Le premier volume commençait par une tuerie : celle de des Salines d’Aigues-Mortes en 1893. Le deuxième s’ouvre sur le massacre de la Légion Garibaldi des volontaires italiens engagés pour la France sur le front de l’Argonne en 1914. Baru n’y va pas par quatre chemins : l’histoire de l’intégration, de celle des siens, les Italo-français, n’est certainement pas un chemin de roses.
Pour ce premier chapitre, il reprend le même lavis de gris que dans le volume précédent, avec pour seule exception le rouge de la chemise des volontaires, hommage aux Chemises rouges de Giuseppe Garibaldi, lors du Resorgimiento. Ce rouge symbolisant les idéaux des Garibaldiens est porté en flambeau en 1914 par le fils du fondateur de la nation italienne, Ricciotti Garibaldi, qui les souhaite incarnés dans la France. Il est un des fils conducteurs (rouge, forcément) ce deuxième volet.
Reprenant le même principe narratif, Baru alterne entre les périodes historiques dressant le tableau de l’époque et la rencontre avec ses personnages, avec un dîner convivial comme épicentre dramatique. La famille de son héros, Teodoro Martini, et leurs proches, échangent des souvenirs qui en appellent d’autres, puis enchaînent les anecdotes d’une communauté souvent vantée comme modèle d’intégration, mais qui en a beaucoup enduré pour en arriver à ce stade.
On retrouve à nouveau ce mélange de fiction et de souvenirs familiaux faits de disputes, de débordements et de rires, mais aussi de souvenirs douloureux, comme l’ineffaçable nostalgie de la patrie, les horreurs de la guerre et de l’occupation...
L’intégration est un sujet omniprésent : dans l’adoption de la langue locale, le français, mais aussi à travers l’engagement politique, notamment au sein du Parti Communiste et de son engagement dans la Résistance.
C’est l’intrigue du chapitre Mortadelle qui est la plus saillante, celui où deux jeunes issus de l’émigration italienne prennent des voies opposées : l’un se réaffirmant dans son italianité à travers le fascisme et la collaboration avec les nazis, l’autre optant pour la Résistance et le ralliement à la lutte des Français pour la libération du pays.
Baru semble nous indiquer que toute intégration passe par l’adhésion aux idéaux les plus nobles de son pays d’adoption, même s’ils ne sont pas forcément au rendez-vous dans la réalité quotidienne.
Dans le chapitre Ritorno !, nous assistons au retour des Italiens dans leur mère-patrie, après de longues années d’absence, emplis de nostalgie. Mais la majorité reviennent en France, ne pouvant plus ritornare car le pays qu’ils avaient tant idéalisé n’existe plus que dans leurs souvenirs, embelli par la distance et le temps.
Ils se résignent alors à rester étrangers, mais familiers, dans un autre pays que le leur, avec une langue et une culture à jamais « étrange », « métisse »...
Baru maintient le charme avec son style reconnaissable entre mille, son trait libre et léger, parfait pour représenter le mouvement, qu’il agrémente d’aquarelles douces, révélant le caractère ou la psychologie de ses personnages. La sagesse de la maturité se combinant à la maitrise technique, il nous livre une réflexion profonde, singulière mais de portée universelle, sur l’appartenance et le pouvoir des idéaux dans la constitution des individus comme de l’histoire commune.
(par Jorge Sanchez)
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