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Ben Templesmith : "J’ai vu mes parents mourir dans les flammes. Et c’est comme ça que j’ai pris goût aux récits d’horreur."

Par Thierry Lemaire le 25 novembre 2010                      Lien  
L'auteur des très bonnes séries Fell, Wormwood et 30 jours de nuit était de passage à Paris pour le vernissage d'une exposition qui lui est consacrée à la galerie Maghen jusqu'au 27 novembre. L'occasion de poser à cet Australien qui habite désormais aux Etats-Unis quelques questions sur son travail.

Comment vous est venue cette fascination pour les histoires d’horreur ?

Et bien, quand j’étais jeune, je devais avoir cinq ans, j’étais en voiture avec mes parents et un kangourou a traversé la route. Mon père a essayé de l’éviter mais la voiture a heurté un poteau. J’ai eu juste le temps de sortir et de ramper avant que la voiture n’explose. J’ai vu mes parents mourir dans les flammes. Et c’est comme ça que j’ai pris goût aux récits d’horreur. C’est en tout cas l’histoire que je raconte à chaque fois aux journalistes (rires).

Et la vraie histoire ?

Non, je ne sais pas. Je dessine ce que j’aime, mais je ne sais pas d’où ça vient. D’aussi loin que je me souvienne, j’aimais ça, les choses un peu sombres. Je ne suis pas une personne sombre. Je ne suis pas quelqu’un de sérieux. Mais j’aime cette ambiance sombre. Et je vous rassure, mes parents vont très bien.

Ben Templesmith : "J'ai vu mes parents mourir dans les flammes. Et c'est comme ça que j'ai pris goût aux récits d'horreur."
Ben Templesmith a raison, il n’est pas sérieux pour deux sous
(c) T. Lemaire

Votre dessin est à la fois réaliste et comique. Quelles sont vos influences graphiques ?

Ma première influence, qui ne vient pas de la bande dessinée mais de l’illustration, est Ralph Steadman. Plus tard, je me suis tourné vers les comic books et Ashley Wood ou Jay Lee.

Et vous sentez une évolution dans votre style ?

Oui, mais je ne contrôle pas mon style. Ça vient comme ça. Un artiste a le style avec lequel il est à l’aise. Et c’est pour ça que les artistes ont des styles différents. Si chacun dessinait exactement ce qu’il voit, il n’y aurait pas de style. C’est la façon d’interpréter le monde. Je ne le contrôle pas, c’est lui qui me contrôle.

Quel est votre processus de création ?

Wormwood t3
(c) Templesmith/Delcourt

La plupart des mes travaux commencent sur du papier. Blanc ou gris. Je fais des esquisses à l’encre, j’ajoute parfois un peu d’aquarelle et quelques touches de blanc. Généralement, ça donne un dessin dans des tons de gris. Je le scanne. Et je le colorise sur ordinateur. Un peu différemment de la façon dont le font les coloristes américains. Je ne peux pas vous l’expliquer dans les détails, mais c’est une question de calques et de filtres. J’ai commencé à colorisé sur l’ordinateur avant tout le monde, mais je n’ai pas vraiment évolué depuis. Alors je me considère comme un coloriste old school. Et puis voila, le dessin est prêt à être imprimé. Il m’arrive aussi de réutiliser des photos, mais la plupart du temps, mes dessins sont faits à 80% à la main. On pense parfois que je fais tout à l’ordinateur, mais c’est faux. Et je n’ai pas envie de dessiner sur ordinateur. J’ai besoin du papier.

Et une fois le dessin colorisé sur photoshop, vous ne le reprenez jamais à la main ?

Rarement. J’aimerais bien faire un tirage papier et reprendre les couleurs à la main, mais les délais dans la BD américaine sont trop courts pour prendre du temps à faire ça.

Dans vos livres, il y a un gros travail sur les couleurs. C’est important pour vous ?

Tout à fait. Dans les comics, en règle générale, il n’y a pas ce souci des couleurs. Tout au long d’un album, les couleurs sont à peu près les mêmes, il n’y a pas de contraste entre les scènes. Ils ne prennent pas en compte que la lumière est différente suivant les scènes... Ceci dit, j’apprécie qu’on me pose ce genre de questions sur mon travail. Aux Etats-Unis, les journalistes ne s’intéressent pas beaucoup au côté artistique.

Une petite partie de l’expo à la galerie Maghen
(c) T. Lemaire

Il y a trois atmosphères différentes dans Fell (intimiste), Wormwood (humoristique) et 30 jours de nuit (dramatique). C’est important pour vous d’avoir ce panel d’atmosphères dans vos œuvres ?

Non, pas vraiment. C’est l’histoire qui entraîne cette variété. Mais c’est vrai que pour moi, interpréter le scénario est le travail le plus dur.

En revanche, ces trois séries ont le même style graphique.

Fell t1
(c) Templesmith/Delcourt

Beaucoup de gens disent ça mais je ne suis pas d’accord. Les différences ne sont peut-être pas énormes, mais il y en a, tant sur les couleurs que sur le dessin.

Et vous n’avez pas envie de partir dans une direction graphique complètement différente ?

Non. Ça me prendrait beaucoup de temps et d’efforts pour aller dans ce sens. Je préfère me concentrer sur mon style actuel. Je peux faire des choses différentes, mais je n’ai pas de tels projets aujourd’hui.

Quelles sont vos influences pour l’écriture ? Est-ce que Lovecraft en est une ?

Non, je n’ai pas lu beaucoup Lovecraft. Je pense que j’ai lu beaucoup d’auteurs qui ont été influencés par Lovecraft. J’ai plutôt lu de la science-fiction avec Isaac Asimov ou Harry Harrison. Et puis des scénaristes de comic books comme Warren Ellis [scénariste de Fell]. Quand je lis un de ses scénarios, ça m’apprend à écrire.

Pose concentrée devant ses originaux
(c) T. Lemaire

De manière plus anecdotique, l’un de vos personnages dans Wormwood s’appelle Jeanne et est française. Pourquoi ce clin d’œil à la France ?

En fait, c’est une jeune femme qui existe vraiment, que j’ai rencontrée en France. Je lui avais promis de la représenter dans une de mes BD. C’est un petit rôle, mais j’ai tenu promesse. Il y a quatre personnes réelles représentées dans la série, dont mon éditeur en France Thierry Mornet [responsable des comics chez Delcourt]. Les gens concernés aiment bien ça. Et moi aussi.

Et quelle est votre opinion sur les adaptations de 30 jours de nuit au cinéma ?

Plutôt bonne. Vous savez, il n’y a pas beaucoup d’artistes qui ont la chance d’être adaptés au cinéma. Je ne vais pas cracher dans la soupe. Mais j’ai vraiment apprécié. Visuellement, c’est fantastique. Ils ont fait du bon boulot.

Pour finir, quels sont vos projets pour les mois qui viennent ?

Je suis en train de finir un épisode de la série Choker [série à paraître chez Delcourt en 2011], et puis ensuite il y aura le tome 4 de Wormwood. Et j’ai un autre projet qui s’appelle Blackstar, mais je ne vais pas en dire plus pour l’instant.

(par Thierry Lemaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Exposition Templesmith à la galerie Maghen, jusqu’au 27 novembre.
47 quai des grands Augustins, Paris (6e)
du mardi au samedi 10h30 - 19h00

 
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