Batman Imposter - Par Mattson Tomlin & Andrea Sorrentino - Urban Comics

Bruce Wayne peut être fier : Gotham a connu sa première nuit sans le moindre crime depuis 54 ans ! Un constat établi uniquement grâce à sa présence sur le terrain aux quatre coins de la la ville.

Mais sa psychothérapeute, le Docteure Leslie Thompkins, ne le voit pas de cet œil. De son point de vue médical, elle estime qu’il est plus qu’urgent que son patient revienne en séances afin de calmer ses ardeurs émotionnelles. D’ailleurs, elle n’est pas la seule à s’inquiéter à cause de Batman puisque les grands industriels de Gotham soupirent quant aux dégâts produits par le redresseur de tords. Notamment Monsieur Wesker, véritable pilier fondateur de ce qu’est devenu Gotham, à la tête des plus imposantes infrastructures, aimé et vénéré dans le milieu de la haute finance.

Tous blâment Le Chevalier noir, qu’il s’agissent de politiciens, ou d’enquêteurs à la criminelle : les mêmes qui l’ont admirés par le passé. Mais les temps changent et plus d’un estime qu’il est impératif de freiner le justicier masqué. Si ce n’est l’enquêtrice Wong qui est bien décidée, sans pour autant prendre parti ni pour le justicier masqué ni les autres, à explorer les moindres indices de cette sordide affaire qui a débuté avec l’hélicoptère crashé sur un entrepôt de Wesker et l’explosion sur les docks. D’autant que la cellule anticriminelle dispose de preuves vidéos montrant Batman exécutant froidement deux individus ligotés. Est-ce un traquenard pour destituer définitivement le super-héros de Gotham ?

©Andrea Sorrentino / Urban Comics

En tête d’articles de presse, on peut lire : L’imposteur (comme on le nomme dans les médias), Batman tue ! On cherche indéniablement à le détrôner sans demi-mesure. Seules sa thérapeute et l’enquêtrice Wong émettent une autre opinion, mais parviendront-elles à prouver son innocence alors qu’en général, Batman privilégie l’action en solitaire …

Batman Imposter suscite une vague d’intérêt grâce à sa complexité scénaristique et son approche ultra réaliste mise en relief par un trait déconcertant. Scénarisé par Mattson Tomlin, co-scénariste du film The Batman actuellement dans nos salles, le Comics et l’interprétation cinématographique jonglent à l’unisson, répondant favorablement aux attentes du public. C’est bien simple : ce récit nous propulse vers une dimension novatrice du Chevalier noir, la plus authentique possible de notre réalité, où Batman se retrouve confronté à une existence proche de la nôtre. C’est une version de Bruce Wayne terre à terre, où l’homme prend le dessus sur son rôle de super héros.

Mattson Tomlin joue la carte de la surprise, notamment sur les interconnections entre protagonistes. C’est le cas pour Leslie Thompkins, pris en étau, ne sachant réellement que faire entre aider son patient Bruce Wayne ou le dénoncer à la police. C’est également vrai pour l’inspectrice Wong, loin d’abonder dans le sens de ses collègues désignant La Chauve souris comme l’unique coupable. Ses deux protagonistes féminins sont particulièrement développés, la première pour son lien pertinent poussant Bruce Wayne vers la guérison émotionnelle ; la seconde au cœur de l’action, cherchant la moindre faille pour discréditer le Chevalier noir.

La partie graphique offre un spectacle tout à fait alléchant, bien que peu conventionnel. Andrea Sorrentino, déjà connu pour ses interventions sur Green Arrow aux côtés de Jeff Lemire, développe ici un trait enragé et nerveux. Le résultat se veut viscéral et prend indéniablement aux tripes, tant et si bien que l’on affectionne ce genre graphique. Car avouons-le honnêtement : ce récital boulimique d’énergie ne plaira cependant pas à tout le monde. Un trait ultra réaliste dans ses moindres détails, auquel il faut ajouter une ambiance suffocante, voire claustrophobique, comme si la noirceur de l’âme des protagonistes recouvraient de leurs empreintes chimériques chaque planche, d’amont en aval.

Et cette note asphyxiante ne se résume pas uniquement au trait d’Andrea Sorrentino mais également au découpage hallucinant pour lequel l’artiste innove, créant un éventail complexe et jubilatoire.

Avec Batman Imposter, Mattson Tomlin & Andrea Sorrentino marquent un grand coup. Bien plus qu’un simple divertissement de super-héros !

©Andrea Sorrentino / Urban Comics