple.).
Conséquence de la proximité de son siège avec la ville des frères Lumière ?, Bamboo ne manque pas une occasion de montrer son intérêt pour le 7ème Art. Comme la plupart de ses concurrents, l’éditeur a recours, pour la promotion de ses albums, à des bandes annonces souvent attractives et plutôt bien faites. Dernièrement, l’éditeur vient de lancer un concours dont le thème est BD et cinéma (Si j’avais rencontré les frères Lumière….).
Associer l’univers graphique ou la thématique de certaines histoires aux couleurs du cinéma de genre reste une de ses marques de fabrique.
Ainsi, Sergent Mastock fait irrésistiblement penser au film MASH de Robert Altman, des séries comme Sam Lawry ou Oukase rappellent les grands succès d’espionnage des années 1970-80. Plus récemment, dans l’Héritage du Diable Gastine et Félix nous ont offert une version à la fois personnelle et méridionale du cultissime Indiana Jones.
La collection réaliste Grand Angle, ayant pour devise “la BD comme au cinéma“, celle -ci revendique tout particulièrement cette fusion. Le recours à un graphisme et des scénarios emprunts d’un réalisme formel, la reprise des principaux genres comme l’espionnage, l’histoire contemporaine ou le thriller ; le visuel de la collection, autant d’éléments qui contribuent de manière plus ou moins explicite à rapprocher le lecteur de l’ambiance des salles obscures !
Parmi les jeunes auteurs qui s’inscrivent pleinement dans cette démarche le cas de Jérôme Felix reste exemplaire, notamment ces jours-ci en nous proposant coup sur coup deux albums en prise directe avec le monde du cinoche.
Hollywood Boulevard, dont le premier tome, Les clés du paradis, nous plonge dans les années 1930 à travers l’itinéraire tumultueux de deux personnages tentant leur chance à Hollywood est fortement inspiré de l’univers de Franck Capra. Billy Bob, jeune homme naïf et pourvu d’un strabisme plutôt disgracieux (anti-héros ?) écrit des histoires au fin fond de son Texas jusqu’au jour où il entreprend de rejoindre la Californie pour se faire embaucher comme scénariste. Sa route va croiser celle de Scarlett, une fille “qui passe son temps à se faire la belle“, aussi paumée que séduisante et dont le physique autorise toutes les audaces comme… celui de passer une audition avec succès, à peine arrivée dans les studios.
Comment le jeune paysan et l’apprentie starlette vont-ils tracer leur chemin dans les aléas pas toujours reluisants de la magie hollywoodienne ? C’est tout le suspense de cette intrigue attachante. L’intérêt du scénario de Félix réside dans la description lucide et sans concession d’un univers où les rapports humains sont souvent tendus, cyniques et cupides, bien éloignés paradoxalement du style glamour du graphisme d’Ingrid Liman.
La jeune dessinatrice signe là un premier album au style épuré, nourri de références “arts déco “ soulignant une belle maitrise des couleurs et des ambiances. Ses planches imprégnées d’une lumière très personnelle, tendent vers le sépia et contribuent à évoquer par le dessin "ce qui n’est pas palpable“.
Avec Mort et entêté, Jérôme Félix nous entraine dans un autre film, plus proche de l’univers de Tarantino ou des frères Coen. Dans un Los Angeles très actuel, le prétendu assassinat de l’escroc Joe Banano va provoquer la rencontre improbable d’une poignée de personnages particulièrement typés et dont les quiproquos et les poursuites vont servir d’arrière-plan à une intrigue plutôt mince au départ mais qui s’avèrera trépidante et truculente grâce à des dialogues percutants et croustillants et une mise en image séduisante et efficace.
D’Anna la stagiaire journaliste enrobée mais à la sexualité aux conséquences... particulières, au tueur implacable atteint de bégaiement ; de la sexy Barbie qui cherche à se débarrasser de son mari infidèle à l’apprenti tueur à gage Buster paumé et dérisoire… c’est toute une galerie de portraits particulièrement savoureuse qui nous est proposée au cours d’un récit déjanté et délirant, très américain !
Jérôme Félix excelle ici dans l’art du portrait associé et nous entraîne dans un récit haletant mené à cent à l’heure, truffé de personnages hauts en couleurs. Des couleurs particulièrement soignées et en parfaite harmonie avec le style nerveux et vif de Gunt qui, à travers ce premier album, fait lui aussi une entrée très réussie.
Ce premier récit d’une série intitulée « Deuxième chance » apparait comme très prometteur !
Deux albums qui célèbrent avec brio le mariage (déjà largement consommé, il est vrai) du ciné et de la BD mais qui confirme aussi l’arrivée de vrais talents.
La BD comme au cinéma ? Une affaire qui tourne !
Pour aller plus loin sur les rapports BD et ciné :
un article sur le blog de Laureline Karaboudjan
et un autre de Didier Pasamonik sur mundo-bd
(par Patrice Gentilhomme)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Commander Hollywood Boulevard chez Amazon
[Commander ce livre à la FNAC-/achat-fnac-2350787230
]
Commander Mort & entêté chez Amazon
[Commander ce livre à la FNAC-/achat-fnac-2350787249
]
Commander Sergent Mastock chez Amazon
[Commander ce livre à la FNAC-/achat-fnac-2350784649
]
Participez à la discussion