Batman : Last Knight on Earth - Scott Snyder & Greg Capullo - Urban Comics

Voilà maintenant près de dix ans que le destin du Chevalier noir est lié à la plume d’un auteur : Scott Snyder. Après avoir exploré la mythologie de Gotham City et de Batman avec Gates of Gotham, Sombre Reflet [ou La Cour des hiboux, d’excellents récits qui s’inscrivaient dans une certaine norme des aventures du justicier masqué, le scénariste américain a pris un tournant radical avec Zero Year (L’An Zéro), réécriture complètement folle des origines du croisé masqué dans une Gotham City comme on ne l’avait jamais vu.

Une affaire banale qui s’avére mener le Chevalier noir à sa dernière croisade...

Rêve ou réalité ?

Dès lors, les récits de Scott Snyder autour du héros de Gotham ont pris un tournant plus personnel : on ne lisait plus les aventures de Batman, mais les aventures de Batman selon Scott Snyder. On peut faire concorder ce tournant avec une discussion qu’a eue l’auteur avec Grant Morrison, son prédécesseur à la destinée du Chevalier noir. Scénariste chevronné, ce dernier aurait donné ce conseil à l’auteur fraichement arrivé sur le personnage : « Il faut que tu donnes à ta version de Batman une naissance et une mort, que tu te l’appropries. »

Après avoir littéralement donné naissance à son Batman dans Zero Year, il est maintenant temps pour Scott Snyder de lui offrir une mort mémorable. Il retrouve alors l’excellent dessinateur Greg Capullo qui avait accompagné ses premiers pas sur la série Batman pour le récit en trois parties Batman : Last Knight on Earth. Le tandem original est réuni à nouveau pour la conclusion du Chevalier noir selon Scott Snyder, à l’image de ce qu’avait fait Brian Michael Bendis avec le brillant Daredevil : End of Days.

Batman s’éveille dans un monde à la fois familier et inconnu...

Bruce Wayne se réveille dans un futur plus ou moins proche, dans un monde fait de feu et de sang. Errant dans ce monde post-apocalyptique avec pour seul compagnon la tête du Joker (encore bien vivante et très, très loquace), Batman se lance dans une quête pour découvrir qui a tué le monde.

Wonder Woman, guerrière éternelle

De La Cour des hiboux à son récent passage sur la série Justice League, Scott Snyder multiplie les références à ses œuvres passées pour enrichir son baroud d’honneur sur le Chevalier noir. Autrement dit, si vous n’étiez déjà pas amateur du style un peu punk, bourrin et égocentrique de Scott Snyder, il y a peu de chances pour que ce récit vous parle, l’aspect futuriste et hors-continuité de l’histoire permettant en effet à l’auteur de laisser libre-cours à son imagination débordante, cela dit, il est aussi alors plus facile d’accepter les délires de Snyder, d’autant plus qu’il se montre peut-être plus subtil qu’à l’accoutumée dans cette histoire.

S’inscrivant dans une lignée d’histoire relatant le futur de nos icônes de papier, ce Batman : Last Knight on Earth emprunte plus au Old Man Logan de Mark Millar qu’au légendaire The Dark Knight Returns de Frank Miller. On y suit ainsi les pérégrinations d’un Batman dans une Amérique dévastée, où il rencontrera d’anciens alliés et d’anciens ennemis aujourd’hui bien différents. Le James Gordon de ce récit - bien que peu présent - rappelle d’ailleurs furieusement le Hawkeye de Old Man Logan.

D’anciennes héroïnes et vilaines désormais devenues de dangereuses amazones obéissant à Wonder Woman.

Mais l’une des influences les plus apparentes de cet album est bien évidemment l’univers totalement fou de Mad Max : futur dévasté, hostile et sans espoir, grandes étendues désertiques, dangereuses amazones... Tout y est, et l’héritage de Mad Max n’est pas seulement visuel, car même dans les thématiques et les messages délivrés dans ces pages, l’influence de l’œuvre de George Miller se fait sentir.

Omega, nouvel adversaire de Batman.

Même si le récit apporte une réponse plus tangible et personnifiée à la question « Qui a tué le monde ? », on pourrait finalement répondre que c’est l’individualisme et les peurs des gens, exacerbés par des populistes opportunistes qui ont poussé notre société à sa perdre. C’est là que Snyder vise plutôt juste, lorsqu’il raconte les raisons qui ont menés à l’effondrement de notre société, il ne s’agit pas simplement d’une ultime bataille face à un ennemi surpuissant, mais de quelque chose de bien plus banal et terrifiant qui pourrait aussi nous guetter. On notera d’ailleurs quelques passages très touchants, notamment avec le pourtant diabolique Lex Luthor.

En dépit de quelques égarement inhérents à l’écriture de Scott Snyder - mais nous sommes maintenant habitués - ce Batman : Last Knight on Earth est une plutôt bonne surprise. Graphiquement, Gerg Capullo n’atteint pas les sommets qu’il a pu avoir sur Batman, mais livre une très belle performance.

Cependant, il semble que finalement, Snyder ne soit pas prêt de laisser tomber le Chevalier noir et que l’on risque d’encore devoir lire les folies du scénariste américain pendant encore quelque temps, ce qui est d’autant plus dommages après que ce dernier ait réussi à offrir une jolie conclusion à ses travaux sur le personnage, comme quoi : "ce qui est mort ne saurait jamais mourir".

Qui a tué le monde ?