Voici donc Barrio, le quartier, la rue, maman, les copains, les filles, un invraisemblable grouillement de personnages tous plus incroyables les uns que les autres, sur lesquels plane l’ombre du Père, parti on ne sait où... aspiré dans le tourbillon provoqué par les funestes chasses d’eau que tire l’Histoire avec un grand "H".
Barrio se place donc à la suite Paracuellos, ayant reçu le Prix du Patrimoine au festival d’Angoulême 2010. Dans la série précédente, l’auteur y dévoilait ses souvenirs de la succession des centres d’aide sociale qu’il a connus entre l’âge de 6 et de 14 ans. Pour Barrio, c’est le retour à son quartier, dans une famille qui n’en porte plus que le nom. La vie se résume donc aux copains, aux quatre cents coups, et au fascisme de Franco omniprésent, comme une toile de fond devant laquelle s’animent des personnages qui ne se rendent pas compte de cette écrasante répression.
Sur le format, Barrio est rigoureusement identique à Paracuellos, si ce n’est qu’ici, un seul album avait été publié par Fluide Glacial au début des années 1980, à la place de deux pour dans la chronologie précédente. On profite donc de la publication de cinq albums inédits en France, pour une reliure épaisse de 235 pages avec signet. Un très bel objet.
Pourtant, dès la première page, on oublie le livre pour se plonger dans l’univers particulier et autobiographique de Carlos Giménez. Comme dans Paracuellos, le premier ’album’ de cette intégrale est très dense, ainsi que nous l’expliquait Gimenez :
"C’est d’abord l’exutoire qui a primé, et j’ai sorti ce qu’il y avait de plus violent. Ces courts récits en deux pages ne me permettaient pas de m’étaler, et il fallait aller à l’essentiel. Je vivais aussi dans le doute d’être encore édité et c’est pour cela que je ne voulais pas que cette information ne se perde. Rencontrant une certaine attente du public, j’ai pu alors chercher plus en profondeur dans mes souvenirs, afin de chercher des événements peut-être un peu moins violents à première vue, mais qui l’étaient tout autant en termes de contenu."
Barrio est tout simplement bouleversant. Chaque récit témoigne à sa façon et par son rythme propre de l’âpre vie quotidienne des années 1950. Le ton n’est pas dur, mais vivant. Avec cette force et ce sens des détails que seuls peuvent évoquer ceux qui ont vécu ces instants. Une très grande réussite à nouveau, sur la forme comme sur le fond, dont on interrompt la lecture avec difficulté.
(par Charles-Louis Detournay)
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