On vous en parlait récemment : L’usage du numérique dans la bande dessinée passe dans sa phase industrielle au Japon et aux États-Unis. Quid de la France ? On tourne autour, on évalue, on discute, quand on ne se regarde pas en chiens de faïence.
Comme à son habitude, Soleil se montre le plus entreprenant, sinon le plus impulsif : depuis le 26 novembre et jusqu’au 15 décembre 2008, la nouveauté de Lanfeust de Troy T.8 est proposée aux clients en version numérique.
« L’idée est de tester en grandeur nature la diffusion en numérique pour la bande dessinée » nous dit Hervé Langlois qui tient les rênes du marketing de l’éditeur toulonnais. Une diffusion en PDF que l’on peut lire à son aise sur sa machine. Comment fait-on ? on s’inscrit sur Le Kiosque.fr, un site indépendant qui propose la totalité de la presse en version PDF. Un concurrent de Relay.fr qui en deux ans a réussi, selon M. Langlois, à rejoindre son challenger. On se connecte, on crée un petit espace, une bibliothèque numérique que l’on télécharge en PDF en streaming. On peut acheter des magazines ou alors des albums de BD à partir du 15 décembre 2008.
Une offre ouverte à tous les éditeurs. Bamboo et Paquet seraient de la noce. Du côté de Glénat, Casterman et Delcourt, on réfléchit. Média-Participations (Lombard, Dargaud, Dupuis, Kana) se montre discret. En réalité, tous travaillent sur le dossier. Mais pour Soleil, c’est moins complexe que pour d’autres. « Évidemment, ironise-t-on chez Glénat, ils appellent trois auteurs et ils obtiennent une autorisation pour 80% du catalogue ! ». Chez Casterman, on se montre plus technique : « La pragmatique de la diffusion de la BD en numérique est un sujet très important, nous dit Louis Delas PDG de Casterman et par ailleurs président de la section BD du Syndicat National de l’Édition. Cela pose toute une série de questions techniques : de prix public, de respect des libraires, de droits d’auteur, de TVA, de Loi Lang, etc. On aura une position sur la question en janvier prochain. »
Tous ont été approchés par plusieurs entreprises qui ont des projets, la plupart des prestataires s’orientant vers les mobiles et leurs opérateurs. « Ce sont des noms qui font un peu rêver : Orange, Vodaphone… » sourit Hervé Langlois. Mais Soleil se préoccupe peu des atermoiements de ses concurrents : l’éditeur toulonnais, dont l’esprit sportif n’est jamais en défaut, a décidé de foncer sur l’opportunité. Juste pour voir. « On pense que le marché est d’abord sur l’ordinateur avant le mobile », nous dit Langlois : 35.000 clients sont déjà là, acheteurs du Kiosque.fr. Il pense que certains d’entre eux peuvent être intéressés par le nouveau Lanfeust : « Grâce à cette opération, nous allons toucher un public qui est né dans les ordinateurs et qui ne va plus le matin dans les kiosques pour acheter un magazine, mais qui le lit sur Internet ou au travers de flux RSS. » L’éditeur pense qu’il y a une conformité entre ce mode de consommation et sa cible, d’autant que, avant que les opérateurs mobiles se décident, il y aura un peu de temps. Il annonce une offre de 500 BD « dont 150 à 200 Soleil ». Pour 4,90 euros, on conserve son album à vie dans sa bibliothèque numérique.
4,90 euros
4,90 euros ? C’est la moitié de la BD en librairie ! Quel est le modèle économique ? Combien prend, par exemple, Le Kiosque.fr ? « C’est variable et confidentiel. Pour chaque éditeur, c’est différent » nous répond-t-on chez Soleil. La modestie du prix par rapport à l’imprimé se justifie : Une fois le PDF produit, le coût marginal pour l’éditeur est minime. Il souligne cependant que le PDF pour le web n’est pas formaté de la même manière que pour l’impression. Il y a donc des coûts de production.
Selon les responsables de Soleil, ce sont leurs auteurs qui ont poussé à ce type d’exploitation. Plus jeunes, plus ouverts aux nouvelles technologies, ils anticipent la fin des dix glorieuses de la bande dessinée (1995-2005) qui, selon M. Langlois, a offert au métier une croissance incroyable. Pourquoi, dès lors, ne pas tester ? La vraie question est de savoir si c’est un nouveau marché ou s’il va y avoir une cannibalisation. Chez Soleil, on est confiant, c’est un nouveau débouché : ce sont des nouveaux consommateurs qui découvriront ou qui reviendront vers l’univers de Lanfeust. On en saura plus d’ici à trois mois.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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