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Barbara Abel & Gérard Goffaux : "Nous avons voulu rester dans l’humain"

Par Nicolas Anspach le 1er juillet 2008                      Lien  
Elle est jeune romancière à succès, adaptée en téléfilms ; il est dessinateur de BD. En couple à la ville, ils ont réalisé ensemble {[Je vous Salue Jennifer->6923]}, un récit sociétal et philosophique.

Barbara Abel & Gérard Goffaux : "Nous avons voulu rester dans l'humain"
Vous vivez ensemble depuis une quinzaine d’année. Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour travailler de concert ?


BA : Nous avons rédigé ensemble une pièce de théâtre, L’Esquimau qui Jardinait et un livre pour les éditions Estuaire/Les Carnets Littéraires. Mais malheureusement ce dernier n’a jamais été publié. Nous avons toujours eu envie de travailler ensemble, mais Gérard était occupé sur ses projets, et moi, je sentais qu’il fallait que je vole de mes propres ailes dans un premier temps. Les années passant, j’ai fais mes preuves en publiant quelques romans. Lorsque Gérard a terminé son adaptation en trois volumes de La Fille de la Nuit du romancier Serge Brusselo, notre collaboration s’est imposée naturellement !

GG : Assez étrangement, j’ai toujours eu l’impression de travailler avec Barbara. Lorsque je dessine, elle regarde mon travail. Et nous passons beaucoup de soirées à parler de ses histoires. C’est un mélange naturel ! Barbara avait 23 ans lorsque je l’ai rencontrée. Pour ma part, j’avais dépassé la trentaine ! Elle se cherchait un peu. La pièce de théâtre, qu’elle a interprétée, a plutôt bien fonctionné. Nous étions rentables, sans subside ! Pendant ce temps, je travaillais sur Max Faccioni, que j’ai même réussi à placer aux Etats-Unis, chez Sunset Strip. Mon rêve de gosse était assouvi ! Par après, j’ai rencontré Serge Brusselo qui m’a demandé d’adapter l’un de ses romans….

Barbara, sous quelle forme donnez-vous le scénario à Gérard ?

BA : J’écris les scènes comme si c’était destiné à du théâtre. Mes phrases sont courtes et descriptives. Gérard réalise le découpage et tient bien entendu compte de mes dialogues.

GG : Je réalise alors les roughs pour lui montrer le découpage de la scène. Ensuite, nous en discutons. Barbara excelle dans les dialogues…

Le sujet est assez fort : une jeune adolescente qui tombe enceinte sans avoir eu de rapport sexuel…

GG : Oui. Lorsque nous avons commencé à parler de cette idée autour de nous, des éditeurs de roman ou des producteurs de téléfilms étaient intéressés que nous la développions pour eux. Il y avait un intérêt assez fort de leur part. L’idée est simple, mais très intéressante. La maternité est un thème récurant chez Barbara…

Croquis pour "Je vous Salue Jennifer"

Il y a aussi l’aspect religieux qui est en filigrane dans cette histoire. Tous les Catholiques se sont un jour demandé ce qu’il se passerait si Jésus revenait aujourd’hui. Comment réagirait-on ?

BA : Je suis née athée, et n’ai eu aucune éducation religieuse durant mon enfance. Bien entendu, je connaissais les grandes lignes de la Bible. Et je me suis documenté sur ce sujet pour Jennifer. Mais mon athéisme me permet de me détacher de cet aspect-là. En fait, nous traitons d’une famille ordinaire. Jennifer n’est pas la Marie du vingt-et-unième siècle. C’est une adolescente normale, qui souffre des mêmes problèmes que les autres. Elle tombe juste enceinte sans avoir couché avec un garçon. Et le poids de l’Histoire va peser sur ses épaules de ce fait-là… Nous avons voulu rester dans l’humain, et raconter les répercussions que cette nouvelle aurait dans une famille !
Je me suis documenté sur la religion, car je devais être au plus près des réactions des représentants de la chrétienté s’il arrivait une telle histoire … Dans les deux prochains albums, l’histoire prendra une ampleur différente.

Vous avez des enfants. Pensez-vous qu’il était important d’être mère pour pouvoir faire vivre Jennifer ?

BA : Oui. C’est aussi l’histoire d’une gamine qui porte un bébé dans son ventre. Comme je le disais, ce récit est très humain. Je veux y partager le côté quotidien, et être parfois très terre à terre dans les questions qui concernent la maternité. Jennifer explique ses sensations et partage ses interrogations avec ses amies…

Rough pour l’album

Gérard, vous avez ancré cet album dans votre quotidien. Pourquoi ? On reconnaît les rues de Saint-Gilles, l’hôtel de ville et même votre propre appartement…

GG : L’histoire n’est pas crédible. Paradoxalement, pour faire croire qu’elle l’était, je devais aborder le dessin d’une façon réaliste, soigner les expressions, les mimiques, les jeux de regards, etc.
Nous nous sommes demandé comment aller plus loin dans le réalisme ? En plaçant l’histoire dans notre réalité quotidienne tout simplement ! J’ai dessiné ma ville, Bruxelles, mon quartier, mon appartement, mes meubles, etc. Il fallait que le lecteur ait l’impression que cette histoire soit arrivée près de chez lui ! Jennifer, ce récit, relate l’apparition de l’extraordinaire dans un monde on ne peut plus ordinaire.
Le style de dessin doit servir l’histoire. Un auteur ne doit pas dessiner pour son ego, et faire de l’esbroufe pour faire croire qu’il est un grand dessinateur. Il faut avoir une vraie réflexion quant au graphisme avant d’aborder un récit. La Fille de la Nuit, par exemple, a un côté volontairement rétro. Cette histoire narrait le destin d’une femme amnésique, qui reconstruit et rassemble des souvenirs. On s’apercevra que ceux-ci ne sont pas les siens, mais ceux d’une personne plus âgée. Comment traduire cela dans le dessin ? En prenant un style plus classique, plus rétro.

Cette histoire est planifiée en trois albums ?

BA : oui. Mais je travaille en me laissant beaucoup de liberté. Je n’ai pas de plan structuré et inébranlable. Bien sûr, je sais où je vais, je connais la fin du récit et la résolution des énigmes…

(c) Lou Goffaux

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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